It’s more than I can bear

Il y a eu Charlie le 7 janvier 2015 puis le Bataclan le 13 novembre 2015. Avec des impacts à quelques dizaines mètres de chez moi. Et quelques proches directement percutés.

Depuis début 2015, il y a eu Tunis, Sanaa au Yemen, Karachi au Pakistan, Ankara, l’Airbus Russe en Egypte, Beyrouth, San Bernadino, le coeur d’Istanbul, Bruxelles, Orlando, l’aéroport d’Istanbul.

On sort de l’Euro et la menace d’attentat qui était dans toutes les têtes, en tout cas la mienne, pendant 1 mois.

Avec à chaque fois la même résignation : « il va falloir s’habituer à vivre avec ça, ce risque permanent. Ne pas s’arrêter de vivre, juste s’habituer ».

Ce soir, il y a Nice. Un 18 tonnes dans la foule. Les témoins utilisent des mots déjà tellement entendus : un cauchemar, un carnage, scène de guerre, état de choc, sentiment apocalyptique… Des numéros d’information pour avoir des nouvelles des proches, des #PortesOuvertes sur Twitter, le « Safety Check » de Facebook. Sachant mes amis en sécurité, je vais me coucher en me demandant « seulement » combien de morts de plus que les 77 déjà annoncés seront affichés à mon réveil. Les chaines et radios d’infos vont tourner en boucle, je ne réussirai pas à en décrocher.

Ce soir il y a Nice. En fait, je vais me coucher en sachant que je ne pourrai pas dormir. Je sais aussi ce qui tournera dans ma tête : « combien de temps je vais réussir à gérer ça ? »

Je mesure l’indécence de parler de son état lorsqu’on est comme moi épargné, qu’on n’a même pas été témoins directs de ces moments d’horreur. Mais je sais aussi ne pas être le seul à me sentir transpercé, dévasté et un peu perdu. Je suis … On est …

En novembre, une psychologue m’avait expliqué la capacité de résilience du cerveau humain. Comment une distanciation émotionnel / rationnel s’opère comme un mécanisme d’auto-défense lorsque le choc émotionnel est trop fort pour être géré.

J’ai aussi réussi à ne jamais m’exprimer publiquement sous le coup de l’émotion, forcément mauvaise conseillère. D’autant plus lorsqu’il s’agit d’égocentrer un choc qui traverse des millions de personnes.

Ce soir est donc une première brèche dans ma ligne de conduite, peut-être une aide à mon mécanisme de protection par la distanciation défaillant. Mais je ne veux pas oublier cette émotion. Je veux réussir à réagir « comme il faut ». Trouver la bonne action, le bon comportement.

J’espère y arriver.

Chanter pour le fun

Depuis tout petit, j’aime chanter. Entendons-nous bien : je n’ai jamais rêvé d’être chanteur, j’ai toujours été assez réaliste quant à mes capacités musicales en général et vocales en particulier. C’est juste que quand d’autres font du yoga ou des balades en forêt pour se détendre, mon truc à moi, c’est de chanter.

Pour ça, il y a eu historiquement le chant en famille puis assez rarement les karaokés dont le côté représentation me gène puis Singstar dont le côté festif à la maison me plait (ceux qui regardent le 20h de TF1 savent). Alors quand j’ai découvert l’application Sing de Smule qui équilibre assez bien l’ensemble, j’ai senti que c’était pour moi.

Le principe est simple : on chante grâce à une app dans son mobile avec des inconnus des chansons juste pour le plaisir de chanter, en lisant les paroles qui défilent sur l’écran. En mode voix ou Image+voix au choix. Pas d’autre enjeu que de passer un bon moment, rien à gagner. Et comme toujours sur un media social qui permet d’interagir, on finit par tisser des liens, trouver ses partenaires de jeu favoris.

