Petite histoire de la vie quotidienne sur Twitter

Depuis le début de l’année, j’ai eu l’occasion 2 fois de travailler pour des personnalités extrêmement actives sur Twitter. Et de mesurer au passage l’impact de l’explosion du site de micro blogging sur mon métier.

D’un côté, les people, politiques et décideurs ont trouvé dans Twitter à partir de 2008 un canal d’expression direct avec leurs fans, électeurs et parties prenantes, simple à manier, peu chronophage, sans équivalent pour créer de la proximité.

De l’autre, des journalistes, souvent web mais pas que, ont été attirés par cette nouvelle source directe d’info surtout à partir de la fin 2008, jusqu’à créer une véritable communauté qui y vit ses propres histoires et rassemblements comme d’autres l’avaient fait avant.

Au centre, des marketeux et communicants dont je fais partie, qui ont défriché en 2007, tenté des expériences plus ou moins heureuses en 2008 et se retrouvent un peu à compter les points en 2009.

Avec Twitter, la donne a changé : les émetteurs s’expriment directement, sans filtre, rédigent eux-même (en tout cas pour ceux qui comptent vraiment), s’autorisent de la spontanéité. Et c’est évidemment sain, je serais assez mal placé pour m’en plaindre. Ils interagissent avec leur « public », entrent dans le débat d’idées (quitte à les morceler en micro-idées). Les journalistes y voient une belle occasion d’y piocher des petites phrases ou de court-circuiter des barrages de communicants probablement perçus comme lourds.

La tentation de penser que ces nouveaux canaux rendront bientôt inutiles les professionnels des RP qui entourent ces personnalités est forcément présente. Un échange sur Twitter vient de nous en donner une belle illustration.

A ma gauche, le journaliste du Monde Xavier Ternisien, très visible sur Twitter, auteur d’un papier qui a fait polémique dans le petit monde journalistique au mois de mai dernier sur les « forçats de l’info« .

A ma droite, Nathalie Kosciusko-Morizet, Secrétaire d’Etat à la Prospective et au Développement de l’Economie Numérique, par nature forcément très présente sur les réseaux sociaux et donc en particulier sur Twitter.

Un échange a attiré mon attention dans la stupeur de ce 11 novembre :

xternisien

Que Ternisien tente le coup, c’est son boulot. Que NKM renvoie vers son administration, c’est louable même si elle positionne quelque peu sa conseillère com en responsable de son agenda. Que le journaliste se permette un point de vue sur le sujet est au mieux un trait d’humour pas super élégant, au pire la remarque la plus con de l’année.

J’ai donc pratiqué très directement ce système à 2 reprises cette année, en dehors du monde politique, dans le milieu sportif et people. Chaque tentative des journalistes (que j’avais suivie en live sur Twitter donc) s’est soldée par des relations tendues avec les enquêteurs qui revenaient vers nous en s’étonnant de ne pas obtenir de réponses, de ne pas avoir de grain à moudre plus exclusif que ce qui est dorénavant disponible pour tous. Leur meilleure défense étant l’attaque. J’avoue avoir pris un malin plaisir dans ces moments là à rappeler à mes interlocuteurs que, Twitter ou pas, les RP continueraient à jouer leur rôle de facilitateur, à identifier en 10 minutes les témoins nécessaires pour rendre le sujet « humain » en offrant des regards croisés, à sortir un acteur de réunion pour éviter de planter un bouclage, à envoyer la photo haute def que le journaliste n’a pas sous la main, à dégoter l’invitation pour l’événement inratable qu’il a failli rater, à fournir des éléments de contexte aussi complet que possible qu’on invite toujours à recroiser avec d’autres sources. Et que je n’étais bien sûr pas au courant de leur demande puisqu’elle n’était pas passée par moi.

Pour les années qui viennent, je sais déjà que j’apprendrai de mes clients des informations sur Twitter, qu’ils mettront par terre en moins de 140 caractères un calendrier de lancement calé avec minutie depuis des semaines, que toujours plus d’agilité sera nécessaire pour composer avec le bruit sur les medias sociaux qu’il n’est déjà plus possible d’anticiper. Mais une chose est sûre, le job des « conseillers com » n’en sera que toujours plus nécessaire, pour les émetteurs et surtout pour les journalistes.

