Un professionnel des RP peut-il s’engager vis à vis de son client ou de son employeur, au-delà des moyens mis en oeuvre, sur les résultats ? Le débat n’est pas nouveau et il n’a surtout pas attendu l’apparition d’agences de relations publiques / relations presse pratiquant sans détour la rémunération aux résultats pour émerger. Bien sûr, la proposition faite par certains acteurs du secteur –toucher une rétribution en fonction du nombre d’articles parus suite à une campagne ou selon un objectif d’articles clairement identifiés en amont– met de l’huile sur le feu, mais elle a l’avantage de soulever clairement la question. Il est peu probable qu’un attaché de presse, responsable des relations publiques, consultant RP en agence ou même dircom ne soit pas confronté un jour ou l’autre à une difficulté spécifique à leur discipline (parmi les métiers de la communication et du marketing) : l’interdiction déontologique de s’engager sur des résultats. Et surtout, il est probable qu’il se sente quelque peu désarmé pour défendre une posture professionnelle quand la pression se fait trop forte.
Les associations et syndicats professionnels se sont pourtant tous prononcés en adoptant un discours clair sur le sujet :
- Syntec Relations Publiques a réaffirmé en octobre 2004 son opposition à tout principe de rémunération des campagnes de relations presse fondé sur le volume ou la nature de la couverture médiatique obtenue
- Information Presse & Communication a mené une étude sur la rémunération de la profession, à laquelle s’est associé le Synap, et rappelé à cette occasion sa position : la rémunération est aux honoraires et il ne saurait être question d’accepter toute autre pratique.
Ces positions s’appuient sur un cadre moral (déontologique) mais aussi légal, dans un environnement français, mais aussi Européen :
- Le code Européen de déontologie professionnelle des Relations Publiques, dit "Code de Lisbonne" date de 1978, modifié en 1989, et précise dans son chapitre 3 article 11 : "Pour ses services, le professionnel des Relations Publiques ne peut accepter de rémunérations que sous la forme de salaires ou d’honoraires : il lui est interdit d’accepter tous paiements ou autres compensations matérielles qui seraient automatiquement liés à des résultats professionnels quantitatifs."
- Le cadre légal est fixé dans un arrêté ministériel du 23 octobre 1964 signé Alain Peyrffitte (page 4 de ce pdf) dans son article 4 : "Ces activités sont rémunérées exclusivement par les honoraires ou le traitement alloués…"
- Devant la justice, la rémunération aux résultat dans le cadre d’actions en Relations Presse a été jugée illégale par la Cour d’Appel de Paris en décembre 1995 : un juge a tranché en faveur d’une agence qui était attaquée par une entreprise pour n’avoir pas rempli ses objectifs de résultat.
Le cadre est donc solide et pourtant ne suffit pas toujours face à des pressions qui peuvent aller jusqu’à mettre en péril un budget voir son propre job. Pour asseoir leur position, les professionnels des RP auraient besoin de l’appui de ceux qui sont également impliqués au premier rang : je pense aux journalistes. Je suis surpris de leur absence sur le sujet, voire choqué lorsqu’ils acceptent d’écrire (de façon neutre ou positive) sur des agences qui pratiquent la rémunération aux résultats. Ne sont-ils pas embarassés par la position qu’on veut leur donner ? Si la rédaction d’un article génère une rémunération, est-ce que ça ne met pas en péril leur indépendance ? Leur prise de position mettrait sans doute fin au débat mais on l’attend toujours.
Par ailleurs on peut se poser la question du « pourquoi on en arrive là. » Hormis le contexte économique, les paramètres plus difficiles entourant l’exercice de cette profession, il semble que, pour les gens de l’autre coté de la barrière, les agences de presse se soient grassement rémunérées pour un rapport qualité/prix bien médiocre. A cela vient s’ajouter le trop facile « les journalistes sont suuuuubmergés d’informations », on est pas loin de la rémunération à l’aveugle.
on assiste aujourd’hui peut-être à un rééquilibrage du marché, à l’instar des agences de comm en leur temps…
Plutôt que d’arriver à la dangereuse rémunération sur résultats, et parler de la sacro sainte déontologie, alors que tout le monde sait que les journalistes sont relativement orientés (la liberté de la presse, telle est la question !) vous devriez commencer par trouver des moyens intermédiaires pour regagner la confiance de vos clients…
stephanie
Stephanie > euh, j’ai pas compris ton point : pourquoi on en arrive où ? Le débat de la rémunération aux résultat aux RP est à peu près aussi vieux que la discipline. Tu dois avoir quelques expériences douloureuses avec des agences de relations presse : j’en connais pas mal qui bénéficient d’un très bon niveau de confiance de l’ensemble de leurs clients qui apprécient la mesure sur la base d’objectifs clairement définis au départ avec un retour sur investissement qui ne souffre pas vraiment la comparaison avec d’autres métiers marcom (j’ai plein d’exemples si ça t’intéresse). En fait, j’imagine que tu voulais tout simplement savoir sur quelle base des critères d’évaluation pertinents peuvent être établis en contournant la problématique des résultats finaux ?
