Le paradoxe Mylène Farmer

J’avais décidé de ne pas écrire sur le concert de Mylène Farmer que j’ai vu hier soir puisque tout ce que je pense du concert et du Stade de France a déjà été écrit et que le sujet a un peu gonflé tout le monde depuis quelques jours.  Mais en la voyant à l’instant au 20h de TF1 avec Claire Chazal (que la chanteuse trouve très jolie, on s’en souvient), je ne peux pas résister davantage.

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Je fais partie des chanceux qui ont vu son premier spectacle il y a plus de 20 ans dans mon Besançon natal un peu par hasard alors que j’avais été intrigué par ses clips mais pas vraiment emporté par sa musique. D’emblée, même avec des moyens alors limités, on y retrouvait tout ce qui fait le sel de ses spectacles : le sens de la démesure et le goût pour l’émotion, un univers qui s’incarnait alors dans les immenses grilles d’un cimetière et quelques chansons dont on ne se demande même plus si on les aime tellement elle font partie de la culture populaire.

Depuis, je n’ai raté aucun concert, je n’ai acheté les disques que pour me préparer à chanter pendant les deux heures de spectacle, quitte à subir pas mal de soupe avec pour être honnête quelques chansons que j’aime vraiment (Comme j’ai mal, Et tournoie, California, Dans les rues de Londres, Point de suture ou Sans logique) et des clips qui m’ont toujours marqué (en particulier Et je te rends ton amour).

Ce paradoxe que je ne connais avec aucun autre artiste est sans doute lié au paradoxe qu’incarne tout entier Mylène Farmer elle-même. Qu’il soit calculé ou pas.

Le premier est sans contexte une réputation de filet de voix (que Cantaloup singe plutôt bien) totalement contrebalancé par la justesse, j’oserais dire la puissance et cette façon inimitable de tenir la note haut perchée sur scène. Mylène Farmer chante incroyablement mieux que bien des chanteuses reconnues pour leur voix, n’importe quel candidat de télé-crochet qui s’est essayé à reprendre l’un de ses titres a pu mesurer à quel point ses volutes sont inimitables (même par Cantaloup pour le coup).

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L’autre réputation fondée et pourtant usurpée repose sur son supposé goût exclusif pour le lugubre. Si son univers s’est construit de croix, d' »humanité décharnée » qui inspire les sublimes costumes du premier tableau du spectacle, de larmes (très nombreuses hier sur un long tunnel de chanson tristes), il s’associe à une passion pour l’absurde, au sens de l’amusement et de la dérision (voir ses débuts ou sa prestation d’ange mutin dans le clip de Luc Besson Que mon coeur lâche), aux éclats de rire même tel que celui qui a marqué le début de l’interview de RTL diffusée cette semaine.  Interview excellente d’ailleurs (la plupart n’en ont retenu que l’info sur son deuxième film prévu en 2010), démontrant qu’elle peut faire beaucoup mieux que les 3 mots lancinants qu’elle accepte de lacher sur scène dans un murmure à peine audible.

L’entretien sur RTL énumère assez bien l’ensemble des autres paradoxe avec par exemple ce goût mêlé pour le gigantisme et l’intimité. Une ambivalence bien illustrée par la distance que séparent un écran de 700 m² et un proscenium qui plonge la chanteuse et son pianiste Pollux seuls au milieu des milliers de spectateurs de la fosse (dont je faisais partie). L’interview évoque également l’alliance de la force et de la fragilité ou l’exhubérance et la timidité, le tout enrobé de très forte conscience de ses grands écarts :  « Je sais mon handicap devant 3 personnes et mon aisance devant 30.000« .

Mylène Farmer me rappelle beaucoup une phrase du film Camille Claudel, « c’est un Mystère en pleine lumière« . Qui dit beaucoup sur elle, aime à répéter qu' »il n’y a pas de stratégie du mystère« , explique son caractère instinctif, révèle des anecdotes qui laisse entrevoir son jardin privé.

La presse, plutôt sympa ou qui avait omis de faire le déplacement, a fait l’impasse sur les sérieux problèmes techniques du Stade de France. Mais ces coupures sons ont ajouté le supplément d’âme qui manque tellement aux méga concerts des américains. Le public a chanté pour accompagner la choré qui continuait sans le son, Mylène a ri, s’est excusé avec amusement, a remercié la technique à la fin. Pour revoir ce moment là (à savoir la deuxième coupure son sur Désenchantée, la première nous ayant privé d’une excellente version de Sans contrefaçon) en image, il va falloir faire vite avant que la vidéo amateur ne soit censurée.

Lorsque le journaliste de RTL demande à la fin de l’interview si après 25 ans de succès inaltérable, enfin, elle dort tranquille, elle répond « Non, ce n’est pas possible ». Avec une voix grave qui ne laisse pas de doute, dans un grand éclat de rire, pour maintenir le paradoxe. Tel que c’est parti, il se pourrait même que j’aille la voir au cinéma…

10 réponses sur “Le paradoxe Mylène Farmer”

  1. j’avais décidé de ne pas écrire…quand tu
    changes d’avis tu fais pas semblant en tous cas!!!

  2. c’est très très émouvant la video amateur où le public tient la chanson malgré la coupure son ! Merci

  3. unnouveaucompte > si si vraiment un moment au minimum intimiste au mileu de 80.000 personnes
    bluelight > avec moi c’est tout ou rien !
    papaye > étonnant qu’elle nait toujours pas été supprimée deux jours plus tard…

  4. elle a dut flippé pour le final une coupure son c’est bete mais bravo aux fans et a son professionnalisme

  5. Très bel article. J’ai vu aussi les grilles du cimetière, et samedi j’étais le long de la scène près de l’étoile… un bien beau moment. J’ai été impressionnée par sa voix qui a pris en puissance, enfin je trouve !

  6. merci a toi mylene et vraiment trop cool j’adore c’est chanson et sa voie elle me donne envie de rever 😳 😆

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