Wake Up Call

Le mois qui vient de s’écouler avait tout pour être normal. Un début d’été parisien comme je les aime, les verres en terrasse avec les amis, des spectacles légers dont j’ai envie depuis longtemps, des albums que j’attends, des séries annoncées comme des événements. Tout était parfait.

Rien ne s’est passé comme prévu. Et je n’en ressors pas tout à fait le même.

Un monde très noir

Dans le passé, dans le présent et dans le futur, l’optimisme n’est pas de mise.

La série « Chernobyl » assure la première petite claque du mois. Tour à tour thriller politique, drame du quotidien oppressant, ambiance gore terrifiante, difficile de ne pas suffoquer. Le jeu en vaut la chandelle, la mini-série de HBO (diffusée en France sur OCS) est une véritable petite pépite.

Avant de basculer sur la saison 3 de « The Handmaid’s Tale », dont on connait déjà la noirceur stylisée de rouge, une nouvelle dystopie est annoncée pour combler les lacunes de « Black Mirror ».

Très vite, on comprend que « Years and Years » va nous balader dans les 10 prochaines années en faisant le pont sur le nucléaire du traumatisme précédent et en élaborant notre futur sur les peurs bien réelles d’aujourd’hui. Montée des extrêmes, nouvelles dynamiques géopolitiques (et nouveaux réfugiés qui vont avec), effondrement des systèmes financiers ou encore dérives de la technologie sont notamment au programme. La série de la BBC et HBO, découverte à Canneseries et diffusée en France sur Canal +, est à mon goût encore meilleure que « Chernobyl ». Elle réussit à insuffler de l’humour (très british) et des bulles festives dans une succession de prédictions aussi terrifiantes que crédibles. Et surtout, même en couvrant en accéléré 10 années en 6 épisodes, on s’attache aux personnages instantanément. L’amateur de séries est comblé, le citoyen est terrassé.

Heureusement, côté musique, on peut légitimement attendre un peu d’air. Je vois enfin le « Fashion Freak Show » de Jean-Paul Gaultier, je suis embarqué mais ne peux m’empêcher de voir de grands morceaux de ma vie de ces 40 dernières années défiler sur scène. Exactement au moment où Mylène Farmer décide de boucler une boucle très émouvante pour moi, avec un spectacle qui montre la dureté du monde d’aujourd’hui.

En annonçant un nouvel opus aux accents portugais, je comptais sur Madonna pour venir réenchanter ce monde. Las, elle sort l’un des albums les plus politiques de sa carrière, je l’aime tellement qu’il tourne en boucle. Elle attend les tous derniers jours du mois pour sortir un clip majeur, God Control, véritable court-métrage qui déstructure une ère de 40 ans de clips qu’elle avait contribué à inventer. Et créé un objet frontalement militant.

Le combat doit continuer

C’est donc sur fond d’un monde qui s’écroule et d’une canicule qui rappelle que l’horloge du temps est en marche que je découvre sur la chaîne Histoire l’excellent documentaire de Benoit Masocco (CAPA) « L’étincelles, 50 ans de luttes LGBT ». Les 50 ans de Stonewall permettent de revenir sur des combats pas si lointains et sur la nécessité de ne pas s’endormir sur des acquis bien fragiles. Tout le monde devrait voir ce reportage, historiquement passionnant, il a fait sur moi l’effet d’un électrochoc.

Pas particulièrement fan des communautarismes quels qu’ils soient, de l’identité sexuelle en bandoulière et encore moins des démonstrations outrancières qui vont énerver au 20h de TF1, je n’en avais pas compris l’utilité majeure. En me désignant de facto parmi les « Nantis de la liberté », Robert Badinter m’a bousculé dans la clôture de ce doc et fait réfléchir à la façon de contribuer à la lutte, prendre ma part. Assurer ma première Gay Pride parisienne sur un char n’était finalement pas si anecdotique et répondait à une première étape d’une ambition nouvelle : m’exposer plus pour mieux participer à la cause de ma communauté dont je suis forcément plus proche que je ne le pense moi-même.

C’est donc avec une énergie bâtie sur la colère que j’entreprends ce mois de juillet. Je compte bien en faire ressortir des projets utiles.

Ah oui, rien à voir. Il y a une semaine, j’ai eu 50 ans.

La révolution de la SVOD décryptée (5 / 5)

[Previously On] : La SVOD s’apprête à enrichir drastiquement son offre pour des consommateurs qui risquent de s’y perdre. Netflix montre des signes de faiblesse (que la presse commence d’ailleurs à sortir depuis 3 jours), Disney + vend du rêve avec une force de frappe de contenus quasi inégalable mais sur un principe qui semble copier ce qu’a inventé le leader, les autres (internationaux ou français) tardent à montrer de la clarté concernant leur plateforme.
Quel est le risque ? Il est double et il commence à émerger explicitement du côté des observateurs.
Quelles idées pour le contourner ? Dans cette suite et dernier chapitre du dossier SVOD, je tente des pistes de réponse qu’on n’entend à mon avis pas assez .

