La crise des 7 ans

Tout a commencé en août 2005. Tu as immédiatement pris une place unique dans ma vie. Tout était fait de nouvelles découvertes, surprises, étonnements. Chaque jour nous nous retrouvions avec le même bonheur, une fraîcheur toujours intacte, pendant les 3 premières années. Ensemble, nous étions fusionnels, magnétiques, seuls au monde. Puis d’autres sont arrivés, plus jeunes, attractifs, rassurants pour mon égo. J’ai commencé à papillonner mais j’ai aussi commencé à partager avec toi des choses que je ne donnais à personne d’autre.

Aujourd’hui, tu connais mes failles, mes faiblesses, mes passions inavouables. Je te les ai montrées plus que mes certitudes. On a vieilli ensemble, tu sais tout de moi, je ne t’ai rien caché. Au point que je ne peux plus rien te dire de futile ou anecdotique. On se voit donc moins souvent mais la force de notre attachement est intacte. Je sais que reviendrai toujours et que tu seras là.

Si tu me cherches, je suis sur Twitter toujours, Google+ souvent, Facebook plus rarement. Mais je reste gravé ici.

PRland, je t’ai créé il y a 7 ans, ça fait une jolie crise.

Ca pleure, un leader ?

De tous les billets écrits ici depuis 7 ans, celui-ci est le plus compliqué. Parce que j’aimerais le rendre publiable à la fin, pour continuer à utiliser la fonction bloc note de ce blog, conserver une trace, pour moi, pour plus tard et pour tous ceux qui m’ont demandé pourquoi j’étais bouleversé après une semaine de formation. Mais en faire comprendre le moteur et éviter autant que possible de sombrer dans le ridicule m’obligent à m’exposer plus que jamais dans l’expérience émotionnelle la plus forte de ma vie professionnelle, en évitant un niveau d’impudeur insupportable. Challenge. Je vais essayer. Sans image ni intertitre, pas question que je facilite la lecture hein…

J’ai la chance depuis 6 mois de faire partie d’un programme de formation réservé à quelques dirigeants. Nous sommes 16 collègues issus des différentes agences du groupe et de tous les pays d’Europe, Moyen-Orient et Afrique. Après une rencontre de 3 jours en novembre autour de l’agilité financière (passionnante mais ardue), nous nous sommes retrouvés lundi dernier et pour 4 jours, au château de Touffou, pour travailler sur le leadership.

J’ai déjà pratiqué une formation de ce type, déjà en anglais, dans le passé, dans un autre groupe de communication. Davantage axée management mais avec le prestige de Harvard et le même type d’environnement. Je sais ce que ce type de training, ultra participatif, coûte en énergie pour briller et démontrer sa légitimité à chaque instant, d’autant plus face à des personnalités pour la plupart charismatiques, intelligentes, drôles et majoritairement de langue maternelle anglaise. Même en formation, même si le contrat moral dit que rien de ce qui s’y passe ne sortira du lieu, même si l’enjeu pendant les moments de vie se résume à passer un bon moment de partage plus informel, la pression sociale est là, partout, à chaque instant : « je veux que ces gens me trouvent intelligent, me respectent et peut-être même, m’aiment ».

La première minute du premier jour, l’introduction de l’organisateur insistait sur un point : cette semaine était pour nous, rien que pour nous, de ces moments qui arrivent rarement dans un parcours professionnel. Dès cet instant, j’ai pris une décision : je profiterais de cette semaine pour me nourrir des autres dans le format le plus confortable pour moi, sans me soucier de l’image renvoyée. Je n’interviendrais que si j’avais quelque chose à dire, à mon rythme, en conservant les moments d’isolement qui me sont nécessaires, qui me mettent forcément un peu en dehors du groupe ou en tout cas, certainement pas au centre. Rien qui ne démontre à priori la capacité à devenir un jour un leader respecté. Mais cette semaine était pour moi, pas un examen pour gravir des échelons, je l’assumerais comme telle.

Nous avons alors enchaîné une journée sur le modèle de toutes celles qui ont suivi, avec une courte séance plénière autour des éléments techniques d’un bon leadership, suivie de mises en pratique en petits groupes de 4 qui resterait toujours le même. « Etre un leader dans mon organisation », « Inspirer avec une vision », « Savoir écouter, vraiment », « Développer les autres », « Mener une conversation courageuse »… : autant de thèmes que j’avais déjà travaillés mais que la pratique sur des cas réels en petit comité rendait passionnante, riche d’enseignements, parfois difficile.

