En bientôt 20 ans de billets de blog, articles et podcasts sur les séries, j’ai beaucoup classé, analysé, disséqué cet objet télévisuel passé du statut de sous-produit de la pop culture à celui d’œuvre créative de référence omniprésente. C’est aussi le temps qu’il m’aura fallu pour comprendre le seul critère qui compte vraiment dans mon goût pour les séries et disqualifie toute envie de consacrer de nouveau autant d’énergie à l’expliquer.
Alors c’est quoi ce secret ? Il tient en un mot mais on sait comment ça marche ici, il va falloir prendre le temps de lire pour savoir. Comme j’ai un bon fond, j’ai mis un gros indice dans les photos patchwork de mes plaisirs sériels au fil des années. Et en bonus, mes conseils série à ne pas rater pour ceux qui chercheraient des idées.
Des atouts qui tendent à s’effacer
J’ai longtemps élaboré des théories inutilement complexes pour comprendre le facteur différenciant des séries qui m’avait tellement séduit, au point de me détourner un temps du cinéma, de la littérature, du théâtre ou tout autre forme d’art vivant. Le cliffhanger, ou suspens de fin d’épisode, qui oblige à un effort d’écriture pour donner envie de revenir une semaine plus tard, a quasiment disparu avec cette (mauvaise) tendance imposée par Netflix de diffuser l’intégralité d’une saison d’un bloc. Le temps long exclusif à la série qui permet d’installer son univers, multiplier les intrigues et densifier ses personnages a plutôt négativement impacté le cinéma, devenu le royaume de films de plus de 3h qui auraient été bien meilleurs avec une heure de mois (coucou Babylon). La liberté offerte à la télévision qui permet de faire bouger les lignes sur des sujets subversifs : elle a surtout imposé de nouveaux codes parfois discutables, par exemple la banalisation du nu frontal masculin devenu tendance jusqu’au théâtre qui a pour nouvelle passion de nous imposer très (trop) souvent et totalement gratuitement un mec à poil dans les 15 premières minutes.
Le secret
Alors, qu’est-ce qui peut bien expliquer mon goût inaltérable pour ce format appliqué à tellement de genres, de la fiction au documentaire en passant par le dessin animé ou même la téléréalité ? Et pourquoi j’aime une série que personne ne regarde quand celle dont tout le monde parle me laisse indifférent ? Ce début d’année 2023 m’aura apporté la réponse. La capacité à rendre des personnages plus ou moins attachants, créer l’envie de les retrouver chaque semaine ou de les binge watcher pendant un week-end, c’est au final le principal et gigantesque atout différenciant d’une série. Un atout qui peut également se révéler étonnamment créatif et mérite sans doute qu’on s’y arrête.
C’est donc au travers de ces personnages qui m’ont fait vibré que je partage mes premiers coups de cœur série de ce début 2023.
Profession : Reporter (The Newsreader) : Helen et Dale
Cette série australienne date de 2021 mais vient d’être diffusée en France. Elle plonge dans les coulisses de la rédaction info d’une chaine de télé locale dans les années 80. Elle rend ses personnages immédiatement attachants, avant même de connaître leurs failles qui se révéleront petit à petit. La toile de fond qui égrène les grands événements de la décennie participe sans doute au plaisir. Mais les journalistes, la chevronnée Helen Norville (Anna Torv) et le junior Dale Jennings (Sam Reid), sont la raison qui m’a fait dévorer les 6 épisodes et espérer une saison 2 qui vient justement d’être annoncée.
The Newsreader (dont la traduction française reste mystérieuse) est disponible en replay sur Arte.
The Bear : Carmy et Sydney
Là encore, la série a été un phénomène en 2022 mais a débarqué récemment en France sur Disney+ qui bénéficie incontestablement des créations FX. C’est dans l’univers frénétique de la cuisine d’un restaurant où rien ne va, repris contre mauvaise fortune par le jeune chef brillant Carmy à la mort de son frère. Une cadence frénétique, immédiate, qui offre à chaque épisode des temps calmes, longs, posés qui n’en paraissent que plus forts et poignants. Sydney incarne l’inexpérience salvatrice qui nous prend par la main pour nous initier à un monde exigeant, torturé et bouleversant. Ils se révèlent vite touchants et humains au point de regretter un format court alors que le septième épisode offre un plan séquence de haute voltige (et de vingt minutes). Heureusement, une saison 2 est annoncée.
The Bear est disponible sur Disney+.
The Last Of Us : Joel, Ellie, Tess, Sarah, Bill, Frank, Henry, Sam et les autres
Sur le papier, je n’avais pas envie d’une série de zombies infestés champignons dans une histoire tirée d’un jeu vidéo. J’ai pourtant essayé avant même que The Last Of Us devienne le phénomène mondial que l’on connait. Après 30 minutes, j’ai compris que la série allait me piéger et que j’allais adorer ça. Une véritable masterclass sur « comment rendre un personnage attachant » avec diverses techniques qui passent par raconter l’histoire à travers ses yeux ou lui donner l’épaisseur de son passé en quelques minutes. Difficile de dire plus sans spoiler pour ceux qui, comme moi, découvrent l’histoire à chaque épisode, sans les spoils du jeu vidéo. Une claque renouvelée chaque semaine.
The last of Us est en diffusion et en replay sur Prime Vidéo.
Anatomie d’un divorce (Fleishman is in trouble) : la voix off
L’attachement peut aller se nicher à un endroit inattendu. Ce qui m’a fait tenir sur cette série qu’il faut absolument voir entièrement pour en mesurer l’intelligence, ce n’est pas pour Jesse Eisenberg ni Claire Danes qui sont tout sauf attachants dans les premiers épisodes mais bel et bien la voix off, personnage à part entière. Véritable lien avec nous, spectateurs, et l’histoire qui se déroule sous nos yeux, elle se révélera également point de bascule entre les 2 protagonistes principaux. J’ai aimé cette voix-off et l’histoire le lui rend bien. La série est sans doute le coup de cœur le plus inattendu de ce début d’année : merci à mes twittos sûrs qui m’ont conseillé de tenter l’expérience.
Anatomie d’un divorce est une série FX disponible sur Disney+.
Ces bonnes séries qui ne marchent pas sur moi
Forcément, l’inverse existe : des séries saluées par la critique ou cartons d’audience, auxquelles je reconnais une qualité d’écriture, une réalisation inventive ou une qualité d’interprétation sans faille. Et pourtant, je ne m’attache pas vraiment aux héros, sans bien comprendre pourquoi.
En ce début d’année, c’est le cas avec Your Honor dont la saison 2 est en cours de diffusion sur Canal+. Je regarde sans m’ennuyer mais sans passion. Ce que Bryan Cranston a fait en 2 secondes dans Breaking Bad ne fonctionne pas sur moi ici.
Je pense que ce que j’ai à dire maintenant est pénal pour tout fan de séries digne de ce nom : j’ai eu le même problème avec de grandes séries de référence. Les deux premières saisons de The Crown m’ont laissé de marbre, la série hype de 2022 Severance m’a perdu en route faute de me rendre ses protagonistes attachants. J’aurais pu ajouter à la liste la quasi intégralité des séries espagnoles Netflix.
Pour terminer, impossible de ne pas citer la série phénomène Succession dont la quatrième saison est attendue le 26 mars. Celle qui réussit le petit miracle de ne mettre en scène que des personnages qu’on déteste, qui ne sont en rien aimable et qui nous font pourtant vibrer. Nous n’avons pas d’explication mais il nous tarde.
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