L’homme qui voulait vivre son film

J’ai souvent l’occasion d’être invité à des avant-premières de film et j’avoue aimer ce luxe de découvrir un film avant tout le monde, avant que les médias ne m’en aient trop défloré le sujet, les intentions, les émotions…

Il est d’usage que ça se passe en présence d’une partie de l’équipe du film. Au-delà du moment sympathique qui consiste à découvrir un réalisateur enflammé et de voir en vrai un membre du casting qu’on apprécie, je déteste la séance de questions réponses qui va avec.  Depuis toujours, je ne peux pas parler d’un film que je viens de voir, d’autant plus si je l’ai aimé : il me faut quelques heures pour le digérer, me remettre d’émotions qui n’appartiennent qu’à moi et je n’ai pas forcément envie d’élaborer de longues théories pour rationaliser mes émotions. Lorsque je peux discrètement partir quelques minutes après le début de l’échange, je n’hésite pas, lorsque la discrétion n’est pas permise, je fais contre mauvaise fortune bon coeur.

Ce soir, grâce à ulike (merci Raphaël et Al Amine), j’ai découvert L’homme qui voulait vivre sa vie. Sans rien en avoir vu, j’avais très envie de le découvrir. Comme si j’avais senti que l’histoire allait résonner en moi. C’est donc bien une grosse claque que j’ai prise. Une tension ininterrompue du début à la fin, vibrante grace à la musique, aux effets de caméras ou au jeu des acteurs. Pour ne pas me contredire, je n’en dirai pas plus.

A l’issue de la projection, le réalisateur Eric Lartigau, l’actrice Marina Foïs et le producteur Pierre-Ange Le Pogam se sont soumis visiblement de bonne volonté à l’exercice des questions réponses. En quelques minutes, l’oeil qui frise d’Eric Lartigau disait tout de son sens de l’humour, les répliques de Marina Foïs trahissait l’intelligence de son analyse et le langage corporel de Pierre-Ange Le Pogam révélait une force de caractère infaillible.

Bien sûr, comprendre des secrets de l’adaptation du livre de Douglas Kennedy, des intentions du réalisateur ou du choix des acteurs (l’évidence Romain Duris, Catherine Deneuve à la place d’un homme…) a de la valeur. Mais voir la salle entrer dans des explications de textes m’éloigne de mes émotions, me confisque de la fin du film (ouverte) que j’ai besoin de m’approprier. Et je n’ai pas envie de confronter la modernité souhaitée par l’équipe du film avec les parfums de Henry-George Clouzot ou René Clair que j’ai ressenti dans cette capacité à mettre de la tension même dans la banalité du quotidien.

Eric, Marina et même Pierre-Ange, j’vous kiffe, vous parlez vraiment bien de votre bébé, mais vous aviez ce soir dans la salle l’homme qui voulait vivre son film, une fois la lumière dans la salle revenue. Et je ne doute pas que je pourrai échanger avec tous ceux qui l’auront découvert dans quelques semaines, dans des salles combles méritées.