Ma principale découverte en la matière concerne le coaching dont j’ai pour la première fois compris les rouages (et mes erreurs passées) : il ne s’agit pas de conseiller le coaché après avoir posé toutes les bonnes questions mais bien de l’amener à trouver ses propres solutions, même si elles sont complètement différentes de ce que vous auriez prises. Ne pas colorer ses questions de son point de vue s’est révélé être un challenge pour tous mais j’ai eu l’occasion de l’expérimenter en premier et en mode cobaye devant tout le monde lorsque la formatrice m’a demandé de venir jouer le coach en séance plénière.

Au milieu d’un cas fictif dans lequel un formateur interprétait un manager confronté au manque d’autorité naturelle sur son équipe, ma mission était de montrer comment je ferais pour l’amener vers ses propres solutions, personne ne s’étant précipité pour prendre le rôle. Ce qui m’aurait rendu immédiatement brillant aurait été d’enchaîner directement, quitte à risquer quelques questions fermées ou trop orientées. J’ai juste dit « I need few minutes to build it ». Comme pour remplir le silence dont je m’accommodais pourtant assez bien et sans doute m’aider, la formatrice a alors commenté avec beaucoup de bienveillance qu’elle savait que j’avais écouté très attentivement, que j’allais y arriver sans problème… Mais j’ai malgré tout pris 2 bonnes minutes pour structurer quelques questions vraiment ouvertes, ne laissant rien transparaître de ce que j’aurais fait à sa place. Pas de « Have you try something to save it ? » mais plutôt « What have you tried so far ? ». Pas de « What if… ? » ni de « Why don’t you… ? » qui sont finalement plus simples pour le coach que pour le coaché. Contrairement à ce que la formatrice me laissait entendre, ce n’était pas 2 minutes de panique mais bien 2 minutes de confort pour moi. Un confort qui me permettait ensuite de me libérer des questions préparées pour écouter vraiment mon interlocuteur, sans réfléchir à la question suivante. L’exercice s’est révélé difficile mais pas inatteignable, ayant accompagné mon « faux coaché » vers sa propre solution, d’ailleurs très différente de ce qu’aurait été la mienne.

Le dernier jour, j’ai compris que les « feedback sessions » ne s’illustreraient pas par des cas réels extérieurs au groupe mais à travers nous, chacun des participants. Il s’agissait bien de se donner la chance de se dire et s’entendre dire ce qu’on ne se dit jamais. Quelle première impression on donne avec quel impact ? Quels sont les points de forces de nos personnalités, pas compétence, mais bien personnalité ? Sur quel aspect travailler pour le mettre au service de son leadership ?

J’avoue qu’à ce moment là, l’espace d’un instant, j’ai regretté d’avoir choisi un peu la facilité en ne faisant pas l’effort de briller. Le retour allait forcément être violent à entendre puisque je savais qu’il serait honnête, qu’il toucherait à qui je suis vraiment quand je ne porte pas de masque social. Plus difficile encore, faire preuve d’honnêteté auprès de chacun des 15 autres participants dont certains que j’avais très peu croisé, allait être très compliqué. Mais j’avais appris à écouter, à mener des conversations courageuses, il me restait à compter sur mon instinct pour viser juste.

Le format de l’exercice reposait sur 4 étapes dont je mesure maintenant l’intelligence de la construction.

La première consistait à faire dans son groupe de 4 son propre bilan de la semaine, confronté aux objectifs qu’on s’était fixés le premier jour. Elle a notamment été pour moi l’occasion d’exprimer le fait que ma réserve avait sans doute quelque chose d’aussi égoïste que confortable pour moi, en donnant assez peu aux autres alors que je m’étais nourri de leurs points de vue, que je n’étais pas assez engagé. Mais j’ai aussi exprimé le plaisir absolu que j’avais eu à écouter les autres, les guider dans leur propre cheminement, une véritable révélation.

La deuxième étape était consacrée à donner pendant 5 minutes chacun un feedback aux trois autres participants de son groupe, en petit comité. Le premier choc a été de lire dans les yeux parfois embrumés des mes interlocuteurs à quel point le retour honnête que je leur donnais touchait des points sensibles, différents, pas antagonistes mais complémentaires de ce qui était dit par d’autres. Lorsqu’est venu mon tour d’écouter, après avoir pris comme chacun une grande respiration, alors que je m’attendais à entendre parler de distance, de discrétion, de trop grande réserve, j’ai entendu la description de moi la plus proche de qui je crois être vraiment. Tout en m’éclairant sur les réactions que je suscite, que j’interprète mal. Tellement incroyable que je me suis mordu les lèvres pour ne pas pleurer.

