La (mini) série immanquable du moment : Top of the lake

Mon dernier vrai coup de coeur pour une série était Homeland. Qui en est déjà à sa saison 2. Après Downtown Abbey dont la saison 3 ne m’a pas lassé. Je mets de côté Arrow, guilty pleasure assumé et House of cards, moins bluffant que prévu. Il me reste à découvrir Rectify et Hannibal dont tout le monde me dit que je vais aimer. Mais je dois m’arrêter sur Top of the lake.

J’ai pris une semaine pour déguster la pépite dont j’attendais beaucoup : Jane Campion aux commandes, Sundance Channel et la BBC Two à la production, Elisabeth Moss en leading role, les retrouvailles de Campion avec Holly Hunter, Arte sur les rangs pour la diffusion en France. Et un succès critique et public sur Metacritic qui trompe rarement.

Et j’ai pris deux semaines supplémentaires pour digérer, mesurer la trace laissée avant d’en parler ici et de laisser entrer Top of the lake au panthéon des séries qui m’ont marqué pour longtemps.

L’intrigue de Top of the lake s’articule autour de la disparition d’une petite fille de 12 ans, enceinte de 5 mois lors de sa disparition. L’inspecteur Robin Griffin, venue de Sydney, va transformer son enquête en véritable obsession qui va réouvrir des blessures du passé. Elle est entourée d’une galerie de personnages, certains réalistes, d’autres oniriques.

Top of the lake est une série noire. Très noire. Souvent comparée à The Killing pour son atmosphère, elle utilise également parmi ses multiples symboles l’eau, non pas sous forme de pluie, mais dans un lac qui joue le rôle à la fois de danger de mort et de purification. Beaucoup de thèmes traversent les 7 épisodes, la guerre des sexes étant le plus prégnant.

La série emprunte les chemins de la lenteur des grandes séries de ces 3 dernières années, dans un nombre d’épisodes réduits, autour d’une héroïne écorchée, dissimulant ses failles sous une apparente force de caractère. Il n’y a pas de héros, le bien et le mal s’enlacent dans chaque personnage. La comparaison avec Homeland est inévitable. L’originalité du format n’est pas la question.

Top of the lake réunit tout ce que j’aime : la lenteur laisse une vraie place à tous les caractères mais ne fait aucune concession à l’efficacité du scénario et à un rythme enivrant. Tout est mis en place pour que les 2 derniers épisodes atteignent un climax riche en révélation et rebondissements. La qualité des dialogues atteint la quasi perfection. Et le format mini série qui nous épargne une saison 2 moins bien est sans doute une bonne idée, même si on en aurait voulu plus.

Le casting est aussi bon que prévu. Elizabeth Moss vaut à elle seule le détour par cette série. Elle a pu exercer avec Peggy Olson de Mad Men la femme forte et ambitieuse pleine de failles. Holly Hunter campe un gourou qui, par sa capacité terrifiante à dire la vérité sans filtre, vaut les quelques rares moments d’humour du programme. Parmi leur partenaire, Thomas M. Wright est l’acteur australien dont on entendra parler. Il est déjà devenu une star dans son pays, le reste du monde devrait suivre.

S’il fallait trouver un seul défaut à Top of the lake, ce serait sans doute les accents Neo Zelandais et Australiens qui rendent la compréhension compliquée sans les sous-titres.

Pour tout le reste, il ne me tarde qu’une chose : revoir la série dans son intégralité dans les semaines qui viennent. Aucune autre série ne m’avait donné cette envie là auparavant.

 

Réglage émotionnel

J’ai été mal réglé à la naissance. Un déséquilibre de poids émotionnel, beaucoup trop faible à l’oral, beaucoup trop fort à l’écrit. J’ai ça depuis toujours. J’ai tenté des expériences, qui continuent encore pour la plupart, pour tenter de corriger ce défaut d’origine. Je n’y parviens que par petites touches, la route reste longue. Quelque chose me dit que ce billet ne va pas aider…

the baby in the arms of father shot

Captiver une audience: ce talent qui s’apprend… juste un peu

Après le théâtre, ma thérapie pour m’exprimer mieux devant une audience, qu’elle soit d’une ou de 300 personnes, a consisté à choisir un métier dans la communication, plus exactement les RP. Un métier qui, dans les années 90, s’exerçait principalement au téléphone, le medium thérapeutique par excellence. Celui qui oblige à exagérer les émotions pour les faire passer. Si on veut avoir l’air sympa au téléphone, on sourit, si on veut avoir l’air amusé, on éclate de rire. On force les émotions, justement tout ce que je ne savais pas faire.

