J’ai eu quelques fois l’occasion de communiquer sur des produits qui représentaient plus que des objets de communication. Avec ses avantages statutaires et ses inconvénients émotionnels.
Aveuglé par l’envie de découvrir la création de JJ Abrams, ce n’est étrangement qu’en voyant le titre du film sur grand écran que j’ai réalisé que Super 8 allait me projeter près de 2 décennies en arrière et pas que pour ses nombreuses références appuyées aux films de l’époque de son producteur Spielberg.
De juin 1994 à novembre 1998, j’ai travaillé chez Kodak.
Dès que j’ai rejoint l’entreprise employant alors plusieurs milliers de personnes en France, j’ai bien compris que j’avais une chance insolente. En plus de la photo grand public et professionnelle, je travaillerais sur les marchés du cinéma, de l’imagerie médicale et des arts graphiques. Je découvrirais que l’âme d’un entrepreneur, en l’occurrence George Eastman, pouvait continuer à marquer la culture de son entreprise 100 ans après sa création. Je serais au coeur d’une des sagas publicitaires les plus puissantes du moment avec les Kodakettes, petits voleurs de couleur rayés inventés par Jean-Paul Goude. Je participerais de l’intérieur à des événements comme les Rencontres d’Arles, le Festival de photojournalisme de Perpignan ou le Festival de Cannes, Kodak en étant partenaire principal et initiateur de la Caméra d’Or. Mais ce que je n’ai réalisé qu’avec le temps, c’est que je travaillerais sur des produits artistiquement mythiques et commercialement complexes, exposant avant son temps le devoir d’une entreprise au-delà de son intérêt commercial.
Alors que pour la première fois de son histoire, la perspective d’une révolution technologique (digitale) mettait en jeu l’ensemble de la manne financière que représentait la vente des pellicules, la fermeture progressive des laboratoires de développement de ses deux films mythiques laissait augurer un avenir limité à des produits d’image.
Kodak avait inventé le film Super 8 en 1965 et sa version sonore en 1974 pour un usage amateur, facilement maniable et peu onéreux, dont des artistes se sont immédiatement emparé jusqu’à créer des festivals dédiés. Dès l’arrivée de la VHS et la massification de l’usage de la vidéo domestique qu’elle a permise au milieu des années 90, le Super 8 devient un marché anecdotique pour Kodak mais garde sa place dans le coeur de cinéastes majeurs ou en devenir.
Selon le même processus, le film photographique Kodachrome, inventé en 1932 avec son rouge dominant et son grain très fin, a souffert avec encore plus de violence. La complexité de son traitement a réduit à 1 seul laboratoire dans le monde les endroits capables d’assurer le développement, payé dès l’achat du film, frais de port compris. Si la resistance au temps des films a fait ses preuve, la pérennité de la production des films apparaissait à tous limitée, tant des émulsions de qualité supérieure et facile à traiter prenait toute la place sur le marché.
Devant cette pression, dans les années 90, il ne se passait pas un jour sans que nous ne recevions un appel ou une lettre, rencontrions un artiste sur un festival, absolument dévasté par la perspective de l’arrêt brutal de son outil de travail artistique. Nous étions de leur côté, faisions remonter les craintes aux Etats-Unis, demandions des signaux rassurants, à l’encontre de toute logique business au service de notre employeur. Des artistes venaient nous montrer leurs films ou leurs books, de grands photographes et cinéastes venaient chercher notre mobilisation alors que nous devions communiquer l’arrêt de telle émulsion supplémentaire ou de tel laboratoire, sans grande perspective pour le futur. Mais j’étais alors persuadé que la responsabilité auprès des artistes finirait par primer sur les enjeux financiers, quelle que soit la complexité des années suivantes pour la firme de Rochester. Je ne me trompaisqu’à moitié.
Si le Kodachrome n’a pas résisté avec la fin de la production en 2009 et la fermeture du dernier laboratoire fin 2010, les films Super 8 sont toujours produits, avec même des investissements pour une nouvelle émulsion lancée en 2005. J’ai été étonné de ne même pas apercevoir la marque de le film d’Abrams, le jeu concours organisé par Kodak laissant deviner un partenariat avec Paramount. Il faut dire que rien de ce qui touche à mon premier employeur, retrouvé pendant 5 ans dans les années 2000 en agence cette fois et dans un contexte bien différent, ne me laisse indifférent.
J’ai adoré le film d’Abrams, sans savoir si les raisons en sont cinématographiques ou nostalgiques.
T’es sûr que ce ne sont pas des films Kodak utilisé par les enfants ? Je croyais avoir reconnu les fameuses boîtes jaunes et rouges sur le quai de la gare 😉
Et sinon qu’en est-il de Kodak elle-même ? Je l’ai encore en tête comme une marque forte (probablement grâce à ce que tu décris) mais la nouvelle génération d’ados n’aura jamais chargé ses appareils de pellicule Kodak ou acheté de jetables…
Je suis sûr que les films sont Kodak, le magasin est un lieu de développement Kodak, la caméra je n’en suis pas sûr, je n’ai pas pu voir. Super 8 est une marque exclusive de Kodak, je m’étonne simplement de ne pas voir les 5 lettres apparaître une seule fois.
Aujourd’hui, je pense que l’entreprise est encore au milieu de sa transformation totale puisqu’elle a du passer de la chimie à l’électronique. Je suppose que ce sont les marchés professionnels qui lui assure son avenir mais je n’en ai pas d’infos précises.
Et bien tu vois, je ne me suis même pas posé la question, le jaune et le rouge ont suffit à me faire croire que j’avais vu écrit Kodak 😉