La troisième étape a sans doute été la plus étonnante : elle consistait, dans un mode « Speed dating », à dire en 1 minute à chaque interlocuteur défilant en face de soi son élément de force et l’élément à travailler pour être un bon leader. Les deux enseignements convergents ont été que j’avais un point de vue assez clair sur des gens que j’avais pourtant parfois seulement croisé sans vraiment échanger et que ceux-là même confirmaient ce qui venait de m’être dit dans mon groupe de travail qui me connaissait bien. La force de la première impression est absolument gigantesque, je ne suis pas sûr de vouloir m’en souvenir.

La quatrième étape a consisté à commenter pendant quelques minutes, à tous, les enseignements et le bilan qu’il tirait de sa semaine. Et c’est vraiment submergé par l’émotion (sans savoir si ça se voyait vraiment) que j’ai pris la parole.

Mon instinct me dit que si je m’arrête là dans le récit de cette formation sans préciser les raisons de mon émotion, ce n’est pas très courageux ni instructif. Je sais aussi que si je donne trop de détails sur ce qui m’a été dit, je rentrerai dans un processus d’exposition aussi impudique que prétentieux.

Le meilleur compromis est peut-être de partager ici le bilan que j’ai déjà partagé (en anglais) avec les autres participants, avec mes mots (traduits, donc) plutôt que les leur :

« J’ai beaucoup appris de cette semaine, d’un point de vue technique d’abord avec des enseignements qui influeront sur mon comportement notamment pour devenir un meilleur coach. Cette formation m’a permis d’identifier des actions pour mise en oeuvre immédiate, ce qui était mon objectif prioritaire. Ce qui aurait d’ailleurs suffit à faire de cette semaine un investissement en temps utile.

Mais j’ai compris beaucoup plus que ça. Sur l’image que je renvoie, sur la façon dont ma personnalité impacte les attentes que les autres ont vis à vis de moi. Vous m’avez dit que ma réserve est avant tout une force qui ne m’empêche pas d’être très présent, d’apporter une contribution qui vous a parue précieuse, que vous attendiez et preniez systématiquement en compte.

J’ai réalisé que mes paradoxes étaient très lisibles, perçus comme un équilibre riche, étonnant mais très assumé entre l’analytique et l’émotionnel, l’enfermement dans ma propre bulle et l’intérêt pour les autres, la discrétion et la capacité à rentrer immédiatement dans l’intimité, la volonté de donner peu qui donne envie de savoir beaucoup tout en respectant la distance que j’impose. Un équilibre tellement assumé qu’il est confortable pour les autres. Tout ce que je classais parmi mes points de faiblesses (assumés) et parfois mes failles (subies), vous l’avez fait émergé comme une force que vous m’enviez.

Je comprends aussi que mes points de vue souvent décalés, exprimés en peu de mots, créent de l’intérêt et de la frustration, l’envie d’en avoir plus, plus souvent. J’ai plus conscience de la frustration créée que de l’envie suscitée. Et surtout, vous m’avez dit que s’il faut partager plus, c’est contrairement à ce que je crois pour m’imposer moins de pression, prendre moins les responsabilités, pour me créer un confort dans ma vie personnelle si j’ai déjà trouvé celui de ma vie professionnelle. Ce que je dois changer, c’est la pression que je me mets, celle qui empêche de nourrir de plus de plaisir la contribution que j’apporte.

Pour être franc, je ne sais pas ce que je vais en faire, je ne suis pas sûr de pouvoir ou même vouloir changer ça. Cette pression fait partie de mon équilibre. Mais ça éclaire immédiatement des comportements ou des commentaires que je ne comprenais pas toujours autour de moi. C’est tout simplement énorme et bouleversant. Alors MERCI à tous. I mean it ».

Schizophrénie

Tout a commencé en 2008. J’avais pratiqué le blog marketing, la rubrique « séries télé » d’un site, la curation d’articles professionnels, le relais de points de vue en anglais sur un twitter alors largement ignoré des français… J’avais exprimé un peu mon envie d’écriture en publiant quelques billets plus personnels. Mais je m’étais surtout composé un écosystème de représentation en ligne. Utile, et finalement souvent assez ennuyeux.

