Il y a quelques mois, je m’engageais dans un débat à distance à l’occasion de la quatrième édition du rendez-vous Communauté consacré à la Social TV. Dans un format Twitter forcément raccourci, j’y exprimais mon agacement devant un traitement auto-congratulant ronronnant d’une opportunité que les chaînes françaises me semblent prendre mollement. Les initiatives de la Social TV depuis 3 ans se sont multipliées, elles m’ont amusées sans me convaincre complètement, persuadé qu’elles devraient faire plus, autrement, dès maintenant. Je vais essayer de développer un peu plus les raisons de mon agacement.
Un business model en question
Jusqu’à nouvel ordre, le business de la télévision privée est régi par une unité de mesure quasi unique : l’audience. Les chiffres de Mediametrie déterminent la valeur du spot publicitaire pour les annonceurs. Les programmes sont disponibles en replay sur des plateformes web ou des applications pilotées par les chaînes sans que leur d’audience ne pèse réellement dans la balance et en y recréant le modèle publicitaire de la télévision (avec des coupures publicitaires le plus souvent à la hache, au milieu d’une phrase).
Dans ce contexte, les chaînes investissent dans un community management propriétaire dont l’impact sur l’audience n’a jamais vraiment été démontré. Il suffit de comparer les cartons sur les médias sociaux (Les Anges de la Télé Réalité, Confessions Intimes, Secret Story…) et les audiences (sur les séries françaises et américaines notamment) pour mesurer le décalage. Audiences TV et social media se rejoignent sur les grands événements tels que la Coupe du Monde ou,en plus récurrent, les quelques grandes marques qui proposent du direct qui créé l’événement telles que « The Voice » ou « Danse avec les stars. Faute de mieux, les chaînes expliquent sans grande conviction leur investissement -limité- par l’attachement à la marque que cela créé avec le téléspectateur. Ca ne suffira pas et il serait possible de faire tellement plus dès maintenant, aller au-delà d’un prétexte à promotion un peu vide de sens.
Des modèles internationaux inventifs peu appliqués en France
A regarder de plus près ce qui est pratiqué en Israël ou dans les pays scandinaves, on mesure combien la télévision française reste timide en matière de Social TV et on se demande comment est opéré le benchmark qui permettrait, faute d’innover complètement, de prendre les meilleures inspirations. Là où on se contente d’inviter les téléspectateurs à « réagir sur les médias sociaux » pour en faire au mieux un relais à l’antenne un peu excluant pour le téléspectateur et le plus souvent pour n’en faire absolument rien, des programmes ont intégré beaucoup plus fortement cette interaction dans l’éditorialisation et la valeur du programme.
Il suffit de regarder The Voice aux Etats-Unis pour mesurer combien d’autres vont déjà beaucoup plus loin pour donner un sens à cette interaction. Étonnamment, la valorisation de cette participation est d’ailleurs terriblement appauvrie dans les transpositions françaises. J’ai compilé dans une vidéo (qui ne passe pas pour raison de droits NBC, je comprends bien) quelques moments qui montrent comment l’interaction peut créer de la valeur intrinsèque au programme ou même dans un écosystème plus large : downloader un titre sur iTunes sert de vote (et créé au passage une nouvelle dynamique sur le marché de la musique en souffrance), les invitations au livetweet sont thématisées, il est possible de sauver des candidats en twittant… On aurait pu y intégrer ces moments où les coachs s’interpellent sur Twitter en incrustation écran, élaborant sur le choix d’un candidat ou jouant d’une complicité très inclusive pour le spectateur.
L’adaptation de Rising Star sur M6, qui n’a pas vraiment fait ses preuves à l’étranger, est annoncée comme une révolution en la matière. On attend de voir.
C’est donc en grand fan de télévision et de media sociaux que j’ai envie de voir les chaînes réinventer vraiment leur modèle et créer de la valeur autour de l’interaction. On peut penser que ça va arriver vite mais en attendant, je reste un peu sur ma faim.