A l’arrivée, plein d’enregistrements un peu à la va vite qu’on va pas tous mettre ici hein. Mais si je me mouille pas, c’est tout de suite moins drôle. Donc,

En version voix, il y a :

  • Skyfall avec la québécoise Doudou qui a une voix de dingue (qui me rend ridicule)

  • Pourtant de Vanessa avec MaThieu qui a une voix douce qui détend

  • Beautiful stranger de Madonna avec Leroy qui crie pas non plus et c’est cool

En version vidéo, il y a :

  • Hallelujah, version Rufus Wainwright, avec Genevieve qui a une super voix, des supers yeux et que je kiffe du coup

  •  Seduces me, de Céline Dion, qui me permet de chanter avec Cinderelia qui a une voix de dingue et qui rend du coup très très TRES modeste

  • Et comme je suis pas sectaire, je chante aussi en français pour ma maman avec des des garçons de 25 ans (Strike ?)

Il y en a plein d’autres comme Skyfall, Wrecking ball, Seras-tu là, Hors saison, Mad World, Lucie, On ira (oui oui, du Zaz), Writing’s on the wall, Donne moi le temps, Je t’aimais je t’aime et je t’aimerai, du Madonna, du Mylène, un peu tout ce qu’on ose uniquement chanter sous sa douche habituellement quoi…

Bon, vous venez chanter avec moi ?

L’album qui RESISTE au temps

L’un des bénéfices des plateformes de musique en streaming Deezer ou Spotify, qui permettent enfin au marché de la musique de retrouver des couleurs, est de retomber sur de vieux albums avec effet Madeleine de Proust immédiat.

C’est ce qui m’est arrivé aujourd’hui avec l’album « Paris, France » de France Gall paru en 1980.

Je l’avais complètement oublié, cet album. Le redécouvrir aujourd’hui m’a replongé directement dans l’année de mes 11 ans. Autant dire que j’ai passé une journée spéciale. Je n’étais pas encore un ado, je découvrais les joies des colonies de vacances, ma sœur me racontait ses histoires d’amour, j’arrivais au collège, je voulais devenir le roi du monde, mes parents se demandaient ce qu’on allait bien pouvoir faire de moi, j’étais timide tendance introverti, je rendais dingue ma prof de piano, je séchais mes cours de judo… C’est tout ça, « Paris, France », pour moi.

Cet album, tout le monde le connaît, pour une mauvaise raison : l’énorme méga tube qui est resté dans les mémoires collectives, « Il jouait du piano debout ». Inspiré par Jerry Lee Lewis et pas du tout par Elton John comme tout le monde le disait à l’époque, le titre avait tourné tout l’été à la radio, devenant le tube français de l’année.

Je l’avais aimé 2 minutes ce titre, avant que l’overdose ne me gagne. Ce qui m’avait laissé suffisamment de temps pour me faire offrir la cassette. Et de tomber sous le charme de l’intégralité des autres titres.

Ceux qui me connaissent savent ma passion des listes et des classements. J’ai donc passé chaque moment de cerveau disponible aujourd’hui à refaire le classement de mes titres préférés (en dehors de celui que tout le monde connait, donc) :

1. « Plus haut »

J’ai aimé tout de suite cette balade plutôt optimiste qui, à la mort de Michel Berger, prendra une toute autre résonnance. Je regretterai longtemps de ne pas avoir pu voir France Gall interpréter « Plus haut » sur scène, dans l’une de ses nombreuses réorchestration, comme ici à l’Olympia en 1997.

2. « Bébé comme la vie »

Encore un titre qui a pris de la densité au fil des années. Qui rappelle que la vie est courte. « C’est l’heure de dire où suis-je, quel est ce monde là ? C’est fini déjà. » Je me souviens d’un petit sentiment d’urgence qui m’est resté.

3. « Trop grand pour moi »

Un titre assez noir qui m’avait pourtant laissé en mémoire un optimisme dynamisant. C’est plus l’urgence nécessaire pour découvrir un maximum un monde trop grand que la frustration de ne jamais le découvrir ou de me sentir petit et fragile que j’en retiens.