11 réponses sur “Petite histoire de la vie quotidienne sur Twitter”

  1. Mon cher Eric… C’est tout simplement que nous avons une attitude ambiguë vis à vis des “communicants”. D’un côté, c’est vrai, ils nous facilitent grandement le travail, mais de l’autre on a l’impression – parfois justifiée, reconnais-le… – qu’ils empêchent la personnalité de parler avec “ses tripes”.

    Combien de Q&A préparés par les services de com ai-je vu trainer sur les bureaux des PDG de boîtes – souvent américaines. “Attention, il ne faut pas dire IBM, mais “le standard du marché”… et tutti quanti.

    Quand ça se passe, on ne pense plus que les communicants nous facilitent le travail, mais qu’ils nous la compliquent…

    Et quand je dis ça, ce n’est pas un reproche, c’est juste un constat ; chacun prêche pour sa paroisse, c’est tout.

  2. Eric, j’ai une estime bien trop haute du métier de journaliste pour penser qu’il doive se contenter de l’éclairage (forcément orienté) qui lui sera donné par des voix officielles. Qu’il mette tout en oeuvre pour multiplier les points de vue et croiser les infos est une nécessité. Je dis seulement que les communicants sont souvent ceux qui donnent accès à des infos tout court, qui motivent des dirigeants frileux à prendre la parole même dans des situations complexes, et qui se font la plupart du temps les ambassadeurs des journalistes pour « vendre » l’idée d’une interview par exemple alors que le journaliste rentrait frontalement dans le sujet de façon agressive et peu engageante.
    On parle donc d’un rôle des conseillers com au service des journalistes certainement pas suffisant mais pour le moins nécessaire.

  3. Voilà un billet intéressant, pertinent ! (ça faisait longtemps…) Tu as fini par écouter finalement…

    D’accord avec toi sur la maladresse de la dernière remarque et sur l’utilité des communicants, je l’ai vécu dans une précédente expérience pro, avec certaines interviews que je n’aurai jamais eu si l’attachée de presse ne m’avait pas beaucoup aidé…

  4. J’aime assez l’idée que ce billet ne soit commenté que par des gens qui s’appellent Eric finalement…

  5. Il y a quelque chose d’étrange dans les usages de Twitter, qui est de l’ordre de la politesse, de la discrétion et de l’élégance.
    Qu’est-ce que c’est que ce besoin de rendre toutes les conversation publiques ? On peut tout à fait s’adresser à une personne en privé, pas au vu et au su de tout le monde.
    NKM pouvait très bien follower temporairement Xavier pour lui répondre en direct (DM) et discrètement (certains de mes followings l’ont fait pour me faire une remarque, par exemple un Ministère, et ça ne me gène pas car je comprends que mon volume de production ou mes gazouillis n’intéressent pas tout le monde).
    NKM pouvait aussi formuler sa réponse de manière un peu évasive : OK de principe, je reviens vers vous prochainement.

    Mais je ne fais pas que voir des mauvais côtés chez elle, même si sa formulation est plus que maladroite. En effet, voir les « conseillers com' » comme simplement des cerbères ou des répétiteurs est une terrible erreur. On ne dit pas assez le travail positif qu’ils font, pour pousser quelqu’un de timide ou peu convaincu à prendre la parole quand c’est pertinent, ou à abandonner le langage lisse pour s’ouvrir réellement, ou en effet pour accepter d’aller au front quand les a prioris sont négatifs à l’avance du côté des journalistes.
    Une interview vaut toujours mieux qu’un « n’a pas désiré commenter », et cela, surtout du point de vue du journaliste. La personne interrogée n’a parfois que des coups à prendre.

  6. J’ai vu ces gazouillis hier et cela m’a herissé le poil, quant à la perception que certains pouvaient avoir des RP. Gestionnaire d’agenda ? On n’imagine tres bien le RP en cerbère pervers derriere son telephone et mail dont la principale préoccupation est de bloquer les appels des medias et de les enfumer de discours inutiles.
    C’est un autre genre de caricature que ce qu’avait commis la chroniqueuse des Maternelles. Les RP et communiquants seraient donc des nuisibles ?

  7. (Je ne m’appelle pas Eric, mais je soutiens l’initiative du billet commenté par des Eric.)

  8. A tous les Eric du monde, merci d’être là, tout simplement.
    [Enikao] > tu as raison mais je crois que NKM n’est coupable que de maladresse ici
    Lancelot > Paris est totalement 2008, moi je tape du côté des Miley Cyrus et autres stars de demain

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