C’est avec la montée en puissance de Twitter en français et de la diversité de mes followers que j’ai pris une grande décision : dorénavant, je montrerais une partie de ce que je suis. Vraiment. Sans recherche de bénéfices particuliers. De la contrainte allait naître la liberté : puisqu’il devenait impossible de composer avec le croisement d’univers si divers -professionnels, personnels et amicaux-, autant ne composer avec personne. La seule limite (de taille) était d’échapper au conflit d’intérêt qui servirait la cause d’un client sous couvert d’avis personnel.

Assez vite, j’ai compris que l’envie de m’amuser primait. Une représentation assez fidèle de ce que je suis dans la vie quand je ne suis pas en représentation. Sans doute justement pour compenser un métier aussi exigeant et parfois pesant que passionnant, alors que mon blog était devenu un exutoire pour des sujets de plus en plus personnels, souvent noirs. Sur Twitter, je serais donc léger. Celui que seuls quelques-uns de mes amis connaissent.

J’ai rapidement et volontairement oublié que des collègues, des clients, des prospects, des candidats, des journalistes, des recruteurs potentiels ou encore des « influenceurs » me lisaient. J’ai considéré que les échanges qui se créaient avec eux dans cet univers virtuel y resteraient. J’ai créé une ligne de démarcation qui m’a souvent évité le périlleux exercice de débuter une conversation sur Twitter pour la prolonger dans la vraie vie. Tous ceux qui ont essayé se sont essuyé une fin de non recevoir. J’ai ignoré les remarques évoquant des « dommages collatéraux sur mon image professionnelle ». J’ai aussi refusé les concessions qui auraient pourtant servi ma popularité supposée : « je te suis sur Twitter si tu arrêtes avec tes livetwitts d’émissions débiles ».

A l’arrivée, je crois que ceux qui ne me connaissent aujourd’hui que sur Twitter m’imaginent écervelé, drôle, accro à la télé, bobo, plutôt sympa, assez superficiel, égocentré, ouvert et accessible. Alors que les lecteurs de mon blog voient sans doute quelqu’un d’un peu torturé, compliqué, renfermé, réflechi, égocentré et distant. Et comme tout le monde, je crois être un mélange de tout ça. Je l’ai juste séparé par espace d’expression, un peu comme un schizophrène l’exprimerait mais de façon pathologique, au même endroit et dans la vraie vie.

J’ai eu plusieurs échanges récemment qui m’ont fait m’arrêter sur le sujet. Un premier sur la nécessité d’exprimer son égo quand on passe son temps, en tant que manager, à l’écraser. Ensuite une conversation sur ce que « être vraiment soi » signifie. Enfin un débat sur le moteur lié à l’envie de se répandre sur Internet en frôlant trop souvent l’impudeur.

Il arrive toujours le moment où je m’interroge sur le sens de tout ça, où je me demande si je ne devrais pas mettre de la mesure et si, dans les quelques cas de communication sensibles que je gère, ce ne pourrait pas être utilisé contre moi. Je suis d’ailleurs souvent encouragé à plus de mesure par mes proches qui n’ont sans doute comme seul objectif que de me protéger. Il me reste à comprendre de quoi je dois me protéger.

I’ll be right back. Or not.

Voilà, ça fait plus d’un mois que je n’ai pas écrit ici. En 6 ans, ça ne m’était jamais arrivé. JAMAIS.

J’aurais pu trouver un mot d’excuse, un truc un peu classe qui montre bien que je m’en veux de laisser en jachère cet endroit que j’ai bichonné tant d’années. Et j’aurais pu utiliser le même pour ma page sur Le Plus du Nouvel Obs. Quelquechose du genre…

Seulement, l’histoire, c’est que je m’en tape un peu. Parce que j’ai l’impression d’écrire et d’échanger beaucoup sur Twitter, sur Google + et un peu sur Facebook. J’écris beaucoup sur mon métier pour mon travail. Et j’ai beaucoup trop parlé de moi en 6 ans.

Je n’ai plus rien à dire. Mais ça reviendra.

Gourmandises honteuses

On pourrait parler de Madeleine de Proust. Ou de souvenirs d’enfance. Mais il s’agit en fait de gourmandises un peu honteuses qui doivent forcément parler à d’autres que moi. Même si leur fonction première n’était pas exactement de ravir les papilles. En voici mon Top 3.