Vers une économie de la frustration à maîtriser pour éviter le pire

Véritable casse-tête, la situation la plus probable pour le consommateur sera de se retrouver avec un ou des abonnements qui créent de la frustration en ne donnant pas accès aux contenus qu’il souhaite voir. Il faudra alors composer avec des clients mécontents dont les plaintes risquent d’occuper les services consommateurs et les réseaux sociaux de tous les acteurs sans exception. On a droit à un avant-goût “grâce“ à Canal + qui a eu l’idée étrange de lancer enfin le bon package avec Canal + Séries en n’y intégrant pas tout son catalogue (pas de “Bureau de légende“ ni de “This Is Us“ par exemple). Le but est sans doute de préserver la valeur ajoutée de l’abonnement à Canal + historique mais l’opération tue dans l’œuf une offre qui avait pourtant tout pour prendre une place de choix. Au-delà de l’exemple, aucune plateforme n’est complètement à l’abri du risque de disqualification.

Retour au téléchargement illégal ou volatilité des consommateurs ?

Face à la frustration, les réponses consommateurs sont souvent extrêmes. Au moment où le premier épisode de la dernière saison de “Game of Thrones“ a été téléchargé illégalement plus de 55 millions de fois en 24h dans le monde (1,3 millions en France), la question du retour à une consommation hors plateforme légale se pose. D’autant que des services comme Popcorn Time offrent une qualité qui n’a pas grand-chose à envier aux plateformes payantes sans les complexités et le risque qu’engendrent le téléchargement peer-to-peer et l’accès par VPN. L’illégalité s’affranchit en plus des cadres réglementaires qui imposent une chronologie des médias fluctuantes par pays et des quotas de productions locales forcément contraignantes dans des équations de production / diffusion déjà complexes.

Papillonner entre les différentes plateformes d’un mois à l’autre, en profitant d’offres de premier mois gratuit pensées pour faire du recrutement, en y intégrant une consommation par piratage est un dommage collatéral moins extrême qui ne peut pas échapper aux spécialistes mais est finalement assez peu évoqué par les analystes. La véritable réponse viendra peut-être de la capacité du marché à structurer des offres points d’entrée vers l’ensemble des contenus à des tarifs optimisés.

Mon point de vue sur les innovations attendues

On doit tous espérer qu’un modèle rémunérateur viable avec une réelle valeur ajoutée du service (qualité du flux, interface, connexion communautaire…) voient le jour pour continuer à financer une production d’une telle richesse.

En termes de point d’accès centralisés vers les différentes plateformes, l’Apple TV pourrait reprendre complètement un sens qu’elle avait un peu perdu, si Apple TV+ n’induisait pas une méfiance sur la mise en avant des contenus. Les opérateurs auront sans doute leur rôle à jouer (mais sont-ils vraiment sur le coup ?), des acteurs tels que Molotov, aguerris à l’enjeu des droits, pourraient trouver une évolution intéressante.

En termes de marketing, chaque plateforme devra travailler sur une identité et une éditorialisation montrant un ADN reconnaissable et des spécificités, au-delà du marketing de chaque série qui est déjà très en place. Il me semble que le chemin à parcourir reste gigantesque dans le domaine. Un capital sympathie se grignote vite, certains pourraient en faire la cruelle expérience.

En termes de contenus, au-delà des productions anglo-saxonnes, les récents festivals SERIES MANIA et CANNESERIES ont montré le dynamisme du secteur partout dans le monde en récompensant des séries espagnoles, israeliennes, belges, norvégiennes, québécoises ou françaises. Le début de travail mené par Netflix pour faire de productions locales des succès internationaux pourrait s’accélérer pour reconstituer des catalogues de qualité et attractifs, s’affranchissant au passage de fins de droits et licences complexes sur les séries américaines. Là encore, la pensée marketing d’intégration dans l’identité des plateformes jouera un rôle clé pour assurer le bon niveau de considération par les utilisateurs.

Série espagnole primée au Festival CANNESERIES

Mais surtout, en termes d’usage, on pourrait rêver d’innovations qui paraissent évidentes mais sont aujourd’hui inexistantes ou déléguées. Par exemple structurer dans la plateforme une interface qui montre et organise les prochaines diffusions des épisodes et séries qu’on suit ou veut suivre, sur le modèle des applications TV (Show) Time ou Beta Series, serait tellement malin. Et intégrer une logique réellement communautaire sur le modèle de “Sens critique“ (ou “Rotten Tomatoes“ au niveau mondial) complémentaire à l’approche algorithmique simplifierait la vie de tout le monde. A commencer par la mienne.

Je serais ravi de constituer des playlists des séries que je conseille / regarde plutôt que de répondre quotidiennement à la question : “tu conseilles quoi comme série ? “. Et je serais encore plus content de suivre les recommandations de ceux auxquels je fais confiance pour me guider vers les « immanquables » malgré mes goûts éclectiques et bizarres (oui, je kiffe aussi bien “Dynasty“ que “Dark“).

Et puisque la question sur les recommandations séries reste plus que jamais d’actualité, la liste des prochaines séries à ne pas manquer selon moi à partir de cette semaine jusqu’à l’été est ici en bonus.

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La révolution de la SVOD décryptée (4 / 5)

[Previously On] : Dans le duel au sommet des bouleversements de la SVOD, Netflix pourrait montrer des signes de faiblesse avec des contenus qui disparaissent et une concurrence qui créent de nouvelles envies pour une base de clients fragile, en capacité de se désengager chaque mois.

