Je vais vous dire un secret

I'm going to tell you a secretMadonna a besoin de moi. Sans rire. Trois semaines sans aborder le sujet ici, GuiM parti en vacances, un site officiel très calme : pas de doute, si je m’y colle pas, on va frôler le désert médiatique jusqu’aux concerts de la fin du mois. La presse se met ce qu’elle peut sous la dent (Madonna fait scandale en Russie, Madonna cartonne et s’invite à un mariage à Rome, Madonna vient en aide aux orphelins de Malawi…) mais ignore copieusement la dernière production de la pop star “I’m going to tell you a secret”. Même en y consacrant quelques lignes le 14 juillet, Le Monde a réussi à passer complètement à côté. C’est vrai, sur le papier, c’est exactement dans la même veine que le film de 1991, In bed with Madonna : truth or dare, d’Alek Keshishian : un concert filmé en couleur, entrecoupé de scènes de vie en noir et blanc. En réalité, ça n’a rien à voir et il y a beaucoup plus à en dire (oui je prépare doucement à une note très longue). Forcément, 15 ans ont passé. Sur la forme et le fond, jusque dans la commercialisation, le poids de chaque année compte, la maturité a pris le pas sur la légèreté, impactant aussi bien les scènes de vie que le concert. Impossible de faire l’impasse : les fans vont adorer, les détracteurs vont détester, tous les autres seront à la fois amusés, agacés, émus, bluffés, déstabilisés et sans doute choqués.

En image, ça donne ça :


MADONNA – secret promo US
Vidéo envoyée par didoush

En mots, c’est plus compliqué… et un peu plus long !

Episode 1 : le contexte

Madonna CannesCannes 1991 : Madonna habillée en Gaultier monte les marches à l’occasion de la projection hors compétition de son film “In Bed with Madonna” (titre américain : Truth or dare) et provoque une véritable émeute. Son clip “Justify my love” vient de se faire censurer par MTV et elle travaille sur l’album scandale Erotica dans la foulée du livre “Sex”. Elle est au top.

 

Madonna Rolling Stones15 ans, 9 albums et 3 tournées mondiales + 1 en cours plus tard, elle a connu d’énormes succès (Ray of light, Music, tous ses concerts) et de violents échecs (tous ses films sauf Evita, les pourtant très bons albums Erotica et American Life, d’autres mérités), pas encore l’indifférence. En pleine tournée mondiale, elle lance “I’m going to tell you a secret” en DVD additionnel de son premier album live. Elle s’est marriée avec un réalisateur anglais prometteur, Guy Ritchie, avec lequel elle a eu son deuxième enfant. Elle a rejoint la Kabbale. Son dernier album, Confessions on a dance floor, est en tête des charts dans le monde entier. La presse célèbre son retour en grâce. Elle est au top.

Comment les 2 films pourraient-ils se ressembler ?

Episode 2 (11/08/06) : le format

En 15 ans, les DVD sont arrivés et sont devenus plus qu’un simple relais d’exploitation pour des films conçus pour le cinéma, les écrans vraiment géants sont apparus sur les scènes de concert, le téléchargement de la musique est devenu un mode de consommation avéré dans un marché en pleine régression, les concerts sont devenus les vraies sources de revenu pour les artistes alors que les concerts filmés continuent à ne pas fonctionner. L’ensemble impacte le format de “I’m going to tell you a secret”, forcément. On parle ici d’un produit voulu par une business woman, rien d’autre.

D’abord, c’est un bonus en soi, destiné à soutenir les ventes du CD live, accessoirement le premier de Madonna. Pour les fans évidemment, mais plus largement : pas encore disponible sur iTunes, le DVD peut constituer un déclencheur d’achat pour ceux qui aurait prévu d’attendre sa disponibilité sur les plateforme de téléchargement. Booster les ventes est un impératif, dans le monde de Madonna, un score inférieur à 4 millions (ventes d’American Life) est considéré comme un cinglant échec.

Ensuite, la réalisation de vidéos pour diffusion sur les écrans géants lors du concert aboutit à de véritable productions parallèles, totalement exploitable dans un DVD. Le film d’ouverture du concert ouvre d’ailleurs le DVD. Rien ne se perd, tout est exploité.

Enfin, le DVD permet de clarifier un point s’il était nécessaire : ce n’est pas un concert filmé, ce ne sont même pas les coulisses d’un concert, c’est un docu-“réalité” sur Madonna pendant une tournée mondiale illustré par des extraits de son show. Du coup, en effet Ron, le chapitrage du DVD s’intéresse aux villes visitées, pas aux extraits du concerts titres par titres. Les bonus renforcent encore le principe : même lorsqu’il s’agit de backstage, il s’agit du “voyage initiatique” voulu par la patronne plus que des coulisses du concert.

Episode 3 (12/08/06) : le film

De Los Angeles à Lisbonne, le film nous propose de suivre par ordre chronologique la tournée américaine et européenne de Madonna. Dès le départ, le ton est donné : on y parle d’experience, spiritualité, comportement, beaucoup plus que de musique ou des secrets du spectacles. Le spectacle, de sa création à son accomplissement, est comparé à un voyage initiatique. Un concert sous la pluie devient la 3ème guerre mondiale. Mis à part le directeur musical (un anglais désopilant, voir sa tête pendant la prestation d’Iggy Pop), la lumière est comme dans le premier film clairement mise sur les danseurs.