Au fur et à mesure des années, j’ai appris quelques astuces qui m’ont au moins permis de « vendre » une histoire. J’ai progressé. L’ironie du sort est que je donne aujourd’hui des cours de « storytelling au quotidien » à des élèves qui s’améliorent je crois sous mes conseils, apprennent à distiller des détails, à faire monter la tension, orchestrer un début, un milieu, une fin, intégrer un enjeu, dans tous leurs sujets de conversation… Parler à la part émotionnelle de notre cerveau pour permettre à sa part rationnelle de prendre des décisions, selon la fameuse théorie défendue par le neuroscientifique Damasio dès le siècle dernier.

J’ai progressé, mais je m’ennuie toujours en parlant de moi. Ou, pire, je perds le contrôle de mes émotions. Hors il n’y a pas de bon storytelling à l’oral sans se livrer un minimum. Les gens disent poliment me trouver pudique mais la réalité est moins glorieuse : captiver une audience en m’exprimant devant elle reste un challenge qui nécessite un travail, un effort, une tension parfois douloureuse, rarement agréable en tout cas.

Se protéger derrière des mots écrits: pas si simple

On a sans doute tous un mode d’expression de prédilection. Le mien est depuis toujours l’écrit. Ado, j’écrivais de longues lettres à mes ami(e)s. Aujourd’hui encore, je leur envoie plus facilement un email que je ne leur passe un coup de fil. Dans une mécanique exactement opposée à ma relation au langage parlé, m’exposer par écrit, me dévoiler sans filtre est un acte absolument naturel. C’est dire à quel point le blog a immédiatement constitué un mode d’expression confortable pour moi.

Pour autant, cette facilité ne m’a pas exempté d’efforts. Assez vite, j’ai compris qu’il fallait que je me protège. J’ai bien senti par les réactions provoquées que la perception de mes textes dépassait mon intention : alors que je pensais ne parler que pour quelques proches et moi, des inconnus commentaient, m’écrivaient, me renvoyaient une charge émotionnelle au niveau de la mienne, supposée, dont je n’avais absolument pas conscience. Je me livrais beaucoup, quasiment par inadvertance. Je me souviens, à l’époque où j’écrivais sur lepost.fr sur les séries télé (!), de cette lectrice fidèle qui me racontait au quotidien le calvaire qu’elle vivait à la maison avec son mari. « Parce que je la comprendrais mieux que personne ». Je n’avais pas les clés pour réduire le poids de l’émotion distillée que je continue d’ailleurs à avoir du mal à réaliser aujourd’hui.

Avec l’arrivée de twitter, j’ai donc décidé que je n’y serais que léger. C’est en 140 caractères, des dizaines de milliers de fois, que j’ai répandu de la légèreté à la limite de la superficialité. Mes acolytes ont alors commencé à me renvoyer quelque chose de simple et souvent drôle. Je m’emploie à me déconnecter si je ne me sens pas d’humeur. Et je garde la plupart de mes textes pour moi : de mes publications quotidiennes sur ce blog et dans quelques médias, il n’en reste qu’un ou deux par mois. De plus en plus rarement sur mes expériences. Quand j’en écris, je tends à ne pas publier.

On fait quoi maintenant ?

Lorsque finalement, je me décide à publier un texte comme celui-ci, je suis toujours étonné qu’il puisse être lu, ne serait-ce que par une seule personne. Je ne comprends pas le processus qui fait traverser la zone des émotions d’un cerveau de lecteur potentiel. Et puis, je me pense à l’abri : qui pourrait bien s’envoyer des mots au kilomètre sur un écran d’ordinateur en 2013 ?

Mais c’est peut-être ça le secret : ne pas chercher à séduire, posture plus simple à défendre à l’écrit que dans la vie, aiderait un interlocuteur à se projeter et à créer de la proximité ? Je me demande ce qu’en aurait dit Damasio… Dans le doute et sans réponse, je me relis attentivement avant de publier pour supprimer ce qui dirait trop sur moi.

Au final, je n’ai effacé qu’un seul paragraphe de ce texte, toujours aussi peu capable de discerner ce qui relève de l’expérience partagée de ce qui frôle l’impudeur. Et je compte sur mes amis pour m’alerter quand je ne me protège pas assez. La touche « delete » n’est jamais très loin.