Face à de nouveaux entrants peu innovants, Netflix peut pourtant marquer des points

C’est sans doute le plus gros étonnement : aucun des géants se lançant dans la bataille ne semble à ce stade proposer une approche réellement disruptive face aux principes structurés historiquement par Netflix.

Plutôt que de chercher à créer une expérience enrichie, chacun préfère montrer ses muscles.

Parfois avec un catalogue impressionnant : Marvel et la franchise X Men de la Fox chez Disney face à l’Univers DC chez WarnerMedia, le préquel de “Game of thrones“ sur WarnerMedia via HBO face au préquel du “Seigneur des anneaux“ sur Amazon Prime Vidéos, un volume impressionnant de succès planétaires pour NBC Universal ou Fox Play (sur Canal+ Séries en France jusqu’à nouvel ordre)… Parfois avec des grands noms signés en exclusivité : Ryan Murphy et Shonda Rhimes pour Netflix, Spielberg, J.J. Abrams et Ron Howard pour Apple TV+…

Parfois avec des investissements dans de nouvelles productions surpassant “Star Trek : Discovery », “The Crown“ ou même “Game of thrones“ : 1 milliard de dollars pour les 5 saisons du préquel du “Seigneur des anneaux“ d’Amazon PrimeVideo face aux 100 millions de dollars pour les 10 épisodes de la saison 1 de “Mandalorian“ de Disney+. Dix millions de dollars par épisode deviendrait un mètre étalon pour les séries ambitieuses.

Comme tous aiment à le répéter, la qualité prime plus que jamais sur la quantité. Y compris pour Netflix qui a pourtant pu mesurer à quel point ce ne sont pas les produits d’image qui font de l’audience sur la plateforme, plutôt consommée pour ses contenus mainstream, parfois cheap (ce qu’on sait même si la firme de Los Gatos fait de ses audiences un secret d’état absolu).

A l’arrivée, quelques atouts restent du côté de Netflix.

D’abord, une capacité à innover et prendre des risques sur le contenu comme récemment avec l’épisode interactif “Bandersnatch“ de “Black Mirror“ prolongé avec la série “You vs Wild“ avec Bear Grylls. Mais également une innovation qui s’étend aux formats à l’instar de “Bonding“ constituée de 7 épisodes de 15 minutes conçus pour mobiles par Blackpills Studio et lancée cette semaine.

Ensuite l’excellence du savoir-faire pour intégrer des productions hors langue anglaise, qu’elles soient maison (l’allemand “Dark“ par exemple) ou rapatriées (l’espagnol “Casa de papel“, le français “Dix pour cent“…). Avec un petit bémol sur les productions françaises qui n’ont à ce jour pas convaincu (“Marseille“, “Osmosis“, “Huge en France“…) . En la matière, Amazon Prime Video n’a pas fait mieux avec “Deutsch-Les-Landes“, on attend donc toujours la première bonne production française pour une grande plateforme américaine (peut-être avec “Family Business“ prochainement sur Netflix ?). Le roi incontesté dans le domaine reste Canal + qui a su convaincre critiques et public avec “Le bureau des légendes“, “Engrenages“, “Baron Noir“, “Versailles“, “Hippocrate“ et une bonne dizaine d’autres. Mais la filiale de Vivendi a gâché ce précieux temps d’avance en commettant une erreur stratégique sur laquelle on reviendra.

Présentation Disney +

Côté technologie, il y a encore tellement à faire pour optimiser l’expérience. Il semblerait que les acteurs se contentent de la moyenne plutôt que de miser sur l’excellence. Les points d’attention sont listés, rien n’est annoncé. Sauf révélation majeure, les utilisateurs devrait donc composer avec une qualité de streaming toujours pas au niveau et loin de s’adapter aux téléviseurs 4K ou OLED, des interfaces utilisateurs qui n’inventent rien malgré la difficulté démontrée par Netflix à faire découvrir sa profondeur de catalogue, des systèmes de recommandations défaillants qui peinent à établir une note fiable, des algorithmes qui poussent assez mal et de façon enfermante des pièces de catalogues liées au visionnages précédents, une personnalisation à faible valeur ajoutée et une dimension communautaire qu’un Spotify a parfaitement intégré (notamment avec ses playlists) mais totalement oubliée de l’expérience streaming vidéo…

Nous n’en sommes qu’aux prémices des annonces, Disney et Apple se sont contenté d’un tableau impressionniste des plateformes, préférant miser sur les gros labels et les grands noms. De acteurs majeurs -tels que Warner qui pourrait créer la surprise- n’ont pas encore vraiment dégainé, tous les espoirs sont permis.

Mais s’il n’y a pas d’évolution majeur,  c’est sur le terrain du prix que la guerre pourrait se jouer en 2020. Une fausse bonne nouvelle pour les clients et un très mauvais signal pour la dynamique de ce segment de marché stratégique. Pour les tarifs d’entrée, Netflix risque d’hésiter à augmenter ses 7,99 Euros mensuels alors que Canal+ Séries vient de se positionner à 6,99 Euros, tarif sur lequel Disney+ semble s’aligner pour son lancement au premier semestre de l’année prochaine.  D’autant que quelques modèles introduisant la publicité (à l’instar d’Hulu ou CBS All Access au USA) pour des abonnements inférieurs à 5 Euros sont annoncés, parmi lesquelles la française Salto.

