Le marché des RP est étonnant et recouvre un certain nombre de paradoxes, en particulier en France. Je ne connais pas d’acteurs du marché pour lequels ces paradoxes n’impactent pas leur vie professionnelle et personnelle. S’il fallait les résumer en quelques points (et ne pas produire une note indigeste de 60 pages), je dirais pour décrire les RP qu’elles constituent une discipline :
Incontournable et contournée
Que ce soit pour de bonnes ou de mauvaises raisons, les RP sont devenues un passage obligé pour les entreprises et les marques. Les mauvaises raisons peuvent être de plusieurs ordres, la pire étant probablement : "pour cause de limitation budgétaire qui ne permet pas d’investir dans une campagne de pub, on fait des RP". Il n’en reste pas moins qu’elles restent le plus souvent mal considérées au sein des organisations, entre la dernière roue du carosse et l’activité fun qu’on prend en charge pour se faire plaisir. Bien sûr les choses changent, doucement.
Sur-évaluée et sous-évaluée
Selon les cas, on attend des RP qu’elles veillent à la réputation de la marque, de l’entreprise, qu’elles fassent vendre, qu’elles résolvent des situations de crise, qu’elles définissent la stratégie visible de l’entreprise, qu’elles constituent un effet levier pour faire passer des lois ou qu’elles investissent tous les champs de la communication interne. Or, si elles y participent, elles ne font certainement pas tout. Dans le même temps, il est communément acquis que les RP ne coûtent pas cher comparées à d’autres disciplines. Certains pays sont en la matière plus mal lotis que d’autres, la France se situe au niveau de la moyenne basse européenne. L’impact se fait sur les budgets en interne, dédiés aux agences et évidemment les salaires. Je trouverais assez normal de rémunérer des professionnels des RP de haut niveaux au moins autant que des experts marketing, ce n’est malheureusement pas le cas.
Marquée par la professionalisation et l’improvisation
Les techniques liées aux RP existent mais l’activité repose globalement sur quelques aptitudes (être vendeur, bon rédacteur, aimer communiquer…) et beaucoup de bon sens. La dérive qui va avec se révèle dans la typologie des professionnels des RP dont le niveau s’étend du professionnalisme le plus pointu (années d’expérience terrain et stratégiques à l’appui) à l’amateurisme le plus total (enfermé dans le placard doré de l’entreprise). Mais sur ce point, par le biais de la multiplication des écoles, des programmes de formation continue, de la montée en puissance des agences, les choses changent, vite.
Mal comprise et perçue comme une évidence
Combien d’entre-nous ont définitivement abandonné l’idée de faire comprendre à leur famille ce en quoi consistait leur métier ? Mes parents continueront longtemps à penser que je fais de la pub, c’est bien comme ça. Dans la vie de l’entreprise, c’est plus compliqué : la situation la plus banale est de devoir expliquer à un patron ou un client un métier qu’il croit connaître (forcément, il lit l’Express et son cousin est le beau-frère d’un journaliste) mais comprend mal (forcément…).
Multiple et unique
Qu’on parle de Relations Publiques ou Relations Presse, de stratégies d’influence ou de bureau de presse, de lobbying auprès de cibles sensibles ou de carnet d’adresse de journalistes ou VIP, d’initiateur de tendances ou d’intégrateur dans les sujets hype du moment, d’événement ou de conférences de presse, on parle de RP. On admettra qu’il s’agit de métiers complémentaires mais différents, somme toute d’un métier mal défini et à géométrie variable. A tel point que chacun défend sa définition des RP, participant ainsi au flou ambiant.
Une sous-représentation dans les médias en France
Là où des supports tels que Holmes Report et des rubriques consacrées au sujet dans le FT ou le WSJ démontrent à quel point le marché est considéré dans les pays anglo-saxons, les médias français traitent peu le sujet. La PQN ignore (confondant pub et RP), CB News et Stratégies font du service minimum (un supplément annuel toujours très controversé et des newletters qui jouent les passe-plats). Seules exceptions, notables, le magazine Influencia et la newsletter associée qui constituent le seul rendez-vous régulier intelligent sur le métier, avec en prime une clarté, un niveau d’analyse et un décryptage des tendances uniques sur le marché. Si on regarde du côté des prix (dont j’ai déjà parlé ici), des associations (évoquées là) et des événements (dont je parlerai forcément à jour), le constat est encore plus accablant.
Pour être clair, ces paradoxes font aussi le sel de ce métier qui recouvre en plus des aptitudes déjà citées une bonne dose de sens de la pédagogie. On fait pas tous les jours un métier facile mais tellement passionnant qu’on y passerait ses week-ends. D’ailleurs, là, j’y retourne, c’était juste ma pause déjeuner…