3. Timbres scolaires

Ils laissaient sur la langue un petit goût sucré qu’on ne retrouve plus aujourd’hui. On détestait tous la maîtresse lorsqu’elle nous obligeait à utiliser une éponge pour coller ces timbres scolaires sur un enveloppe. J’ai probablement dépensé une partie de mes économies d’enfant dans des timbres juste pour pouvoir les coller.

 2. Colle Cléopatre

On n’a jamais dit que mes gourmandises étaient originales. L’odeur d’amande douce de la colle Cléopâtre nous renvoie forcément tous à notre enfance. J’ai passé des heures à la sentir. Je ne savais pas qu’elle était comestible et me cachait donc pour la goûter. Elle existe toujours aujourd’hui, dans une boite moins onéreuse.

 1. Pastilles Solutricine Vitamine C

La plus honteuse et la plus gourmande de toute. Parce qu’elle me poussait à faire semblant d’avoir mal à la gorge pour y avoir droit. Les pastilles au goût d’orange sont toujours en vente, le plastique ayant remplacé le métal de la fameuse boîte rectangulaire. Une version sans sucre est désormais en vente libre (sacrilège !).

 

Avant la technologie

En 2012, je m’apprête à fêter mes 20 ans. De travail.

En 1992, j’apprenais le métier que je fais encore (un peu) aujourd’hui. Avec un équipement et un rythme assez différent de ce qu’on connait aujourd’hui : j’ai connu la magie de la communication avant la technologie et Internet.

Mon quotidien était celui d’un assistant attaché de presse en agence. Ma mission préférée était de rédiger des communiqués et dossiers de presse. C’est donc avec mon plus beau stylo que je me lançais dans des envolées lyriques pour évoquer le débarquement des forces alliées en célébrant l’anniversaire des briquets Zippo ou donner des idées cadeaux issus des magasins Soho pour la Saint Valentin. Après relecture et validation par ma boss de la version papier, j’attaquais la retranscription sur un Mac dont l’écran de 13 cm affichait rarement d’autres couleurs que le vert à l’allumage. Je tapais à deux doigts, rythmé par le bruit du canard à chaque fausse manip. 30 minutes pour rédiger, 2 jours pour retranscrire, un bon petit rythme.

Après finalisation du document, j’étais en charge de son impression en 1000 exemplaires chez mes potes de Copy Top puis l’assemblage et la mise sous pli dans des enveloppes marquées d’adresses écrites à la main « pour créer de la proximité ». De toute façon, les coordonnées des journalistes étaient compilés dans de grands classeurs qui ne permettaient pas vraiment l’impression d’étiquettes. Un affranchissage et un détour pour la poste plus tard, ma prose n’avait finalement mis qu’une bonne semaine pour atteindre les rédactions. Le tout en respectant les délais de bouclage : pour la Saint Valentin, c’est en octobre que les informations partaient aux mensuels. La seule capacité à anticiper 4 mois à l’avance rappelle à quel point je parle d’un autre siècle…

Venait alors le temps des « relances journalistes ». Perdus sous des montagne de courrier qu’ils avaient arrêté d’ouvrir depuis longtemps, malgré les efforts que nous mettions à rendre nos dossiers attrayants même empilés sur un bureau, les journalistes accueillaient mes appels avec une humeur variable. Ce que je préférais, c’était les relances pour Vanity Fair, une marque de lingerie branchée qui m’entrainait dans des discussions surréalistes avec la presse féminine sur les avantages de telle ou telle texture pour un soutien-gorge. On passait des heures au téléphone. Moi qui répétais mon texte avant d’appeler pour prendre un rendez-vous chez le dentiste quand j’étais ado, je me retrouvais à appeler des inconnus avec le challenge d’obtenir une conversation plutôt qu’un monologue de marchand de tapis. A cette époque, une bonne cinquantaine de journalistes sont devenus des amis, ce qui m’a permis de nourrir le plus beau cliché de l’attaché de presse : « Ma chérie, ça va toi en ce moment ? Ca s’arrange avec Patrick ? Faut ABSOLUMENT qu’on dej… Et sinon, tu travailles sur quoi en ce moment ? Parce que j’avais pensé pour ta fameuse page rouge annuelle à un sublime stylo plume carmin que tu vas ADORER, je te l’envoie par coursier dans les 2 jours. Bien sûr je t’écrirai la légende qui va avec ma chérie, je sais que tu as beaucoup de travail« .