4. « Ma vieille Europe »

Une charge autant qu’une déclaration d’amour au vieux continent qui reste d’une modernité assez incroyable 36 ans plus tard.

5. « Plus d’été »

J’aimais le rythme, la mélodie et, quelle surprise, le sentiment d’urgence absolue qui s’en dégage. La dimension environnementale ne m’avait pas traversé.

6. « La chanteuse qui a tout donné »

C’est la chanson que je chantais devant ma glace. Comme si j’étais un chanteur déjà désabusé, revenu de la gloire, de la scène, du public ingrat.

7. « Parler, parler »

« Parler de tout et de rien, parler de demain matin, même si ça ne change rien, ça fait du bien d’en parler ». C’était tellement pas moi ! Mais j’aimais bien le côté « ça rentre dans la tête et ça n’en sort plus ». Un autre tube de l’album.

« Les moments où j’aime tout le monde » et « La mort douce » sont les 2 seuls titres qui ne m’ont rien évoqué;: sympa, pas dingue, en accéléré sur la cassette qui aura eu du mal à s’en remettre. Et qui a disparu depuis d’ailleurs.

Autant dire que cette redécouverte en streaming m’a ravi. Et m’a rappelé que j’avais très envie de retourner voir la comédie musicale « Résiste » pour son retour à Paris en mai.

Medium

Ce n’est en rien une nouvelle passion occulte. Plutôt un endroit où je me sens bien. Je vais rester là un moment du coup.

Eric Maillard

En images

Delphine m’a posé des questions dans le cadre de son « Y a pas de secret » et a traduit mes réponses en images. A l’arrivée, un patchwork dans lequel je reconnais assez mes goûts et humeurs du moment, un peu comme un mood board géant. Je sais pas pour vous, mais super agréable à regarder pour moi du coup.

Pour les réponses en version écrite, sur le blog de Delphine, Ladyblogue.

Delphine, je t’emprunte tes images et te remercie pour cet exercice qui flatte parfaitement mon égo 🙂

La vie rêvée sur Instagram pour le meilleur et pour le pire

Elles s’appellent Kyra, Tina, Pia, Juli, Viki ou Rocky, des centaines des milliers de fans suivent leur vie de rêve sur Instagram. Un réseau social qui leur a sans doute permis d’échapper à un destin de top models perdues dans la masse pour devenir de véritables star. Elles sont américaines, russes, anglaises ou suédoises, se sont probablement choisi les prénoms à la hauteur de leur physique. Un plaisir des yeux rendu accessible dans le monde entier par des « stars » qui émergent parfois en quelques jours par les effets d’entraînement dont seuls les médias sociaux ont le secret, avec la complicité des médias traditionnels qui s’engouffrent dans ces mirages.

Beaucoup de filles et presqu’ autant de garçons ont inventé un nouvel idéal pour toute une génération dont on peut redouter qu’elle ne perde quelques repères au passage.

Une vie sublimée

Tant de perfection de vie est étourdissante. Surtout par sa capacité à formater une nouvelle normalité pour de jeunes internautes à la recherche de nouveaux modèles inspirants. Loin du glamour d’Hollywood des années 50 ou des couvertures photoshopées de magazines étalant des mannequins inaccessibles des années 90. Les médias sociaux en général et Instagram en particulier dessinent les nouveaux contours d’un quotidien fantasmé où la beauté physique constitue le critère minimum juste après la jeunesse, les amis sont aussi nombreux que lumineux, les fêtes s’enchaînent, le soleil est omniprésent, les problèmes n’existent pas, l’effort se résume à des visites fréquentes dans les salles de sport ou à des joggings dans des lieux paradisiaques, même les animaux de compagnie sont sublimes…

A la clé, des millions de « followers », des dizaines de milliers de « likes » et de commentaires comme pour valider l’attrait de ce bonheur permanent forcément factice. Les fans se bousculent, les marques y trouvent leur intérêt, tout pourrait aller bien dans le meilleur des mondes.

