La chute du système Zemmour et Naulleau

Autant Eric Zemmour et ses provocations machistes, prétentieuses et réacs m’ont toujours ulcéré, autant j’avoue avoir été assez fan d’Eric Naulleau dans Ca balance à Paris, l’excellente émission de Paris Première qui démontre que l’exercice de la vraie critique indépendante à la télé peut se faire avec classe.

En découvrant ce soir grâce à FullHDReady sur lepost leur intervention face à Annie Lemoine hier dans On n’est pas couché chez Ruquier, je mesure à quel point ils sont pris au piège de leurs propres théories. Des certitudes que Naulleau ne cesse de défendre partout dans les médias, toujours en revendiquant sa légitimité dans son statut d’éditeur. Selon lui, la critique à la télé n’existerait pas puisque les autres ne lisent pas les livres dont ils parlent, ils auraient le courage que d’autres n’ont pas en assumant leurs critiques face à leurs victimes qu’ils n’ont pas choisies, en argumentant toujours.

Ainsi, face à Annie Lemoine venue défendre son dernier roman, les attaques fusent.

Lorsqu’il s’agit d’attaquer l’auteur, on a Zemmour : « je hais à un point inouï », « j’ai lu mais ça a été une souffrance inouïe », « si j’étais RC de Elle ou Marie-Claire, je l’embaucherais tout de suite » (insulte suprême probablement pour Zemmour), « faut qu’elle arrête tout », « vous écrivez simpliste, c’est normal parce que vous pensez simpliste »… On a côté Naulleau : « vous écrivez des textes dépouillés, ça veut dire qu’on vous a tout piqué : le style, l’intrigue et le vocabulaire », « c’est un livre qui n’est pas possible car on est en deçà de la littérature, on est dans l’indigence totale », « tout est raté ». Le tout empaté dans un « vous êtes douce et jolie » malsain.

Que les livres de Lemoine soient appréciés d’un public féminin ? « c’est ça qui me désole » se lamente Zemmour. Pire, les lecteurs recherchent de la sensibilité ? « c’est bien ça qu’est dramatique ».

On a donc déjà atteint la zone de vulgarité suffisante avant que Naulleau ne décide de faire témoigner à chaud l’auteur qui vient de se faire découper en pièce : « moi je voudrais savoir comment vous recevez ça ? ». La moindre trace de défense dans la réponse, amenée pourtant très en douceur : « c’est vrai que vous êtes particulièrement violents », provoque le courou des deux guignols se drapant aussitôt dans leur liberté au droit de critiquer. Parler de divergence de sensibilité n’est pas une option non plus. On revient maladroitement sur Flaubert et son exigence d’écriture. On a peur de comprendre que la réponse attendue était : c’est vrai, je suis nulle, j’arrête ce métier !

Le dernier mot revient quand même à Annie Lemoine qui, face à un Zemmour qui prétend pouvoir écrire la même chose en deux heures, défend avec élégance : « ça vous semble facile, ça veut dire que c’est réussi quelque part. Je ne me compare pas mais les gens qui disent devant la peinture minimaliste Miro et Picasso oh ça je pourrais le faire, et bien ils n’ont rien compris à la peinture ».

Je n’accorde pas un grand intérêt à Annie Lemoine ni à sa littérature mais par leur mépris et leur vulgarité, les deux polémistes ont réussi à me la rendre attachante. Je serais prêt à parier que les auteurs se bousculent chaque semaine pour passer à l’échafaud, pour cette raison, j’ai entendu de la bouche d’éditeurs que l’impact sur les ventes était flagrant. La contre-productivité de l’exercice de Naulleau et Zemmour est évidente, ils participent à un système qu’ils ne controlent absolument pas et que j’exècre. Pire, ils insultent un auteur et chacun de ses lecteurs avec une insistance qui mériterait une vraie intervention d’un Ruquier qui semble se délecter du spectacle qu’il a créé. La semaine dernière c’était Valérie Mairesse, cette semaine une autre de ses amies ? Peu importe, au bout du compte, il le sait, elles vendront plus.


Annie Lemoine vs Zemmour et Naulleau [ITV] Ruquier 140309
envoyé par peanutsie. – Futurs lauréats du Sundance.

Heureusement, le seul bon moment de l’émission, celui de Jonathan Lambert, serait compilé dans le DVD de l’humoriste qui vient de sortir. On va pouvoir s’épargner tranquillement cet amas de prétention ridicule qui l’entoure.