De l’utilité d’être matinal

Nous étions relativement peu nombreux à assister tôt le matin à la conférence du mercredi, deuxième jour du eG8 Forum. En tout cas, au moins deux fois moins nombreux que pour la clôture assurée par la star Zuckerberg. Et pourtant, si je ne devais retenir qu’un moment, ce serait sans nul doute celui où Larry Lessig a ouvert la plénière « Fostering Innovation : how to build the future ». En deuxième option, viendrait la conférence « Digital transformation : reinventing traditional businesses » pour le CEO de Blackstone et Rosabeth Moss Kanter. Loin devant la clôture de l’homme qui avait sorti la cravate pour l’Elysée.

Professeur de droit au Harvard Law School, activiste reconnu en faveur de la liberté sur Internet, Larry Lessig est également un orateur hors pair qui semble avoir inventé l’esprit des conférences TED avec des interventions très rythmées, courtes mais puissantes.

Son postulat est assez simple : l’internet du futur n’est ni Google, ni Facebook ni Twitter, l’internet du futur n’était pas invité au eG8 puisqu’on ne le connait pas, mais il est de la responsabilité des gouvernements de lui laisser un terrain (architecture) propice à l’innovation en ne le laissant pas aux mains des entreprises historiques.

S’il ne fallait consacrer que quelques minutes au eG8 Forum, ce serait donc en regardant l’intégralité de cette vidéo.

A noter que cette plénière accueillait Sean Parker, l’homme interprété par Justin Timberlake dans The Social Network, co-fondateur de Napster et impliqué dans Facebook. Avec une intervention brillante.

Pour tous ceux qui ont écrit que les conférences n’avaient aucun intérêt, je les invite également à revoir l’intégralité de la plénière traitant de Digital Transformation et notamment l’intervention de Kantar Moss, Professeur au Harvard Business School, dont les bouquins sont devenus mes livres de chevet.

Je peux donc révéler à quel point j’étais plus ému de voir en vrai Lessig et Moss Kanter que Zuckerberg. Harvard du côté des profs plus que des petits génies qui en émergent.

Le Plus

Après un mois de version béta non accessible, Le + du Nouvel Observateur a été rendu public cette semaine. Je suis ravi de faire partie de cette aventure entouré de gens que j’apprécie et auxquels je fais confiance. Je l’ai aussi acceptée pour continuer à expérimenter ce statut encore indéterminé, dont les services de presse ne savent pas quoi faire, de « non journaliste contributeur » à des plateformes média, après Le Post pendant 2 ans et Lefigaro.fr depuis 1 an.

Je ne me suis pas fixé d’autres lignes de conduite que celle qui m’évite les conflits d’intérêt : je n’y parle pas de mes clients ni de leur marché. Ce qui m’interdit au passage quelques sujets qui me passionnent et me maintient dans la légèreté mais avec plaisir.

Ainsi, depuis 1 mois, j’ai fait un point sur les célébrités françaises et Twitter, raconté de l’intérieur les concerts à la maison, expliqué comment Daran me donne envie de voir un film avec Kad Merad, encensé la performance des Molières à la télé, fait part de mon coup de coeur pour Bérangère Krief et quelques spectacles parisiens, me suis excusé de ne pas parler de DSK, fait un gros plan sur la chaîne américaine AMC et sa série The Killing et enfin plongé au coeur d’une convention The Vampire Diaries. J’en ai aussi profité pour tuer la poule aux oeufs d’or de ce blog, celle qui amène ici depuis Google près de 30.000 visiteurs par mois, en expliquant pourquoi Abercrombie & Fitch m’a déçu dans la gestion de son arrivée à Paris.

Ca laisse peu de place (temps) pour écrire ici mais je finis toujours par y revenir. En attendant, pas question que je boude mon plaisir.