L’envers du décor

En novembre 2015, la jeune adolescente australienne Essena O’Neill a décidé de réécrire l’intégralité des commentaires de ses « instantanés » pour en raconter les dessous, en décrivant par exemple comment elle n’a pas mangé pendant une semaine pour réaliser le meilleur cliché en maillot de bain.

 

Cette croisade luttant contre les faux-semblants, certes un brun louche car trop marketée, a constitué selon moi l’événement sur les médias sociaux le plus intéressant depuis très longtemps. En criant haut et fort ce dont tout le monde se doutait : tout cela n’est qu’un leurre qui finira par faire imploser ceux qui en jouent ce jeu.

Pendant quelques jours, les médias du monde entier ne parlaient plus que de ça. Ses vidéos qui se sont enchainées, aussi surjouées qu’intrigantes. L’inévitable débat lancé par ses concurrentes a gentiment agité la toile. Avant de passer quelques jours plus tard au sujet suivant, puis celui d’après. Ce qu’il en reste aujourd’hui ? Tout au plus un épiphénomène isolé.

Loin de ralentir la tendance, les « Perfect life girls » se sont encore multipliées et ont investi Snapchat qui accueille désormais ces pourvoyeurs de bonheur factice.

Les garçons aussi

A l’instar du top model allemand Andre Hamann ou du personal trainer Marc Fitt, les hommes se sont également emparé d’Instagram pour prendre leur part de vie rêvée. Des stars s’y sont créées, le couple gay Nick et Justin en constitue l’un des exemples les plus célèbres en prétendant que le bonheur absolu peut aussi exister à deux, dès lors que chacun atteint le même niveau de perfection.

Parmi les phénomènes scrutés, il faut citer le très médiatisé Dr. Mike, mi-médecin, mi-model, « sexiest Doctor alive » selon People magazine, qui élève encore le niveau en ajoutant à la beauté, à la vie de rêve, à un husky aussi sublime que lui, aux séances de sports entre amis glamour et aux soirées VIP, 3 suppléments pas inintéressants : l’intelligence, l’argent… et la générosité. Rien que ça.

Dernier fait d’arme du Docteur devenu star : une invitation à un rendez-vous amoureux à New York, tout frais payé, pour le meilleur donateur au bénéfice de l’association qu’il défend. Peu importe la cause, on peut penser que les dons continent à abonder depuis le 13 janvier et les $25,000 déjà annoncés. L’histoire ne dit pas si les généreux internautes sont constitués d’une grande majorité de femmes ou pas.

Si cette tendance inquiétante pouvait finalement créer des vocations philanthropes, tout ne serait finalement pas si grave. Go, Doctor, Go !

Bilan séries 2015

En 2015, je n’ai pas abordé les séries comme les 10 années qui ont précédé. Par manque de temps ou de disponibilité, j’ai décidé de choisir plus, d’abandonner plus vite des nouveautés décevantes, de me laisser conseiller plus par le bouche oreille.

A l’arrivée, forcément, mon classement manque de surprise, il est court mais particulièrement jubilatoire côté nouveautés. En plein dans l’air du temps : des mini-séries ne dépassant pas 12 épisodes, pas mal de surnaturel, des inspirations très visibles qui font plaisir, des atmosphères globalement pesantes, des surprises permanentes comme j’aime.

J’ai vu peu de nouveautés mais je les ai toutes aimées (à une demi réserve près).

Sense8

En contradiction totale avec ce qui précède et le temps qui m’a manqué, j’ai regardé 2 fois les 12 épisodes de Sense8. Entre les 2, il y a eu le documentaire sur le tournage « Sense8 : la création du monde » qui révèle des secrets de tournage suffisamment intrigants pour donner envie de revivre l’expérience avec un oeil nouveau. Je confirme mon impression en cours de route : la mise en place souffre d’un épisode de trop, seule critique que je trouve à une série qui m’a littéralement transporté et subjugué. Un coup de coeur qui place cette création dans le Top 5 de mes séries préférées de tous les temps.

