Octobre 1991 : me voilà fraîchement débarqué à Paris pour plonger dans le merveilleux monde de la communication. Je me sais promis à une belle légèreté, loin des grenouilles que ma fac de sciences option biologie m’avait obligé à décérebrer pendant 2 ans. Parmi mes premiers cours, je note comme une bouffée d’oxygène une session de décryptage des médias, animée par un journaliste plus connu dans l’univers de la presse cinéma. Le concept est simple : porter un regard sur le fonctionnement de la presse et de son traitement de l’information au fil des ans. Le premier cours, en nous invitant à feuilleter les quotidiens du mois publiés trois ans plus tôt, a changé à jamais ma perception de ce que je n’appelerai plus de l’information. Deux baleines m’auront coupé l’arrivée d’air pour longtemps.
Octobre 2007 : les couvertures de ces mêmes quotidiens, représentatives de ce que nous servent tous les bulletins d’information audiovisuels et les news mags, m’apparaissent de plus en plus compliquées à supporter. Pire, le système médiatique qui s’inscrit -sous la pression financière- de plus en plus fortement dans une logique commerciale, provoque un effet d’entraînement qui ne libère pas l' »espace de liberté » et de gratuité qu’est le net : on y trouve les mêmes quelques sujets porteurs omni-présents, au détriment de ceux qui ne font pas vendre. Faute d’image. Faute de people. Faute de discernement. La faute à qui ?
C’est une information qu’on ne trouvera pas à la une de nos journées qui a ramené à ma mémoire cette semaine deux baleines que j’avais presque oublié. En provoquant une colère que je sais vaine, naïve, inutile. J’aurais aimé la lire en une cette semaine, ça n’arrivera pas.
Octobre 1988 : la une de tous les journaux est occupée par une actu restée gravée dans notre inconscient collectif. Deux baleines sont prises au piège de la banquise située au nord de l’Alaska. Les cétacés luttent pour survivre, condamnés par un glacier qui se referme inexorablement. Ce n’est qu’au prix des efforts conjoints de l’aviation américaine, de l’Union Soviétique qui n’hésite pas à fournir un brise-glace et d’esquimaux volontaires munis de tronçonneuses, qu’un canal permettra aux deux mammifères de se libérer, sous les yeux émus aux larmes du monde entier. Bien sûr, le Japon et l’Islande pratiquant plus que jamais la chasse à la baleine, le sauvetage revêt toutes les caractéristiques d’un sursis quelque peu stupide. Mais qu’importe. On ne retient que le happy end digne d’un film hollywoodien. Mais surtout, ce qui frappe en relisant les journaux de l’époque, c’est la quasi-absence d’informations relatant le drame qui se jouait donc forcément dans l’indifférence générale. Les fondements d’une guerre civile au Sud-Soudan qui conduirait à une famine provoquant en deux ans plus de 500.000 morts s’installaient pourtant. Sans image. Sans regards. Sans intérêt.
A chaque époque, ce même système médiatique a trouvé ses baleines, celles qui aident à camoufler les génocides tibétains ou rwandais, les horreurs relatées au Darfour, les nombreuses guerres civiles actives dans le monde, les droits de l’homme bafoués, les exactions en tous genres.
Nos baleines de la semaine s’incarnent dans les aventures conjugales du couple Nicolas et Cécilia Sarkozy, la coupe du monde de rugby, les incendies à Malibu ou encore la lecture de la lettre de Guy Moquet dans les écoles de France. Pendant ce temps, en République Démocratique du Congo, la pratique du viol des femmes, marquée par une violence inouïe, s’impose comme une arme de guerre. Et s’intensifie. Les femmes résistent avec un courage incroyable. La presse américaine allume les projecteurs. La suisse suit. La France, à quelques exceptions près mais jamais en couverture, regarde ailleurs. Comment ne pas trouver cet enfouissement insupportable ?
Il ne s’agit pas d’oublier complètement les baleines, bien sûr. Mais juste un peu moins de place pour elles permettrait à la presse de remplir un peu plus dignement son devoir d’information.
Dimanche soir et hier soir, j’ai zappé, aux alentours des 20h sur l’ensemble des chaines de la TNT. De TF1 à I-télé, en passant par France 2, M6, BFM tv… tout n’était que Nico / Cécilia / Guy…
Comme une overdose de tout ça.
Mais si on nous sert cette « soupe » en boucle, n’est-ce pas parce que la demande est là ? N’avons nous pas l’information que nous réclamons ?
Après on s’étonne que je regarde Plus Belle La Vie… ooopsss
Moi les baleines j’aime bien (les vraies j’entends, hein). Même à l’époque, avec ma soeur on en avait parainné une, on donnait des sous et on recevait des photos, mais elle est super ingrate, elle donne plus de nouvelles. (c’est une histoire vraie).
Sinon, le couple Sarko moi j’en veux pas, ni la lettre de Guy Moquet, tout ce que je vois c’est que ça prend de la place dans mon Voici et que j’ai pas de nouvelles de Matthew… Peut-être on peut le parrainer et recevoir des photos ?… Hum.
Blam.
J’apprécie cette plume que je ne lis pas suffisamment !
Pour répondre à Xavz > je suis justement desespéré que les news répondent à la dictature de la demande.
Bien sur que les gens veulent du léger mais c’est effacer trop rapidement la vraie dureté de notre vie. Et après on se plaint que les gens soient frivoles et assisté…moi j’y vois un lien fort !
Ben alors Eric, coup de gueule ou coup de blues?
XavZ > oulà, pluis belle la vie… Même moi je suis pas en colère à ce point là !
Mathilde > Et Matthew finit toujours par donner des nouvelles, lui
Miss Blablabla > Pareil
greg > c’est l’éternel problème : est-ce qu’on sert aux gens ce qu’ils attendent ou est-ce qu’on créé l’attente ? Je pense qu’on sert souvent aux gens ce qu’on croie qu’ils attendent
serge > un peu des 2 en fait
En y pensant hier soir, je me disais que le pire, c’est que le fameux 5ème pouvoir est en train de prendre le même chemin avec cette stupide course au référencement.
Tu parles d’un 5ème pouvoir toi…
Les grosses baleines sont hélas, toujours utiles pour masquer les requins en embuscade. Aujourd’hui quand les chiens aboient on ne remarque plus la caravanne.