A tarif égal, la longueur d’avance acquise par Netflix pourra lui profiter encore quelques mois mais au jeu des comparaison des contenus, le leader pourrait ne pas tenir la charge très longtemps.

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La révolution de la SVOD décryptée (3 / 5)

[Previously on] : Le paysage de la SVOD va complètement changer de visage et rendre la vie des accros aux séries pas forcément plus simple. De nouveaux géants, un millier de séries et des moyens d’y accéder complexifiés. Les observateurs prévoient un duel au sommet de Netflix face à Disney+ mais ce n’est pas forcément aussi simple.

Et si Netflix était un géant aux pieds d’argile ?

Si devant les marchés financiers, le patron Reed Hastings et sa garde rapprochée tentent de faire bonne figure en accueillant toute cette concurrence comme une réjouissante preuve de dynamisme d’un marché encore à conquérir, la réalité est nettement plus compliquée. Ironiquement, les contours et piliers d’un marché largement bâti sur le succès de Netflix en constituent les principaux freins pour le futur proche. De nombreuses études continuent à prédire que la longueur d’avance acquise par le pure player lui garantirait un leadership pour les années qui viennent. Et pourtant…

Reed Hastings, co-fondateur et directeur de Netflix

La bourse semble ne plus complètement croire en une croissance significative de ses 150 millions d’abonnés dans le monde pour faire face à l’explosion inévitable des coûts. Et le principe de l’abonnement pas cher sans engagement, en grande partie à l’origine de l’attractivité de la plateforme dès son lancement, rend particulièrement sensible toute augmentation du prix. La hausse récente aux USA n’a d’ailleurs pas été sans conséquence en termes de désabonnements immédiats.

Au niveau des contenus, deux grands axes sont à considérer, tous deux profondément percutés par le nouveau terrain de jeu.

Du côté des créations originales, il va falloir plus que jamais marquer les esprits avec des productions populaires et de qualité qui font l’événement, face à des plateformes concurrentes qui font monter les prix et les ambitions. C’est par exemple ainsi que les droits d’adaptation de la série événement préquel du « Seigneur des anneaux » ont échappé à Netflix au profit d’Amazon qui a déboursé quelques 250 millions de dollars. Et face aux 25 créations originales annoncées par Disney+, au savoir faire de HBO qui profitera à WarnerMedia et aux énormes moyens déployés par Apple TV+ avec la signature de grands noms, la pression monte. Les deals annoncés par Netflix avec les showrunners à succès Ryan Murphy et Shonda Rhimes assurent une production future efficace mais pas forcément le nouveau “Game of Thrones“.

Du côté du catalogue qui assure un volume conséquent et une diversité de contenus conformes à la promesse originelle, Netflix ne pourra pas bientôt compter que sur ses propres créations. Si elle a pu constituer une offre de qualité avec notamment “House of cards“, “Orange is the new black“, “Stranger Things”, “Narcos“  ou “Sense8”, nombre de ses séries à succès labelisées « Netflix Originals » en France ne sont pour autant pas des produits maison et pourraient lui échapper : “Better Call Saul“, “Riverdale“, “Dynasty“, “The Good Place“ ou encore “Designated Survivor“ sont proposés en exclusivité sur Netflix en Europe mais produits et diffusés par des grands networks américains historiques (en l’occurrence, AMC, CW, NBC et ABC).

Pire, l’hémorragie a déjà commencé avec l’arrêt de tous les héros Marvel (“Luke Cage“, “Iron Fist“, “Jessica Jones“, “Daredevil“…) appartenant à Disney. Et pour donner un sursis à “Friends“ en 2019, Netflix a dû débourser 100 millions de dollars alors que la série est destinée à rejoindre la plateforme WarnerMedia avec toutes les productions HBO, DC Universe et WC.

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La révolution de la SVOD décryptée (2 / 5)

[Previously on] : La révolution de la SVOD commence à se jouer. En dépit d’informations partielles qui arrivent en ordre dispersé, on commence à percevoir le risque : empirer ce sentiment pour le consommateur d’être perdu face à trop de contenus disséminés sur trop de plateforme…

Qu’est-ce qui attend un fan de séries en France en 2020 ?

Pour ce qu’on sait à ce jour, dans le courant de l’année 2020, le nombre de séries disponibles en France sera de l’ordre du millier. Une offre vertigineuse répartie sur au moins une dizaine de grandes plateformes différentes. Aux déjà existantes offres Netflix, OCS, Canal + Séries (incluant FOX Play et son immense catalogue), Amazon Prime Video et YouTube Premium, un fan de séries devra ajouter Disney +, APPLE TV+, WarnerMedia, NBCUniversal et Salto, l’arlésienne issue de l’union de TF1, France Télévision et M6 qui semble reprendre corps. Une projection qui exclut les plateformes SVOD par chaîne française (sur le modèle de CBS All Access au Etats-Unis) mais aussi Hulu, première concurrente de Netflix aux Etats-Unis, dont les ambitions internationales restent très floues et enfin, les quelques offres gratuites qui se profilent.

Si comme moi, vous voulez profiter en temps réel des nouvelles saisons de “Big Little Lies“ et “The Deuce“ (HBO aux USA / OCS en France), “Dark“ et “The Crown“ (Netflix), “Killing Eve“ ou « Le bureau des légendes » (Canal + Séries), “American Gods“ et “The Marvelous Mrs Maisel“ (Amazon Prime Video), “Weird City“ et “Wayne“ (YouTube Premium)….

