Récemment, on m’a demandé quelle avait été ma pire expérience professionnelle. Je n’étais pas préparé à la question. Un seul événement m’est venu en tête, je ne voulais pas en parler. J’ai répondu à côté.
Un an après mon arrivée en agence, je me suis retrouvé dans la posture la moins confortable, celle que tout prestataire de service redoute : imposé à un client qui ne veut pas travailler avec lui. C’est devenu un grand classique avec la généralisation des réalignements internationaux. Ce grand constructeur informatique américain, avait choisi pour le monde entier une structure inédite sur le marché des RP : 3 agences (concurrentes) dont 2 pour travailler de façon très intégrée dans le même périmètre. Ce qui rationnalisait la situation dans la plupart des pays mais la compliquait singulièrement en France, depuis de nombreuses années attachée à la collaboration avec une seule et même agence.
Très vite après le choix, avant même la date de prise de fonction officielle de l’agence, une réunion européenne a été organisée à Paris. L’occasion de m’entendre répéter à de multiples reprises par mon nouveau client que 3 agences ou 1 seule, il ne voulait pas sentir la différence. “Je ne veux voir qu’une seule tête”. Et ce serait la mienne. Je sentais venir une année difficile mais un beau challenge.
A midi, le déjeuner-buffet a au moins été l’occasion de rencontrer les équipes parmi lesquels de nombreux américains qui avaient fait le déplacement. Notamment, ceux de notre bureau new-yorkais avec lesquels j’avais souvent parlé mais que je n’avais jamais rencontré. Le déjeuner s’est un peu prolongé, ce n’était déjà plus le début d’après-midi lorsque je m’apprêtais à rejoindre la réunion sur le point de démarrer. Dans le couloir pour checker les messages sur mon portable, je remarque un bureau doté d’une énorme télé. Je me souviens avoir scruté la marque, la qualité de l’image, la taille de l’écran, le logo de la chaîne d’information américaine leader à l’époque, dans le vague, concentré sur mes messages à gérer. Je reçois un texto qui dit “regarde les infos si tu peux”, je lève les yeux et vois une tour en feu dans l’écran.
Après quelques secondes pour comprendre ce qui se passait, j’ai alerté mes collègues de réunion et on s’est vite retrouvé une trentaine dans ce grand bureau. Devant ce qu’on croyait tous être un accident. Inexplicable, incroyable, terrifiant, mais un accident. C’est avec des new-yorkais qui connaissaient tous au moins une personne travaillant au World Trade Center, que nous avons assisté à l’approche d’un nouvel avion, distingué clairement dans le ciel avant qu’il ne percute la 2ème tour. Je n’oublierai jamais le cri glaçant puis les quelques secondes de stupeur qui ont regné dans ce bureau. Juste avant la panique. Beaucoup tentant en vain de joindre New-York au téléphone, certains pensant aussitôt que Paris n’était pas à l’abri.
C’était le 11 septembre 2001, nous étions avec une dizaine de new-yorkais réunis au 37ème étage d’une tour à la Défense, les yeux rougis, et c’est mon pire souvenir professionnel.