Mutation des entreprises media socialisées : les modèles de réussite

En lisant le très bon (et assez courageux) billet de Laurent, je me suis interrogé sur les freins à l’évolution rapide de la pensée dans les entreprises. Est-ce que la raison se trouve dans le déficit de confiance que les annonceurs portent à des consultants externes qui manquent trop souvent d’humilité, de crédibilité et surtout de compétences marketing suffisantes pour intégrer les enjeux des media sociaux dans les disciplines fondamentales ? Ce déficit conduirait-il à s’intéresser de façon obsessionnelle à un sujet secondaire : le ROI ?

J’ai commencé il y a quelques mois un travail d’analyse des bonnes pratiques en matière de change management induit par l’atterrissage du digital dans les organisations. Au départ pour en tirer un livre que je n’écrirai sans doute jamais, les exemples dont je connais le mieux les contours se situant dans l’écosystème de mes clients (dont je ne parle jamais par principe). Et à ce stade, c’est sans conteste aux Etats-Unis et en Asie que je serais allé puisé les meilleurs modèles qui m’auraient amené à une conclusion un peu différente de celle de Laurent. Tout ça m’a donné l’envie d’un petit rebond.

Voici donc en exclusivité le plan du livre « Mutation des entreprises media socialisées : idées reçues et modèles de réussite » que je n’écrirai pas. De toute façon, ce titre aurait été beaucoup trop long, personne n’aurait acheté ça.

– Le modèle top -down a de l’avenir

Les media sociaux seraient donc le royaume du collaboratif, de l’échange, de la conversation ? Oui, sauf au moment où il s’agit d’impulser la mise en place de l’organisation qui va avec. Le frein numéro 1 à l’évolution des structures est l’absence d’implication d’une direction générale qui doit aligner les décideurs de l’entreprises autour d’un plan stratégique et opérationnel absolument top down, marketé autant que possible et intégré . J’en parlais début 2009 dans différentes conférences (voir slide 29) :

La bonne nouvelle est que les grands patrons comprennent très vite les enjeux et la posture à prendre dès lors que le sujet passe en haut de la pile de leurs urgences. La mauvaise est que ça se produit souvent pour de mauvaises raisons : une crise… Dans les deux cas, l’accompagnement externe requiert un niveau d’expérience que les experts des media sociaux n’ont pas toujours, en cela je rejoins le point de Laurent.

– La fonction media social internalisée et séniorisée

Pour piloter un plan media social voulu par la direction générale, laisser les clés à un consultant extérieur n’est forcément pas une bonne idée. Et considérer qu’un plan stratégique sera implémenté par un community manager, même malin, est un non sens. Les exemples cités dans la présentation ci-dessus sont des entreprises qui se sont toutes dotées d’une fonction stratégique : le responsable des media sociaux (Social Media Manager), senior, légitime, membre du codir, respecté des autres managers fonctionnels. La plupart du temps, il se sera entouré de spécialistes externes et aura constitué avec eux une équipe opérationnelle internalisée. Scott Monty chez Ford en est un excellent exemple. L’enjeu de la gouvernance du déploiement stratégique des medias sociaux est clé mais elle n’exclut ni les consultants, ni la collaboration et elle se joue bien au-delà du marketing.

– Une culture transmedia et du test permanent

Pour comprendre pourquoi la culture media social ne peut se vivre en silo mais doit irriguer toute l’entreprise par le haut, le meilleur exemple dont je peux parler n’est pas corporate mais politique. Lorsqu’on rencontre l’équipe qui a piloté la campagne d’Obama en 2008, on comprend très vite que le vrai succès de la démarche reconnue par tous comme un modèle ne réside pas dans la capacité donnée aux medias sociaux à mobiliser et lever des fonds comme on l’a lu un peu partout. Le vrai succès résidait dans la capacité à intégrer les réseaux sociaux dans une démarche transmédia qui prolongeait un mailing sur Facebook, mobilisait par email pour renvoyer dans la vraie vie. La même équipe explique que la deuxième innovation qui leur sert aujourd’hui de modèle mis au service d’entreprises est la culture de test permanent qui consiste à accélérer le déploiement d’une idée, quitte à la faire évoluer voire à l’annuler si elle ne fonctionne pas autant qu’escompté. Seule une fonction stratégique transversale peut imposer un tel bouleversement culturel dans la rapidité de mise en oeuvre décomplexée.