OK, j’en rajoute mais c’était de cet ordre là. Quand je faisais bien mon travail, plein de retombées presse arrivaient de l’Argus de la presse, découpées à la machette dans de grandes enveloppes cartonnées. Je devais alors tout redécouper, souvent aller acheter l’original en kiosque pour récupérer un bout de l’article oublié et coller dans de grands classeurs sur du papier Canson noir jet.

L’absence de mail créait un rythme différent en particulier en cas de traduction : nous recevions par la poste une disquette qu’il fallait envoyer chez un traducteur choisi plutôt à Paris pour gagner un peu de temps. Lors des salons et l’émulation qui va avec, nous recevions en quasi temps réel les drafts par fax, pas le temps d’attendre la poste pendant 24 heures, les versions françaises étaient alors travaillées sur place par un traducteur qui venait s’installer dans l’agence quelques jours.

Les 3 premières années de ma vie professionnelle se sont donc écoulées sans que j’ai vraiment l’opportunité (ni le besoin) d’apprendre à taper sur un clavier avec plus de 2 doigts, le téléphone collé aux oreilles du matin au soir. Etonnamment, je ne me souviens pas de la première fois que j’ai utilisé Internet et les emails dans mon travail et j’ai mis du temps avant d’en mesurer le bouleversement dans mon quotidien. Je regrette parfois son charme désuet, j’avoue.

Révélation

Depuis quelques semaines, j’enchaîne les voyages en avion. Ma consommation de lexomil a donc augmenté proportionnellement, les comprimés sécables s’étant imposés dans la gestion approximative de ma phobie croissante des aéroports, du décollage, des turbulences, des tenues bariolées des hôtesses (dans le désordre).

Sur le chemin de Pékin depuis Chengdu, j’ai eu la chance de voyager à côté d’un PNC chinois qui a su capter la nervosité que je croyais pourtant dissimuler mieux que personne en public. Je pense que c’est au moment où un téléphone s’est mis à sonner en plein décollage que la panique a pu se lire distinctement, en particulier au travers de ma recherche active d’un comprimé supplémentaire. Mon voisin s’est penché vers moi pour m’expliquer dans un anglais aussi parfait qu’apaisant « est-ce que vous pensez vraiment que si le moindre appareil électronique pouvait perturber le fonctionnement d’un avion, on laisserait les passagers à portée de leur téléphone après les avoir dépouillés de la moindre allumette avant de mettre un pied dans l’avion ? ».

Je ne saurai jamais si c’est grâce à la double ration de lexomil ou à l’implacable logique de la révélation que je me suis senti immédiatement rassuré. J’ai dormi pendant les 2 heures de vol pour fêter ça.

Je suis convaincu par l’expérience et je demande un membre du personnel navigant à proximité pour l’intégralité de mes prochains voyages en avion. Il doit bien y avoir une compagnie dans le monde qui propose ça, non ?

Complainte du vieux réac

J’avoue que je suis un peu déçu. J’avais pourtant tout mis en oeuvre depuis quelques mois pour me faire défoncer sur les réseaux sociaux par tout ce que le web compte de plus hype. A l’arrivée, c’est un echec total. Ma posture de vieux réac n’a pas provoqué le moindre petit twitt de désapprobation formelle, tout juste quelques étonnements polis. Alors que tout n’était pourtant pas que du 15ème degré.

Je passe sur les quelques exercices de styles qui consistaient à répondre face caméra au détour d’un salon à la question : êtes-vous un convaincu du web ? Je travais juste rafraichissant de répondre « non ». Pour le plus sérieux, j’ai suivi le processus avec la rigueur d’un métronome.

1/ Un message central immuable : « le web ne peut être le lieu unique de faire progresser les idées. Il tend même parfois, en les survolant, à les faire régresser. Et quand elles existent, les discussions sont au final peu contributives, à faible valeur ajoutées ou quasiment pas lues. Dans ce contexte, délaisser le débat dans la vraie vie est une erreur. »

2/ Marteler le message à chaque occasion. Lors de conférences, d’interviews ou de simples conversations, quelle que soit la question. Quoi de neuf ? Que pensez-vous de la recherche de fans sur Facebook ? Comment va le business ? Vous voulez faire quoi plus tard ?…

Pour voir ce que ça donne, un exemple avec la réponse à la question de Fadhila qui m’interrogeait sur mon rapport à l’échec :