Eric, je te suis complètement sur ton analyse du problème et de l’implication nécessaire des journalistes dans la question. C’est très dangereux et il faut être organisés pour résister.
Mais il me semble effectivement que si des clients demandent une rémunération au résultat, c’est que la profession des relations publiques doit faire de vrais progrès en matière de démonstration du retour sur investissement. Car si au moment du lancement d’un programme, il y a une vraie réflexion sur ce qu’on attend comme résultats concrets (ce n’est souvent pas le cas), cela contribue à rassurer le client.
Autrement dit, sans le formuler comme Stéphanie et en reconnaissant la très grande qualité du travail fourni par un bon nombre d’agence, il faut se demander si la question de la rémunération variable ne cache pas juste un besoin de ré-assurance sur ce qu’est ce métier, encore assez mal compris des entreprises dans l’ensemble…
Conclusion : parler de résultats et améliorer les techniques d’analyses me semblent être des pistes pour le futur.
Adam > On touche bien au dilemme de la disipline. On ne parle pas ici d’achat d’espace ou de campagne marketing qui permettent de s’engager sur un GRP, un nombre de point de contacts, voir l’impact sur l’objectif réél qui est quand même le plus souvent de soutenir les ventes…
Encore une fois, il serait plus simple pour les agences de RP de pouvoir s’engager sur les retombées, en quantitatif et qualitatif (sans parler de rémunération), le seul problème est que cela relève de la malhonneteté dans tous les sens du terme pour les raisons expliquées plus haut. Et c’est loin d’être une problématique d’agences qui feraient « mal leur boulot » (désolé mais l’analyse est vraiment courte), je l’ai vécu pendant 7 ans en entreprise comme beaucoup d’autres chargés de com en entreprise. Chacun développe son système d’analyse qui contourne le problème sans le résoudre jamais : on ne peut pas s’engager sur les résultats, ce qui créé une brèche pour des structures qui s’encombrent moins de scrupule.
Ton commentaire me perturbe un peu et démontre que j’ai visiblement du mal à être clair sur ce sujet, je vais avoir besoin de toi qui est un peu mon maître en clareté, ne me lache pas !
Eric, je ne voulais pas te perturber, désolé ! Mais bien sûr je ne te lâcherai pas. Je ne suis pas sûr qu’on ait deux visions très différentes. Voilà comment je vois les choses :
– non à la rémunération aux résultats. C’est une honte
– non à l’engagement sur des résultats
– oui aux objectifs
Je n’ai peut-être qu’une vision partielle mais je trouve que les agences RP manquent quand même de culture de résultats / de l’évaluation. Et les annonceurs aussi.
Pour l’évaluation (quand il y en a une), chacun a tendance à arranger les résultats à notre façon a posteriori. C’est souvent un peu limite.
Si au lancement du projet, l’annonceur et l’agence s’asseoient autour d’une table et se demandent : « quelles retombées voulons-nous ? » (type de message repris, type de support, etc.), ça a le mérite d’orienter la stratégie : on mettra en place la meilleure stratégie pour atteindre ces objectifs. Pour un annonceur c’est difficile d’imaginer que les consultants n’aient pas une idée claire du type de retombées que l’on peut obtenir sur un programme donné. Si les consultants sont pros, ils sont capables de dire : ‘vous aurez tel support, vous n’aurez pas tel support, éventuellement tel autre…’
Ca me semble important pour le développement de la pratique des RP qui méritent de meilleurs budgets vs. la pub…
Pour cela l’agence doit être capable de parler à des marketeux et de faire la pédagogie de son métier. C’est donc un mix délicat entre les subtilités des RP (ça ne marche pas comme la pub, le message passe mieux auprès des lecteurs, ça ne tombe pas automatiquement…) et la nécessité d’avoir des objectifs. In fine je dirais que la question des objectifs est légitime mais qu’il faut faire attention à ce qu’elle n’entraîne pas l’agence vers l’obligation de résultats.
J’aurais pas dis mieux – d’ailleurs j’avais dit mais en moins bien 😉
Quel flatteur ! Tu dois au moins booser dans les RP !! 🙂