– Le ROI n’est jamais une mauvaise question

La question du retour sur investissement est complexe puisqu’elle s’est toujours basée sur des indicateurs plus ou moins légitimes mais acceptés par tous comme preuve de réussite. Les indicateurs n’existent pas dans les médias sociaux, pas plus qu’ils n’existent en matière d’influence. Mais il n’y a aucune raison pour que la complexité de la réponse aboutisse à une négation de l’intérêt de la question. Choisir d’investir stratégiquement dans les media sociaux répond forcément à un enjeu de ROI finalement pas si difficile à évaluer à un niveau macro. Il « suffit » de répondre aux questions qui fondent les enjeux de l’entreprise : les medias sociaux me permettent-ils de recruter de nouvelles typologies de consommateurs ? Ma présence sur les media sociaux me protège-t-elle en cas de crise ? Ma relation avec mes clients est-elle effective partout où mes clients se trouvent, y compris sur les medias sociaux ? Suis-je une entreprise attractive auprès de haut potentiels très actifs sur les media sociaux ? Evidemment, lorsqu’on considère le ROI par action tactique indépendamment d’un enjeu stratégique, le ROI est toujours plus complexe à déterminer, sauf à décréter à quel objectif il contribue et à préciser de quelle façon.

– Faire émerger les bonnes pratiques des erreurs : la calamité du « bad buzz »

Au cours de ces derniers mois, la méthode des experts a consisté à s’abreuver de ce qu’ils considèrent comme des ratages qu’ils aiment appeler des bad buzz au premier soubresaut. Evidemment, la presse s’en délecte, toujours plus émue par ce qui rate que ce qui réussit. Je m’étais exprimé sur le cas Gap un peu à contre-courant, je pourrais faire la même chose avec le cas Veet. Une marque tente des choses sur le web, ça ne marche pas : encourageons là à tenter d’autres choses plutôt que de l’envoyer à l’échafaud pour une production discutable qui au final divise d’ailleurs plus qu’elle ne provoque un rejet généralisé (voir les commentaires des articles). Chaque fois qu’une marque ose, elle prend un risque. Si une marque ne prend pas de risque, elle meurt. J’attends des experts qui guident qu’ils en tirent les bons enseignements constructifs. Je ne suis probablement pas le seul.

Si quelqu’un veut compléter, débattre et écrire le livre qui va avec, je laisse ce plan en creative commons 🙂

Ma canitie

C’est un processus normal, rien de grave. Le blanchissement de cheveux est l’un des cadeaux qui arrivent avec l’avancée dans l’âge. J’aime bien celui-là, vraiment.

Mon patrimoine génétique me prédestinait à garder des cheveux longtemps et des cheveux grisonnants relativement tôt. J’y étais préparé et l’attendais presque. Je me souviens d’ailleurs de mon pote de fac qui faisait des ravages malgré la précocité de ses cheveux blancs. Je me souviens aussi que dans les années 90, s’offrir un effet poivre et sel dans un salon de coiffure coutait à peu près un rein. Et voilà que la nature me conduit vers ça, gratos.

Jouer le patriarche sur Twitter dissimule forcément une passion toute relative pour l’avancée dans l’âge. Déjà en 2007, ça me travaillait. Alors je surjoue. Et plutôt que d’attendre transi le moment où mes cheveux blancs ne seront un avantage que professionnel, celui que les américains appelle le « Grey hair factor », je rappelle tous les jours à George Clooney qu’il n’a qu’à bien se tenir : j’arrive.