Dans un autre style, la même démarche pour nonfiction.fr sur la communication politique :

A l’arrivée, j’ai suivi ma résolution et pu mesurer sur pièce la puissance de progression des idées dans la vraie vie, identifier le meilleur moment pour leur faire bénéficier des moments d’accélération et massification permis par le web. J’ai modifié en profondeur les stratégies proposées à mes clients en croisant beaucoup plus subtilement le traditionnel et le digital. Je me suis même mis en opposition avec certains annonceurs qui déplaçaient les investissements du traditionnel à du 100% réseaux sociaux, d’un extrême à l’autre. Et j’ai regardé depuis quelques semaines de nouveaux espaces qui pilotent mieux le débat en tentant de l’éclairer et le tirer vers le haut (en attendant Newsring…).

Je vais pouvoir revenir à des points de vue plus mesurés, beaucoup plus « intéressants », sur le dernier outil web à la mode pour mesurer l’influence ou l’infographie des pages de marques bénéficiant du plus de followers. Il ne faudra pas s’y méprendre, le vieux réac incompris que je suis quand même un peu sera toujours là, sur le web et ailleurs.

 

La non fièvre du samedi soir

La médecine d’urgence et moi avons depuis longtemps une relation compliquée. Pour faire court, il y a toujours au moins un moment où je me fais engueuler par un monsieur en blouse blanche alors que je suis de toute évidence dans une situation de faiblesse. La faute à mon métabolisme qui refuse de s’exprimer dans les pires moments, ceux où un petit signal d’alerte s’avérerait assez utile.

D’aussi loin que je me souvienne, je ne crois pas avoir déjà eu plus de 38 degrés de température, même lorsque techniquement, « ce n’est pas possible ». Mon corps choisit donc de me faire passer pour un menteur histoire d’induire en erreur un éminent membre du corps médical. Je sens bien qu’un exemple aiderait là…

En 1992, j’étais depuis quelques mois à Paris, mon médecin du moment avait décrété que le moyen de soigner mes maux de ventre chroniques depuis 1 mois s’appelait Spasfon. A la troisième visite la même semaine, la douleur restait diffuse mais de plus en plus forte, pas la moindre montée de fièvre, je sentais mon nouveau médecin parisien désemparé. Dans une réaction totalement post-adolescente,  en sortant du rendez-vous, je ne suis pas passé à la pharmacie chercher mon Ultra levure et j’ai choisi de foncer à la gare pour rentrer chez mes parents et consulter le médecin de famille.

Arrivé en gare de Besançon, j’avais eu 4 heures pour comprendre que la douleur était en train de se localiser pile au niveau de l’appendicite. C’est donc plié en deux que ma mère m’a conduit directement aux urgences où on m’a tranquillement mis un sac de glace sur le ventre, le temps d’attendre l’opération le lendemain matin (je passe sous silence le doux moment du toucher rectal qui fait hurler de douleur, juste pour tenter de conserver un minimum d’élégance).

Tout ce dont je me souviens au réveil, c’est un chirurgien visiblement pas content avec une envie irrépressible de me crier très fort dessus. « Vous avez été complètement irresponsable de prendre le train dans cet état, monsieur. On a ouvert, c’était pas beau à voir, je préfère vous le dire tout de suite. Une péritonite aigüe, y en avait partout, qu’est-ce que vous avez attendu pour consulter ? Vous vous rendez-compte que vous auriez vraiment pu y passer ?« .

Evidemment, dans ma tête, les questions se bousculaient : pourquoi je me fais engueuler ? qu’est-ce que j’ai fait comme connerie ? Pourquoi m’avoir laissé attendre une nuit entière pour m’opérer si c’était aussi urgent ?… Plutôt que de me donner des réponses, mon chirurgien commençait à m’énumérer les symptômes que j’avais FORCEMENT ressenti et qui auraient du m’envoyer direct aux urgences parisiennes. J’ai bien essayé de promettre que j’avais pris ma température et que j’étais à 37,5 mais ça n’avait convaincu personne, j’ai donc juste attendu que ça passe sans rien répondre, un peu hagard. Et me suis souvenu que c’était mon destin de me faire engueuler par un médecin en cas d’urgence.

Du coup, hier, quand je me suis pris une engueulade de 15 minutes par le médecin régulateur au téléphone, j’étais plus décontracté que la fois d’avant et bien moins que la prochaine. Que j’attends avec une impatience toute relative, ceci dit.