Et si vous ne voulez pas rater les nouveautés dont tout le monde parlera parmi lesquelles “The Mandalorian“ dans l’univers Star Wars et « Loki » dans l’Univers Marvel (Disney+), “The Morning Show“ avec Jenifer Anister, “Little Voice“ du créateur showrunner culte J.J Abrams qui retrouvera Jenifer Garner et “See“ avec l’Aquaman Jason Momoa (Apple TV+), le préquel de “Game of Thrones“ et “The Nevers“ qui marque le retour du créateur de “Buffy“ Joss Whedon (sur HBO probablement pour la plateforme Warner), les prochaines saisons de “The Good Place“ et “Will&Grace“ (probablement rapatriées sur la futures plateforme NBCUniversal) ou les séries françaises exclusives promises par Salto qu’il ne faut pas sous-estimer…

… pas d’autres choix que de s’abonner à 10 plateformes, pour un budget probable de plus de 80 euros mensuels ! (Les séries citées le sont en pures spéculations : pour certaines rien ne dit qu’elles seront diffusées dès 2020 ni même que les saisons supplémentaires existeront)

Le challenge s’étend aussi à la multiplicité des moyens d’accès. Déjà aujourd’hui, consommer les séries de 5 plateformes nécessite une petite organisation si on veut comme moi en profiter sur un grand écran TV de qualité et pas seulement sur mobile. On pourrait imaginer des points d’entrée centralisés en un seul et même endroit mais on en est loin. Chaque foyer doit trouver son propre fonctionnement selon son équipement, ses opérateurs et ses propres habitudes. Ainsi, je passe par l’écran d’accueil de la box (SFR) pour Netflix, le replay de la même box pour OCS, l’application intégrée au smarthub de la TV (Samsung) pour Amazon Prime Video, la Chromecast (Google) depuis un mobile ou une tablette pour Canal + Séries et YouTube Premium. Si on pense que le grand écran de qualité a encore de beaux jours devant lui, l’enjeu de l’accès va constituer une autre bataille.

Autant dire qu’il faudra faire des choix et des paris, à moins que les consommateurs commencent à papillonner d’une plateforme à une autre en changeant chaque mois pour accéder au catalogue de nouveautés aux bons moments ?

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Décryptage de la révolution SVOD

De façon relativement imperceptible, les trois dernières semaines ont vu se jouer une énorme révolution du côté de la SVOD. Les plateformes de vidéo à la demande par abonnement ont fait l’objet de nombreuses annonces qui promettent à ce segment une place de choix au cœur du marché du divertissement.

Le mouvement des plaques tectoniques est tellement puissant qu’il est difficile d’y voir clair dans un paysage totalement redessiné dans quelques mois. J’avais prévu de passer deux ou trois heures sur le sujet pour mieux décrypter ce qui se prépare et faire les bons choix aujourd’hui pour le futur en tant qu’utilisateur gros consommateur. Il m’aura finalement fallu quelques semaines aux termes desquelles j’ai une vision plus claire (de la complexité) mais aussi quelques étonnements qu’il m’a semblé utile de partager.

L’autre “Game of thrones“

Pendant que le phénomène de société sans précédent qu’est devenu “Game of Thrones“ débute son ultime saison dans une torpeur mondiale, une autre conquête a débuté avec un suspens tout autant vibrant : quelles plateformes de streaming sortiront gagnantes de l’énorme bouleversement qui s’annonce ? “Winter is coming“, mais reste à savoir qui gagnera le trône.

Selon la grande majorité des observateurs, la bataille de la SVOD va se jouer entre 2 mastodontes : l’historique Netflix a profité depuis 2007 d’un quasi-monopole pour s’imposer face au géant Disney qui a mis du temps à se mettre en ordre de marche mais a finalement réussi à convaincre les observateurs dès sa première présentation formelle au début du mois. Et pourtant, il faudra aussi compter avec quelques autres leaders de leurs marchés parmi lesquels Amazon, Apple, AT&T Warner ou encore YouTube, qui n’entendent pas jouer les figurants.

Pour les utilisateurs, même les plus attentifs au sujet, difficile de s’y retrouver. Si j’ai pu en trois semaines entrer dans les coulisses des analyses et prévisions des plus grands spécialistes, c’est principalement grâce à la communication avec les investisseurs qui oblige les gros acteurs à révéler des postures stratégiques soigneusement dissimulées à leurs (futurs) clients consommateurs dont je fais partie. La communication grand public se concentre de plus en plus sur de grosses productions au moment de leur diffusion, via des campagnes d’affichage et sur le web.

Il aura donc fallu des heures de lectures, échanges et visionnages pour arriver à une conclusion très personnelle sur les enjeux de la SVOD. Plutôt que d’anticiper les mouvements de consolidations qui ne vont pas manquer de s’accélérer ou de jauger la pertinence stratégique déjà sanctionnée par les analystes financiers, je me suis intéressé au sujet en gardant autant que possible mon regard d’utilisateur. Même si comprendre les enjeux stratégiques des acteurs s’est avéré incontournable, et tout en n’ignorant pas le rôle fondamental des films de cinéma et documentaires sur l’échiquier, j’ai choisi le prisme particulier des séries sur le territoire français pour décortiquer le sujet.

