Le mystère Twitter

Depuis quelques mois, la presse tente de comprendre et mettre à portée du grand public cet étranger outil de microblogging qu’est twitter. Libé avait ouvert le bal en France avec une couverture sur le phénomène dans le monde politique l’été dernier. Très (trop ?) anglé donc réducteur pour un service encore aussi peu démocratisé. Le dernier papier en date dans Les inrockuptibles de cette semaine ne réussit toujours pas à produire l’article de référence qu’on attend.

twitter-les-inrocks

Si la presse peine à comprendre le phénomène, c’est qu’il n’est pas simple et qu’aucun utilisateur ne l’explique finalement de la même façon. Les bénéfices sont vécus différemment selon son usage souvent lié à la taille et la typologie de sa communauté. Ils s’étendent du pur communautaire – parfois nombriliste mais toujours avec une connexion permanente avec ses réseaux- au partage de l’information brute en temps réel – de l’anecdotique à la grande histoire.

Il m’aura fallu plusieurs mois et une taille critique du nombre de mes followers pour mesurer la dimension polymorphe de l’outil : il est bien question de garder à distance le lien avec ses contacts voire ses amis mais aussi de s’appuyer sur la communauté pour être alerté ou mieux comprendre un fait d’actualité. C’est à la fois le partage en direct des impressions ressenties devant Koh Lanta ou le soutien à un ami pris dans les intempéries du sud ouest. C’est à la fois le fil d’infos des grands newsmag en ligne et l’accès direct à certains de leur redacteur en chef.

Repérer l’info qui compte n’est pas un enjeu : elle est immédiatement pointée du tweet par plusieurs membres de sa communauté. Pour mesurer vraiment ses atouts, il s’agit de vivre l’expérience plus que 2 jours, le temps d’écrire un papier. Il faut constituer sa communauté et s’y faire accepter, démontrer sa régularité sans tomber dans l’excès et utiliser l’espace comme un laboratoire pour y pratiquer des tests in vivo.

Pas simple donc pour les journalistes de vulgariser Twitter pour leurs lecteurs sans tomber dans la caricature. Courage, le plus dur reste à venir, les commandes sur le sujet risquent de pleuvoir dans les mois qui viennent.

Libé retrouvé

L’avantage d’une semaine pleine de déplacements, c’est qu’elle donne l’occasion de lire vraiment la presse quotidienne pendant les trajets. Avec quelques bonnes surprises, parmi lesquelles la redécouverte d’un Libération retrouvé. L’édition de vendredi dernier en constitue une bonne illustration.

Liberation

En premier lieu, Libé était le seul, et le premier, à s’intéresser en une au Tibet, là où tous les autres restaient scotchés aux débats politico-politiciens de l’entre-deux tours. C’est d’ailleurs en page 10 que se trouvent reléguées les stériles agitations des municipales, après le dossier tibétain, le droit de mourir de Chantal Sébire, le Contre-Journal qui donne la parole aux lecteurs, la nouvelle donne de la F1 et les pages Monde qui s’arrêtent sur les affrontements Tchad – Soudan, les élections en Iran et les affrontements au proche-orient.

Les push-liners qui ont fait la marque de fabrique jusqu’à la caricature parfois semblent calmés dans la course aux titres qui claquent et c’est tant mieux : le sens prime désormais. Pour se lâcher et s’en donner à coeur joie dans la figure de style, c’est en page média que le quotidien invite la rédaction à montrer ce qu’elle sait faire avec les mots. Le principe ? : 9 journalistes ont 700 signes à leur disposition pour participer à une réjouissante orgie critique portant sur la série événement Californication.

Californication Duchovny

L’exercice tient ses promesses. Morceaux choisis : « Que les Américains aient un problème avec le cul n’est pas bouillonnant d’actualité », « Hank Moody, en fait, c’est Charles Ingalls : Dans la Petite Maison dans la prairie, Charles débite des bûches pour le bonheur de sa famille, tandis que dans Californication, Hank bûche la bite pour renouer avec femme et enfant. Kif kif, deux pères la morale. Et pourtant, Californication vaut mieux qu’un coup d’un soir. Car fugitivement, Hank menace de faire un truc de fou : accrochez-vous, il hésite quelques heures avant d’accepter de tenir un blog. »et mon préféré, en intégralité : « Le truc bien, dans Californication, c’est que Hank Moody, c’est toi. Enfin, c’est le fantasme du (ou de la) dandy quadra moderne sans risque. Toujours jeune, toujours beau, qui boit plus de trois verres et ça va, qui fume mais ça ne nuit pas à sa santé, qui baise tout ce qui bouge avec une ex toujours amoureuse. Même sa dépression est glamour. Le pied. En plus, il vit dans le même monde que toi : il tient un blog, se googlelize, sa fille se la joue Courtney Love prépubère et son agent se tape une suicide girl (hypissime). Avec ça, il est complètement passif et spectateur de sa vie. Comme toi dans ton canapé, finalement », « Message aux fossoyeurs qui voyaient en Duchovny une affaire classée : la vérité est ailleurs ».

Mais Libé vendredi dernier, c’était aussi le retour de NTM, le salon de l’automobile de Genève, la TNT mobile avec le Gsmart t600 et un tacle réjouissant à Morandini qui attaque le site iMedias.biz pour avoir publié la vidéo que d’autres ont publié dont son employeur Télé 7 jours.

Au moment où la presse écrite évolue vers de nouveaux horizons en ligne, c’est un bonheur de retrouver un quotidien papier qui retrouve autant d’inspiration.