 

Comment j’ai raté ma rentrée série 2011

Tout était prêt : la liste de mes envies sur la base des castings, bandes-annonce, premiers bouche à oreille… Mais voilà, le mois de septembre m’a réservé un emploi du temps dévastateur qui ne laisse même plus de place à la découverte nocturne des nouveautés de l’année et de nouvelles saisons de quelques vieilleries que je n’ai toujours pas lâché (comment rater le dernier tour de piste des Desperate housewives ?).

En plus de missions professionnelles aussi inspirantes qu’aspirantes, voici la liste des « responsables ».

Des vacances en Italie : je reste subjugué par la méconnaissance des français de la Côte Amalfitaine, ses maisons accrochées dans le vide au milieux de falaises vertigineuses, l’Ile de Capri qui ajoute aux atouts de la Corse un charme quasi Fellinien très années 50, ses antipastis inoubliables. Une semaine hors du temps.

Des fêtes anniversaire de rentrée : alors que Direct Star fêtait son premier anniversaire 2 jours avant l’annonce de son rachat par Canal +, Paris Première fêtait en grande pompe avec le tout Paris son 25ème anniversaire au Grand Palais. J’avais déjà fait les 20 ans. Paris Première, c’est ma chaîne préférée : manger des gaufres et des barbapapas avec quelques amis journalistes et les stars de la chaîne en revisitant quelques-uns de ses grands moments m’a entraîné très tard dans la nuit. Plus inattendu dans la catégorie anniversaire, l’Efap fêtait ses 50 ans, l’occasion de croiser des anciens célèbres, des anciens qui sont devenus des amis, des anciens de ma promo 20 ans plus tard.

Le trophées de femmes en or à Nice : pour la 19ème fois, les femmes les plus remarquables dans des catégories très différentes (des médias à la recherche) étaient récompensées à Nice dans une ambiance très people, choyés pendant 3 jours dans un Palace local avec au programme activités détente, transat, dîner et déjeuner avec Adriana Karembeu, Mimie Mathy, Irma, Patrick Sabatier, Charlotte le Bon, Didier Gustin, Louis Bertignac, Michèle Bernier… Témoin privilégié avec quelques amis journalistes, on n’a pas évité de prolonger la nuit dans un Casino et très tard sur la piste de danse.

Avant-première cinéma : parmi les nouveautés, j’ai pu assister à l’avant-première de « The Artist » avec une belle idée de moderniser le film muet qui ne tient selon moi pas toutes ses promesses. Si le casting est impeccable, j’avoue avoir été d’avantage emporté par Bérénice Bejo dont on parle peu que par Jean Dujardin que j’aime pourtant bien. Une mention spéciale va au chien, pour lequel un César spécial devrait être créé.

Avant-première télé : assister dans la salle à l’enregistrement de Sing-Off fait prendre la mesure de l’émotion qui se dégage de voix a capella, en harmonie et en liberté. Un format de télé crochet qui évite la tension de la télé réalité pour se concentrer sur le plaisir. 90% passe à l’écran lors des diffusions le samedi soir. Pendant toutes la semaine, les journalistes media qui avaient soutenus mollement le programme ont regretté la faible audience de la première édition de très bonne facture. Bonne nouvelle, l’émission est désormais disponible sur Pluzz en replay donc, rattrapez votre retard et faites la fête à Sing-Off. Et espérons que les magazines télé oseront donner la couv’ aux programmes qu’ils défendent plutôt qu’à ceux qui font de l’audience.

Rencontre : dans une catégorie moins festive mais sans doute plus utile, déjeuner avec l’équipe dirigeante de l’ICANN venu présenter le principe des nouveaux noms de domaines pour les grandes organisations. Adieux .com et .fr, bonjour .prland (dès que ce sera une grande organisation). Les avis dans la salle sont contrastés mais l’impression de rencontrer avec les vrais maîtres de l’Internet dont personne ne parle est bien réelle. Comprendre comment ça marche demande un effort nécessaire dès maintenant, les échéances sont proches, cliquez sur le lien ci-dessus.

J’anticipe un mois d’octobre un peu plus calme (à part un voyage à Hong-Kong quand même…) qui devrait me permettre de découvrir enfin les séries les plus excitantes. Mais il va me falloir un guide pour gagner du temps et faire les bons choix.

Donc osons la question : c’est quoi les nouveautés série aux US à ne pas rater ?