La question qu’on m’a le plus posée depuis 1 an n’est pas « Pourquoi tu n’écris plus sur ton blog ? ». J’ai bien noté que ça ne traumatisait personne hein. En fait, la question qu’on m’a le plus posée n’est même pas une question : « Ah, mais je savais pas que tu étais retourné en entreprise« . Si je raconte la vérité sur ce retour discret en version courte, j’ai peur de ne pas bien être compris. Alors pour fêter le premier anniversaire jour pour jour de mon retour au salariat, voici la version intégrale.
Lorsque j’ai raconté mon parcours en février 2021, j’étais un indépendant heureux, un professeur conquis, un producteur de podcast réjoui… et il me tardait de lire la suite. Après un congé sabbatique salvateur, j’avais compris et intégré ce qui ne me rendait pas heureux au travail : la quête incessante imposée d’une évolution hiérarchique sans fin, mon incapacité à éviter un investissement trop important (en temps de cerveau et en temps tout court), la position de dirigeant qui détourne de mon cœur de métier pour trop d’énergie consacrée à manager et gérer la politique ambiante, le besoin viscéral de m’impliquer sur des sujets qui ont du sens, qui comptent en les choisissant autant que possible. Autant de convictions qui m’avaient naturellement plus conduit vers l’indépendance qu’un retour en agence ou en entreprise. Pouvoir choisir de travailler moins quitte à gagner moins que les 20 années de direction d’agence s’avérait plus facile à gérer après l’expérience d’une année sabbatique sans aucun salaire.
Ce que je voulais ne m’offrait aucune perspective raisonnable de retour en entreprise, je n’en rêvais d’ailleurs pas particulièrement. Mes expertises à 52 ans après 30 années d’expériences professionnelles ne trouveraient sans doute plus jamais leur place dans une organisation sans un niveau de responsabilité élevé, du management d’équipes, des sujets imposés qui ne me plairaient pas forcément et l’obligation d’un niveau de salaire correspondant. Faire comprendre ma trajectoire de décroissance professionnelle choisie pour une qualité de vie meilleure me paraissait inaccessible.
Lorsque l’opportunité s’est présentée, je vivais ma meilleure vie : la pièce de théâtre dont je rêvais depuis 7 ans prenait enfin corps et s’apprêtait à me faire traverser les 5 semaines les plus incroyables, excitantes, bouleversantes de mon existence. Eprouvantes aussi. 100% de ma bande passante y était consacré, chaque étape demandait une énergie que je ne pensais même plus avoir. Aussi, passer des entretiens pour un poste que je n’aurais jamais relevait plus de l’exercice de style que du projet professionnel. De toute façon, qui confierait à quelqu’un avec mon profil un job d’ « expert », certes, mais très opérationnel, dans un cadre contraint que j’avais défini ? Ok pour gagner moins mais hors de question de travailler soir et week-end pour l’entreprise, pas de perspective d’évolution hiérarchique (c’est moi qui n’en veut pas), la liberté de mener des missions pour des clients si je le souhaite, de continuer à donner des cours aussi.
Franchement, en tant que recruteur, je n’aurais jamais misé sur quelqu’un comme moi, aussi certain de ce qu’il sait faire quitte à frôler l’arrogance, montrant aussi peu d’ambition avec un détachement assumé. Le seul signal d’une volonté d’investissement personnel reposait sur une attente clairement exprimée à chaque entretien : un environnement bienveillant.
Et pourtant, cette entreprise m’a fait confiance. J’ai accepté le poste un peu comme on me l’a proposé : un pari, qui se solderait par une expérience de passage au bout de quelques mois ou un engagement pour longtemps, personne ne savait. Et une seule certitude : la promesse d’exercer mes différents terrains d’expertise : les RP, les médias sociaux, les dispositifs d’influence, la communication sensible…
Je suis donc arrivé après une parenthèse enchantée au théâtre du Rond Point tous les soirs et la perspective d’une reprise pendant plus de 3 mois au théâtre La Bruyère. Ce qui me protégeait d’emblée de mon travers d’investissement trop important : tous les soirs à 19h, quoiqu’il arrive, je devais partir pour d’autres aventures. Pas de post sur LinkedIn pour annoncer en fanfare mon nouveau statut professionnel. Plutôt concentré sur la redécouverte du salariat en entreprise 20 ans et une pandémie mondiale plus tard. Avec une part de découvertes auxquelles je ne m’attendais pas, comme quand on ne s’attend à rien. Si je ne devais retenir que 3 enseignements inattendus pour moi :
Retrouver un corps social dont je ne savais pas qu’il m’avait manqué. Pour être honnête, ce sentiment d’appartenance à un groupe s’était amenuisé sans que je ne m’en aperçoive au fil de ma progression dans les hiérarchies. Diriger isole mais on ne s’en rend pas forcément compte ou on croit vivre bien avec. J’ai aujourd’hui la chance de travailler avec une équipe solidaire, qui m’a accueilli à bras ouvert, avec laquelle j’ai autant de plaisir de mener des missions qu’à faire des karaokés.
Assumer pleinement qui je suis dans mon travail. Ca ne me paraissait pas tellement nécessaire au-delà de l’attention portée à rejoindre une entreprise engagée dans la diversité, l’équité et l’inclusion. J’avais quand même pris soin avant la pièce d’affirmer clairement mon identité. Je suis ravi aujourd’hui de m’engager auprès du réseau Pride de mon entreprise et de partager complètement qui je suis avec mes collègues même pendant les karaokés (…), ça compte plus que je ne l’aurais imaginé.
Travailler sur une multitude de sujets passionnants pour une seule entreprise est possible. « L’assurance, c’est apporter des solutions simples et concrètes aux sujets de société complexes ». Je gagne tous les jours en expertise sur des sujets que je pensais pourtant bien connaître, le changement climatique en tête. Entouré de spécialistes de haut vol auprès desquels je prends un véritable plaisir à faire ce que je préfère au monde : les écouter, prendre des notes et apprendre.
Le dernier enseignement n’est pas que professionnel, il est encore plus inattendu et réjouissant : malgré un métier relativement sous pression, je me rends compte qu’avec les années, je n’ai plus jamais peur. Ca me rend sans doute pas simple à piloter mais sûrement un peu confortable aussi.
Est-ce que tout est parfait ? Non bien sûr, parce que ça n’existe pas. Mes travers me rattrapent-ils parfois ? Oui, mais je m’en rends compte et prends des mesures pour m’en protéger. Est-ce que je chante Dancing Queen en karaoké entre collègues ? Ca peut m’arriver.
Je ne manquerai pas de revenir ici pour la suite, j’ai toujours autant hâte de la lire !
Et je remercie Olivier sans lequel ce retour en entreprise n’aurait jamais existé. Et merci à cette entreprise qui a osé parier sur un profil atypique comme le mien.
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