Dans les grandes lignes, je partage ton avis : « Peut mieux faire! » car il y a du potentiel 😉
Mais il faut quand même rappeler plusieurs points.
D’abord, le CSA interdisait la citation des mots « Facebook » et « Twitter » à l’antenne, quand ils sont utilisés en vue d’une promotion des pages des émissions. En janvier 2013, l’interdiction a été assouplie soit une éternité après les autres pays.
En 2013, il y a donc eu un rattrapage des chaînes. Les hashtags sont venus s’insérer à l’antenne. Des dispos digitaux ont commencé à arriver, des applis de second écran … Mais comme pour tout, il y a une phase d’apprentissage et pour certaines chaînes, cette phase est très longue car la greffe ne se fait pas en un jour avec des personnes plutôt habituées à de la comm classique.
A l’époque, pour certains, avoir un dispositif digital social TV était la mise en place d’un hashtag 🙄
Ce qui est clair, c’est que l’écart tend à se réduire entre les chaînes/prods US par rapport aux françaises. Une bonne idée d’interaction arrive la saison suivante ici alors que précédemment il fallait 2 ans au minimum. Les premiers hashtags thémastisés sont apparus aux US début 2013. Fin 2013, la nouvelle Star utilisait les NSoui et NSnon. Puis idem lors des NMA…
ça ne m’étonnerait pas de voir les prochains The Voice & co utiliser les hashtags pour sauver un candidat, ou décider en live du choix de la chanson …
Depuis le début d’année, tu vois clairement une concentration du marché, des annonces structurantes (partenariat Médiamétrie et Twitter pour 2015), des événements TV de plus en plus digitaux … Le marché est en train de comprendre qu’il faut se structurer et que certaines pratiques douteuses (faux comptes, fausses conversations …) ne passent pas inaperçues.
Pour l’heure, je ne comprends toujours pas ce que les chaînes et maisons de production cherchent à faire, à part… de l’écho.
Rien de participatif. Les rares fois où les questions passent par la social TV, il y a des doutes lamentables sur sa réalité (CF. ONPC & autres).
Heureusement que la fonction « mute » existe, parce que pour le moment j’ai l’impression de n’avoir que des nuisances lors de LT. Je n’ai pas spécialement envie d’assister au soirées plateaux TV de mes followings.
On est donc assez d’accord. Et j’organiserai une projection privée du best of The Voice que je ne peux pas passer en ligne pour respecter les droits mais qui dit bien combien on peut faire facilement mieux… 🙂
Phil, je comprends mais si la télévision française garde ce rythme lent de transformation, c’est de mon point de vue la résultante d’une volonté farouche : les dirigeants sont terrorisés devant la puissance des réseaux sociaux et préfèrent faire semblant d’y aller plutôt que d’y aller vraiment. A mon humble avis (que personne ne demande il est vrai 🙂 ), ils se plantent…
L’agence y travaille lentement mais surement 😎
Nous plussoyons sur Darewin 😉
On avait parlé de Cut ensemble, preuve aussi que le genre fictionnel est en train de trouver ses case study, par exemple 😉
Super billet Eric, j’adore quand t’es mechant ;o)
Je te rejoins à 100% sur le point du model, qui est a mon sens aussi La principale raison. Compliqué de remplacer ce satané SMS surtaxé …
Mais si l’on compare le marché US et la FR, il faut tout de meme rappeler 2 points qui peuvent aussi « expliquer » (sans excuser) le retard francais en terme de socialTV…
1/ La taille du marché US… on le dit pour tout mais l’initiative/le test à tout de suite une ampleur différente par- là-bas que par ici.
2/ La manière dont les chaines US négocient leurs droits. Quand en tant que maison de prod, tu vends un format à une chaine US… ils prennent tous les droits TV, web, et souvent même distribution à l’international.
Tu as donc beaucoup moins cette « guerre de tranchée » (il faut dire ce qui est!) entre diffuseur et maison de prod… car l’inconnu fait peur, tu sais 🙂
Tu as complètement raison Damien, et le modèle des droits boite de prod / chaîne fait partie du business model qui doit évoluer sans doute.