La synthèse de tout ça reste un peu longue. Ce sera donc en 4 parties publiées chaque jour restant de la semaine :

Episode 1 : Qu’est-ce qui attend les fans de séries en 2020 ?

Episode 2 : Et si Netflix était un géant aux pieds d’argile ?

Episode 3 : Face à de nouveaux entrants peu innovants, Netflix peut pourtant marquer des points.

Episode 4 : Vers une économie de la frustration à maîtriser pour éviter le pire… 

Bonus : en attendant, les 14 séries à ne pas rater dans les prochains mois

« Pose », le pari osé et réussi de Ryan Murphy

C’est sans conviction mais sous la pression d’un bouche à oreille positif que j’ai choisi d’entrer « Pose » dans le choix cette année très sélectif de séries estivales à découvrir.

En fin d’année dernière, le plus grand casting d’acteurs transgenres (pour la plupart amateurs) de l’histoire avait marqué les esprits.

Cet univers transgenre et ses codes me sont assez étrangers, ils peuvent m’amuser dans une version Drag Queen avec « Ru Paul Drag Race » mais ne garantissent pas sujet captivant pour une fiction. De plus, la patte du prolifique Ryan Murphy (au commande de la série) ne suffit pas toujours à me convaincre même si ses excès militants me dérangent rarement.

Au-delà de l’effet d’attente créé par la presse américaine, Il ne me restait que la promesse d’une diversité de sujets pour espérer trouver un intérêt autre que documentaire et historique à la création FX. Et 8 épisodes, c’est court.

S’il est parfois compliqué de partager un avis avec un éclairage nouveau sur une série ultra-commentée, je n’ai pas à me forcer ici puisque beaucoup d’articles me semblent avoir été écrits par des auteurs qui n’avaient pas vu la série mais s’étaient appuyés sur un dossier de presse œcuménique.

De quoi parle vraiment la série ?

« Pose explore le New York de la fin des années 80 et se penche sur la vie de plusieurs personnages de mondes et cultures différentes. Elle aborde l’émergence de scène cuturelle et littéraire underground et queer comme la Ball culture, la vie des quartiers populaires et l’arrivée du monde du luxe à l’aube de l’ère Trump« . C’est le pitch sur la base duquel la série a été lancée, commentée, encensée. C’est aujourd’hui encore la trace qu’il en reste sur Wikipedia.

Dès le premier épisode, il apparaît clairement que le sujet central est bien l’univers Queer, au centre de tout, même s’il permet de croiser une multitude d’autres thèmes parmi lesquels la danse (pas que le voguing rendu mondialement célèbre par Madonna) et le Sida, inévitablement.

Ce premier épisode assume sa dimension didactique pour ceux qui, comme moi, ne connaîtraient rien à la Ball culture. Il faut découvrir un système qui dépasse largement le principe de battles thématisées et haute en couleur pour confronter des « Maisons » constituant un système communautaire d’entraide dans les populations  blacks et latinos de l’époque.

Le temps de réaliser qu’on s’est fait berné par une fausse promesse, c’est trop tard, on est déjà accro et on en veut plus !

Dès le deuxième épisode, les bases étant posées, ceux de ma génération penseront davantage à la célèbre série « Fame » (qui s’étendait de 1980 à 1986) dans une version Queer et militante qu’à un documentaire sur la culture Queer.

Tous les attributs d’une série populaire

Créer des personnages attachants dans des mondes et des situations extrêmes est sans doute ce que Ryan Murphy sait faire de mieux. Il y parvient ici de façon encore plus exceptionnelle qu’habituellement.

On se passionne instantanément pour des protagonistes sensibles ou détestables ou les deux à la fois. Transgenres et gays sont au centre, mais permettent de croiser le monde de la danse (une pensée pour la prof de « Fame » encore une fois) et percuter celui de la bourgeoisie new yorkaise flamboyante.

On pouvait redouter un casting amateur, il créé parfois une authenticité attachante et permet quelques révélations parmi des actrices inconnues (ici avec la réalisatrice transgenre de l’épisode 6). A gauche, Indya Moore dont la prestation a particulièrement été remarquée bien que MJ Rodriguez (à droite) tienne le rôle central de l’histoire.

La vraie révélation pour moi se trouve du côté du casting masculin avec un artiste très reconnu dans l’univers du musical : Billy Porter excelle dans tous les registres, du rire aux larmes.

La promo aura retenu les quelques acteurs déjà connus du grand public : Evan Peters (« American Horror Story » de Murphy déjà), Kate Mara (« House of cards ») et James Van Der Beek (« Dawson »). Tous dans des rôles courageux mais relégués au second plan.

Merci à Canal + qui vient de justifier mon abonnement en programmant la série en temps réel. En attendant la saison 2 qui vient d’être commandée par FX, il reste une furieuse envie de mieux découvrir cette culture avec un documentaire Kiki qui lui est dédié et, pourquoi pas, en visitant les quelques soirées qui lui sont dédiées à Paris.

Le nouveau Queen Club a la reconquête des nuits parisiennes

En 23 ans, le Queen Club a connu plusieurs âges d’or, d’abord gay puis gay friendly puis hétérosexuel, avant de devenir beaucoup plus contournable parmi les lieux de prédilections des noctambules branchés parisiens et internationaux.

