La non fièvre du samedi soir

La médecine d’urgence et moi avons depuis longtemps une relation compliquée. Pour faire court, il y a toujours au moins un moment où je me fais engueuler par un monsieur en blouse blanche alors que je suis de toute évidence dans une situation de faiblesse. La faute à mon métabolisme qui refuse de s’exprimer dans les pires moments, ceux où un petit signal d’alerte s’avérerait assez utile.

D’aussi loin que je me souvienne, je ne crois pas avoir déjà eu plus de 38 degrés de température, même lorsque techniquement, « ce n’est pas possible ». Mon corps choisit donc de me faire passer pour un menteur histoire d’induire en erreur un éminent membre du corps médical. Je sens bien qu’un exemple aiderait là…

En 1992, j’étais depuis quelques mois à Paris, mon médecin du moment avait décrété que le moyen de soigner mes maux de ventre chroniques depuis 1 mois s’appelait Spasfon. A la troisième visite la même semaine, la douleur restait diffuse mais de plus en plus forte, pas la moindre montée de fièvre, je sentais mon nouveau médecin parisien désemparé. Dans une réaction totalement post-adolescente,  en sortant du rendez-vous, je ne suis pas passé à la pharmacie chercher mon Ultra levure et j’ai choisi de foncer à la gare pour rentrer chez mes parents et consulter le médecin de famille.

Arrivé en gare de Besançon, j’avais eu 4 heures pour comprendre que la douleur était en train de se localiser pile au niveau de l’appendicite. C’est donc plié en deux que ma mère m’a conduit directement aux urgences où on m’a tranquillement mis un sac de glace sur le ventre, le temps d’attendre l’opération le lendemain matin (je passe sous silence le doux moment du toucher rectal qui fait hurler de douleur, juste pour tenter de conserver un minimum d’élégance).

Tout ce dont je me souviens au réveil, c’est un chirurgien visiblement pas content avec une envie irrépressible de me crier très fort dessus. « Vous avez été complètement irresponsable de prendre le train dans cet état, monsieur. On a ouvert, c’était pas beau à voir, je préfère vous le dire tout de suite. Une péritonite aigüe, y en avait partout, qu’est-ce que vous avez attendu pour consulter ? Vous vous rendez-compte que vous auriez vraiment pu y passer ?« .

Evidemment, dans ma tête, les questions se bousculaient : pourquoi je me fais engueuler ? qu’est-ce que j’ai fait comme connerie ? Pourquoi m’avoir laissé attendre une nuit entière pour m’opérer si c’était aussi urgent ?… Plutôt que de me donner des réponses, mon chirurgien commençait à m’énumérer les symptômes que j’avais FORCEMENT ressenti et qui auraient du m’envoyer direct aux urgences parisiennes. J’ai bien essayé de promettre que j’avais pris ma température et que j’étais à 37,5 mais ça n’avait convaincu personne, j’ai donc juste attendu que ça passe sans rien répondre, un peu hagard. Et me suis souvenu que c’était mon destin de me faire engueuler par un médecin en cas d’urgence.

Du coup, hier, quand je me suis pris une engueulade de 15 minutes par le médecin régulateur au téléphone, j’étais plus décontracté que la fois d’avant et bien moins que la prochaine. Que j’attends avec une impatience toute relative, ceci dit.

 

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