Il est temps de redonner un sens au nom de ce blog à l’origine créé pour parler de mon métier. A force de le faire ailleurs, sur le site de l’agence, dans la presse ou dans le cadre de conférences, je m’en suis éloigné ici. Mais une semaine de discussions pendant une formation à Las Vegas avec des collègues d’autres disciplines en Europe, des débats avec les participants du World Communication Forum de Davos, des échanges récents avec des directions marketing ou communication et des amis de quelques agences publicitaires concurrentes en France ont fait renaître l’envie de partager mon avis librement, avec ma propre voix.
Cette semaine, une passe d’armes particulièrement intéressante entre la journaliste auteur d’un article polémique sur les RP dans le FT et Chris Graves, CEO monde d’Ogilvy Public Relations dont je dirige le bureau français, ont fini de me décider à revenir sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur. Et de tenter d’expliquer pourquoi je pense que le fondement des RP se situe chaque jour un peu plus loin de la perception brouillée de la discipline sur le marché.
« Une bonne idée, ça fait des RP » ?
Avec les médias sociaux, qui ont en 10 ans percuté l’ensemble des disciplines marketing et communication, s’est renforcée l’idée selon laquelle les RP se contenteraient d’une bonne idée, d’où qu’elle vienne, qui génèrerait naturellement de l’intérêt, de la circulation, des conversations, en un mot (galvaudé) : du « buzz ». Point de vue partagé par des publicitaires, des journalistes du secteur, des professionnels de premier plan en entreprise… à tel point que des catégories RP ont été créées dans le cadre des plus grands prix de création publicitaires tels que les Lions Cannois. Une perception désormais tellement ancrée qu’elle ne peut sans doute pas être complètement fausse. Le secret des RP de qualité place au centre une idée créative à fort potentiel RP, apte à générer un bouche à oreille quasi-spontané. Dans un monde où la mission des RP serait principalement de participer à la promotion d’une organisation, d’une entreprise, d’une marque ou d’un individu, ce serait même absolument juste.
Ce n’est pourtant pas le métier que je pratique depuis 22 ans. Sans être exactement réfractaire à un nouvel environnement digital que j’ai assez tôt accueilli avec le plaisir de voir mon quotidien professionnel se renouveler. Bien sûr, et depuis longtemps, des budgets RP sont dépensés par les organisations marketing dans l’attente d’un retour sur investissement qui s’inscrit dans une contribution à la promotion, participe -hors achat média- à un bruit médiatique favorable. Mais dans la vraie vie, les médias sociaux peuvent s’emparer d’un sujet jusqu’à attirer l’attention des médias traditionnels sans que la discipline RP n’en soit forcément partie prenante. Et si le succès des RP se mesure, avec la complicité des professionnels concernés, au nombre de retombées ou -pire- en équivalence publicitaire dans ces mêmes médias, n’est-ce pas la preuve d’une vocation ancrée dans une force de frappe promotionnelle ?
Reste à expliquer pourquoi je ne pense pas que le passé, le présent et le futur des RP s’inscrivent dans cette dérive.
Redonner son vrai rôle aux « RP », comme « Relations Publics »
Le problème de ce métier réside dans sa réalité à géométrie variable. Faire les RP d’un produit, d’un artiste inconnu, d’une star internationale, d’une institution, d’un lieu branché, d’un candidat à une élection ou d’une ONG ne correspond pas exactement à la même activité. L’anglais a très tôt géré la dimension multi-facettes de l’activité en la segmentant dans des métiers différents : Public Relations Manager, Publicist ou encore Spin Doctor. Ne pratiquant pas le même métier que Samantha Jones de « Sex and the city » ou Olivia Pope de « Scandal », c’est du côté des « Public Relations » que je reconnais le métier que j’exerce.
Sous l’impulsion du Syntec RP, les « Relations PubliQUES » ont retrouvé leur sens originel en devenant il y a 3 ans « Relations PubliCS », contraction de « Relations avec les publics » qui constitue une traduction plus fidèle du terme d’origine américaine. Plus précisément, « la gestion des relations qui structurent le fonctionnement des organisations avec leurs parties prenantes, internes et externes, est la responsabilité et la compétence des professionnels des relations publics ».
Selon la même logique, le fondateur du « Holmes Report » Paul Holmes rappelait le mois dernier à Davos que « la seule performance qui compte est celle du nombre d’ambassadeurs/supporters/advocates / alliés… acquis grâce aux actions menées puisque les RP consistent à créer des relations avec les personnes qui ont une influence sur notre réputation ».
Quelle vocation pour les Relations Publics ?
Pendant longtemps, lorsqu’on me demandait de définir mon métier, j’essayais de le synthétiser dans sa capacité à « faire porter les atouts et arguments d’un produit, d’une marque ou d’une entreprise par des tierces personnes, indépendantes et légitimes, au service de la réputation de l’émetteur initial ». Je préciserais aujourd’hui en priorité que le bénéfice premier des Relations Publics est de générer de la confiance dans la promesse du produit, la vision de l’entreprise et de ses porte-voix. En s’adressant à ces cibles qui s’égrènent désormais au fil des stratégies corporate de toutes les entreprises : les fameux Stakeholders ou Parties prenantes.
C’est la raison pour laquelle le quotidien de ce métier couvre la capacité à informer et faire passer ses messages de façon crédible. Il passe par la production d’infos dans un format attractif, adapté aux cibles influentes, aujourd’hui souvent de type « News content » que les utilisateurs de médias sociaux pourront s’approprier. Il consiste à former les porte-parole à incarner ces messages. Il place au coeur l’identification et la qualification de ces précieuses parties prenantes. Il est rythmé par la création d’opportunités de rencontres ou d’interactions avec ces publics. Autant d’expertises qui ne se résument pas dans une idée mais nécessitent des skills techniques qui restent à juste titre ancrés dans les agences de RP. Le savoir-faire le plus symptomatique de cette réalité reste selon moi l’expertise en communication de crise qui rappelle toujours le chemin vers les spécialistes en RP des organisations au cas où elles auraient eu la tentation de l’oublier.
Ce regard sur la discipline rend caduque la lancinante question concernant la capacité supposément réservée aux agences de publicité ou créative à déployer des programmes RP reconnus par les Awards internationaux.
Bien sûr, avoir une bonne idée, de préférence créative, pour faciliter, accélérer, fluidifier ou redynamiser ces relations ne fait pas de mal, bien au contraire. Mais l’idée créative centrale dédiée à la promotion des émetteurs a surtout besoin des RP pour être protégée, comprise dans son honnêteté, portée par d’autres que l’émetteur. C’est donc avec cette conviction que nous avons reçu avec plaisir la récompense suprême dans la catégorie à Cannes en 2013.
Alors, pour compléter le titre de ce billet, « Les RP comme Relations Publics, mon métier, c’est pas ce que vous croyiez », on est bien d’accord ?
2 réponses sur “Les RP, ce n’est pas ce que vous croyez”