En investissant les murs du Club 79 de Laurent de Gourcuff dès le 2 septembre, c’est plus une renaissance qu’un déménagement que nous promet son créateur Philippe Fatien et une équipe de designer (François Frossard) et directeur artistique (Marmott) très mobilisés. Une renaissance qui a commencé en dévoilant son nouveau logo il y a quelques semaines :

Visiter grâce à Laurent Guyot le lieu 6 jours avant son ouverture était un beau cadeau et donne très envie de croire en la résurrection d’un lieu mythique synonyme de fête et d’avant-garde. L’occasion de faire un point sur ce qui nous attend.

Un design exigeant intégrant rétro et technologie

La grande salle encore en travaux, longée par deux espaces VIP, prolongée par une rotonde privatisable est ponctuée de poteaux habillés dans un esprit boule à facette qui laisse imaginer une ambiance lumineuse assez unique.


Au-delà de la scène qui sera équipée d’une cabine en verre dans le vide « telle une proue de navire » pour accueillir le DJ, c’est sans doute le système de projecteurs lumineux au plafond qui imprime le sentiment de découvrir une salle de concert ou spectacle plus qu’un simple night club. L’ensemble occupe 1.200 m² agencés de façon à réserver de la place aussi bien aux danseurs qu’aux VIP attablés.

Le bar, placé au centre du club, est encadré par un immense miroir, reprenant le baroque des miroirs vénitiens.

La rotonde privatisable est « conçue comme une véritable suite d’hôtel, ornée de milliers de miroirs biseautés sur les murs et agrémentée de banquettes en arc de cercle en python beige, elle peut accueillir jusqu’à 50 privilégiés qui vivront un moment clubbing unique… »

Au final, le résultat devrait être à peu près aussi spectaculaire que la promesse :

 

Quelques cerises sur la gâteau qui comptent (pour moi)(et le DA visiblement) :

L’espace fumoir est grand, totalement intégré au Club avec la même qualité sonore et devrait s’habiller de jeux d’Arcade qui me semblent bienvenus

Les toilettes font l’objet d’une attention du DA qui mesure que la qualité d’un lieu se mesure aussi à l’inventivité de ce lieu que tout le monde visitera dans la soirée. Il faudra à ce stade se contenter d’un néon déjà en place.

Une programmation ambitieuse, des invités prestigieux pour mélanger les communautés

Inviter David Guetta à la soirée d’ouverture du 2 septembre est un signal fort de retour aux sources… qui ne dit pas tout.

Les rendez-vous mythiques et installés seront toujours là : Disco Queen le lundi, Ladies Night le mercredi, soirée Gay le dimanche soir mais de nombreuses autres surprises sont attendues avec les danseuses du Lido et du Crazy Horse, des DJ londoniens en vue, « des spectacles étonnants par une troupe freaky qui n’a aucune limite, une fois par mois ». Des croisements avec des soirées parisiennes hype telles que la très gay très friendly Club Sandwich sont également sur les rails.

L’enjeu est de séduire une clientèle plus variée, avec une montée en gamme parmi les plus select des clients, en s’affranchissant des castes de la nuit parisienne. Ce qui sera possible avec un plateau de VIP qui ne peuvent pas être tous anonymes. Ainsi, on attend déjà notamment Steve Aoki le 18 septembre, Kavinski le 23 octobre… et Madonna en after show en décembre ! On aprle également de Pharrell Williams et Kanye West très prochainement.

La direction en a bien conscience : tout est en place pour réussir le lancement, le challenge sera de tenir dans la durée et retrouver un nouvel âge d’or au croisement du retour aux sources et de l’innovation.

 

Le Queen Club s’installe au 79 avenue des Champs Elysées à compter du 2 septembre, son site web est attendu en fin de semaine, son actu est déjà déclinée sur les réseaux sociaux Facebook, Twitter et Instagram.

Le chemin qui menait vers vous

Cette semaine, j’ai participé activement au lancement du projet de 2 de mes amis. Parce que le projet me plaît. Parce que l’expérience est inédite. Parce que je suis curieux de savoir si l’interactivité peut apporter une vraie valeur. Et parce que ce sont mes amis, donc.

Le chemin qui menait vers vous, c’est un roman feuilleton accessible grâce à une appli iPhone (à télécharger ici) dont les nouveaux chapitres écrits en temps réel seront publiés chaque semaine, en prenant en compte les commentaires des lecteurs (à partager sur l’appli ou le site dédié). Une vraie expérience interactive… si les lecteurs jouent le jeu. L’application est éditée par Blüpan Entertainment.

Le roman étant écrit à 4 mains, l’interaction se joue jusque dans les séances de travail entre William et Laurent Latorre, le co-auteur. Les coulisses d’une des étapes d’écriture à laquelle j’ai pu assister ce matin, c’est pour la semaine prochaine. Les premiers chapitres ont posé le décor (2017, le Président est mort, les ressources pétrolières du monde entier sont épuisées, Guillaume et Laure entament une traversée de la France), sur quel pan de l’histoire les lecteurs vont-ils réellement intervenir ?

Les RP en format interactif, ça se tente aussi du coup. Ceux qui souhaitent recevoir des informations, tout savoir du classement de l’appli, des secrets de l’écriture, de l’édition des prochains chapitres, ou même choper des photos en haute def super prêtes pour le 4 par 3, il suffit de laisser un commentaire ou m ‘envoyer un petit email pour recevoir les infos.