Madonna y est à la fois insupportable et touchante : ses blagues et ses poèmes ne font rire que parce qu’elle est Madonna, ses “prières d’avant spectacle” et ses leçons de morale ne valent que par sa position. Entendre une Madonna moralisatrice demander à ses danseurs de ne pas fumer de joint ou imposer à son maquilleur de s’inscrire sur les listes électorales est drôle malgré elle. Son égo vit assez mal le fait de ne pas être l’unique et constant pôle d’attraction de l’assistance. Et pourtant, malgré l’évidence de la mise en scène et du manque de spontanéité de chaque situation, elle réussit à surpendre, amuser et émouvoir, plus souvent que prévu dans l’auto-dérision. Elle se met en danger, en montrant des images d’elle peu flatteuses (fatiguée, ridée, portant des lunettes). Ses prises de position ne sombrent jamais dans la facilité car contre balancée par la mise en avant des critiques qu’elles génèrent : face à sa croisade anti-Bush par exemple, les remarques de spectateurs énervés (“je pensais assister à un concert, pas à une convention politique pro-démocrate”) rappellent qu’elle ne reste pas toujours à sa place.

Comme dans “In bed with Madonna”, elle expose son intimité sans pudeur. Mais sa vie intime a changé. La jeune femme volage en pleine liaison avec Warren Beatty, décidée à mettre Antonio Banderas dans son lit, avouant son unique amour pour Sean Penn et odieuse avec son père a laissé la place à une femme mature, responsable, mariée, mère de 2 enfants. Et Guy Ritchie n’est pas Warren Beatty : le premier s’amuse d’une position de suiveur que le second ne supportait pas. Il en joue (et appelle Madonna “Mme Ritchie”) et participe de bon coeur jusqu’à prendre en main la caméra, fait preuve de dérision à chaque moment. Il a droit en voix off à une déclaration d’amour que Warren n’aura jamais eue dans le premier opus. Si les enfants sont très présents, ils le sont assez peu dans des moments d’intimité avec leur mère, mais suffisamment pour ne pas douter de son implication en tant que mère. Ce sont eux qui évoquent le mieux la mort précoce de la mère de Madonna. Et le père, litteralement ridiculisé dans le premier film, devient juste touchant.

La maturité est perceptible dans chaque élément de vie de groupe. Alors que, 15 ans plus tôt, Madonna parlait de sexe, simulait une fellation avec une bouteille, le sujet n’est évoqué ici que par ses danseurs. Alors que son équipe technique se faisait littéralement massacrer au moindre souci, pas un seul haussement de voix à l’horizon ici. Il n’est pas une seule fois question de business. La spiritualité a pris toute la place.

Après une heure de film, le mot est laché, un nom est donné à cette nouvelle philosophie de vie : la Kabbale / Cabale. Celle-là même qui entraînera Madonna dans un voyage en Israël sur la tombe de Rav Ashlag qui clôture le film. A cette étape, c’est la maturité du spectateur qui est mise à l’épreuve : garder la distance avec ce qui s’apparente quand même un peu à une secte. Encore une fois, quelques éléments permettent de garder la distance, à l’image de la question qui ouvre le voyage : “Am I doing the right thing by coming to Israël ?”.

Le talent permet de (presque) tout pardonner. Et du talent, elle en a encore plus. Sa voix a indéniablement progressé sur scène (Evita est passé par là entre temps), le spectacle met le feu, gigantesque mais pas si deshumanisé que la critique ne se plaît à répeter. Très vite, la mécanique du film prend donc tout son sens : les séquences de concert en couleur, parfaitement réalisées, arrivent comme pour légitimer le monstre d’égo qu’est Madonna.

Madonna est francophile. Sa fille parle un français parfaitement sans accent, elle aime Katia et Marielle Labèque (ses pianistes favoris in the world qu’elle va faire découvrir à son équipe), Mirwais, Mondino et Gauliter font une apparition. Lorsque le titre du film est traduit, c’est uniquement en français. Ca n’empêche pas quelques pics (les chambres du Georges V ne sont pas “that fancy”, se laver à la française, c’est se parfumer…). Paris fait même l’objet d’un bonus délirant à découvrir absolument.

Extraits de concert ville par ville :

  • Los Angelès => Vogue
  • New York > American Life
  • Chicago => Mother and Father (extraits)
  • Las Vegas => Nobody knows me
  • Miami => Music
  • Londres => Hollywood (!) et Lament
  • Dublin => Pas de titre, la pluie !
  • Paris => Just Like a prayer
  • Lisbonne => Holiday

3 réponses sur “Je vais vous dire un secret”

  1. Le pourtant très bon Erotica ? Pardoooooon ? On a écouté le même album ?
    Je note que, pudiquement, tu n’évoques pas bedtime stories. Il vaut mieux, je crois, oublier cette bouse.

    Je suis super content que tu parles de ça, j’allais faire un billet.

    Un déception de taille, le chapitrage du dévédé qui évite les scènes de concert. Quelle honte…

  2. Oui j’insiste, le trèèès bon Erotica, totalement pollué par l’environnement sexe-à-outrance-rien-que-pour-choquer de l’époque. « Deeper and deeper » réarrangé trouverait naturellement sa place sur le dernier album, la reprise de « Fever » vaut le détour, « Bad girl » est toalement commercial digne de l’album « True Blue » (un de ses plus gros cartons)… Il va falloir réécouter ça attentivement.

  3. Je te dis un secret aussi, mais ne l’ébruite pas… J’ai gagné aussi mon ticket d’entrée le 31/08, mais avec visite backstage dans l’aprem’. Gnarffff ;)J’embrasse la Madonne pour toi ?

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