Pour en savoir plus sur ce qui a déjà été écrit sur le net, il suffit de cliquer sur la perle ci-dessous.

eBook Le chemin qui menait vers vous

Dans la lignée du titre de ce billet, mon chemin qui menait vers vous n’a pas été exemplairement simple cette semaine. Ne nous arrêtons pas sur les détails, j’ai vraiment failli cliquer sur le bouton « Delete » de mon compte Twitter juste avant de me souvenir de tout ce qu’il m’avait apporté de bien aussi. En particulier de la bonne vingtaine de nouvelles têtes rencontrées parmi mes followers, au gré de lancements, soirées et autre apéro prétexte. Et aussi des quelques amis que j’y ai trouvé en 3 ans. Je vais juste retravailler l’addiction, en ajoutant à la modération une couche de distance, et ça va bien se passer, j’en suis sûr.

La chute du système Zemmour et Naulleau

Autant Eric Zemmour et ses provocations machistes, prétentieuses et réacs m’ont toujours ulcéré, autant j’avoue avoir été assez fan d’Eric Naulleau dans Ca balance à Paris, l’excellente émission de Paris Première qui démontre que l’exercice de la vraie critique indépendante à la télé peut se faire avec classe.

En découvrant ce soir grâce à FullHDReady sur lepost leur intervention face à Annie Lemoine hier dans On n’est pas couché chez Ruquier, je mesure à quel point ils sont pris au piège de leurs propres théories. Des certitudes que Naulleau ne cesse de défendre partout dans les médias, toujours en revendiquant sa légitimité dans son statut d’éditeur. Selon lui, la critique à la télé n’existerait pas puisque les autres ne lisent pas les livres dont ils parlent, ils auraient le courage que d’autres n’ont pas en assumant leurs critiques face à leurs victimes qu’ils n’ont pas choisies, en argumentant toujours.

Ainsi, face à Annie Lemoine venue défendre son dernier roman, les attaques fusent.

Lorsqu’il s’agit d’attaquer l’auteur, on a Zemmour : « je hais à un point inouï », « j’ai lu mais ça a été une souffrance inouïe », « si j’étais RC de Elle ou Marie-Claire, je l’embaucherais tout de suite » (insulte suprême probablement pour Zemmour), « faut qu’elle arrête tout », « vous écrivez simpliste, c’est normal parce que vous pensez simpliste »… On a côté Naulleau : « vous écrivez des textes dépouillés, ça veut dire qu’on vous a tout piqué : le style, l’intrigue et le vocabulaire », « c’est un livre qui n’est pas possible car on est en deçà de la littérature, on est dans l’indigence totale », « tout est raté ». Le tout empaté dans un « vous êtes douce et jolie » malsain.

Que les livres de Lemoine soient appréciés d’un public féminin ? « c’est ça qui me désole » se lamente Zemmour. Pire, les lecteurs recherchent de la sensibilité ? « c’est bien ça qu’est dramatique ».

On a donc déjà atteint la zone de vulgarité suffisante avant que Naulleau ne décide de faire témoigner à chaud l’auteur qui vient de se faire découper en pièce : « moi je voudrais savoir comment vous recevez ça ? ». La moindre trace de défense dans la réponse, amenée pourtant très en douceur : « c’est vrai que vous êtes particulièrement violents », provoque le courou des deux guignols se drapant aussitôt dans leur liberté au droit de critiquer. Parler de divergence de sensibilité n’est pas une option non plus. On revient maladroitement sur Flaubert et son exigence d’écriture. On a peur de comprendre que la réponse attendue était : c’est vrai, je suis nulle, j’arrête ce métier !

Le dernier mot revient quand même à Annie Lemoine qui, face à un Zemmour qui prétend pouvoir écrire la même chose en deux heures, défend avec élégance : « ça vous semble facile, ça veut dire que c’est réussi quelque part. Je ne me compare pas mais les gens qui disent devant la peinture minimaliste Miro et Picasso oh ça je pourrais le faire, et bien ils n’ont rien compris à la peinture ».

Je n’accorde pas un grand intérêt à Annie Lemoine ni à sa littérature mais par leur mépris et leur vulgarité, les deux polémistes ont réussi à me la rendre attachante. Je serais prêt à parier que les auteurs se bousculent chaque semaine pour passer à l’échafaud, pour cette raison, j’ai entendu de la bouche d’éditeurs que l’impact sur les ventes était flagrant. La contre-productivité de l’exercice de Naulleau et Zemmour est évidente, ils participent à un système qu’ils ne controlent absolument pas et que j’exècre. Pire, ils insultent un auteur et chacun de ses lecteurs avec une insistance qui mériterait une vraie intervention d’un Ruquier qui semble se délecter du spectacle qu’il a créé. La semaine dernière c’était Valérie Mairesse, cette semaine une autre de ses amies ? Peu importe, au bout du compte, il le sait, elles vendront plus.


Annie Lemoine vs Zemmour et Naulleau [ITV] Ruquier 140309
envoyé par peanutsie. – Futurs lauréats du Sundance.

Heureusement, le seul bon moment de l’émission, celui de Jonathan Lambert, serait compilé dans le DVD de l’humoriste qui vient de sortir. On va pouvoir s’épargner tranquillement cet amas de prétention ridicule qui l’entoure.