M. Robot 

Je pense que j’ai été envouté sur ce coup là. Entrer pendant 10 épisodes dans la tête d’un personnage aussi instable qu’autiste constitue une expérience qui ne laisse pas indemne. Le twist est attendu, mais citer le film auquel il fait immédiatement penser en dirait trop sur l’histoire. Le personnage central, Elliott, est sans doute la plus belle création de cette dernière décennie et je n’ai pu m’empêcher de penser que, si j’avais été acteur, c’est lui que j’aurais aimé interpréter.

UnREAL

Je n’attendais rien de cette série. Le pitch sur les coulisses d’un reality show m’a intéressé et je me suis laissé séduire dès les 10 premières minutes. J’y ai reconnu ce que je sais des dessous de ces programmes et j’avais envie du guilty pleasure d’une série un peu facile, au moins en apparence. Au final, j’ai aimé au point que ça m’a motivé pour écrire un billet sur le Plus de l’Obs. C’est dire. J’ai un truc pour les anti-héroïnes, c’est évident.

Wayward Pines

C’est le retour du maître du twist : l’auteur du 6ème sens créé une mini série qui se cherche parfois, qui déçoit un peu mais qui a l’atout de marquer suffisamment les esprits pour y faire repenser souvent. Son inspiration « Le prisonnier » et sa façon de faire disparaître des personnages centraux n’y est sans doute pas étrangère. J’aurais aimé que ça reste un unitaire, pas sûr de regarder la saison 2 qui a finalement été confirmée. Pourtant, je n’ai pas réussi à classer Wayward Pines parmi les déceptions de l’année, j’aurais regretté de ne pas l’avoir vu.

The Leftovers

Je sais, ce n’est pas une nouveauté. Je n’avais pas particulièrement aimé la saison 1 et j’ai donc décidé de regarder (sous la pression de tous ceux qui parlaient de chef d’oeuvre) comme une nouvelle série. Aidé par le choix d’une nouvelle dynamique, de nouveaux personnages, un nouvel endroit. Au final, la saison 2 de The Leftovers est une pépite, un moment de grâce exigeant, douloureux, pessimiste. Une allégorie qui pose des questions pretextes auxquelles on n’attend pas de réponse, le créateur de Lost a réussi cet exploit. La réalisation au plus près des visages capte les regards d’acteurs habités. Si on considère que la saison 1 n’a pas existé, The Leftovers est la série qui entre tout simplement en tête du classement de mes séries favorites, devant Six Feet Under et Breaking Bad.

Il y a encore pas mal de série que je n’ai pas pris le temps de regarder. Celles que tout le monde semble aimer : Better Call Saul (trop peur de la déception d’après « Breaking Bad »), Jessica Jones, Daredevil, American Crime, Master of None, Limitless… Il y a aussi Quantico, The honorable woman, Vicious, Zoo, Blindpost que je ne prendrai probablement pas le temps de regarder alors que je sens un vrai potentiel.

Il y a aussi les séries que tout le monde aime et pas moi. Je pense en particulier à Empire que j’ai essayé 2 fois et qui m’a définitivement ennuyé.

Parmi les retours, je continue à ne pas lâcher Arrow en saison 4 et Scandal en saison 5. Et je mets une mention spéciale à How to get away with murder dont j’ai adoré la saison 2 alors que je m’attendais à une déception majeure.

Et enfin, le départ que je regrette cette année est celui de Downton Abbey dont je suis en train de déguster tranquillement la dernière saison jusqu’au final qui vient d’être diffusé à Noël.

Reconnecter ses émotions

Récemment, j’ai appris que le cerveau humain était suffisamment bien armé pour opérer une mise à distance lorsque la force des émotions dépasse sa propre capacité à les gérer sans causer des dommages. Un laps de temps plus ou moins long mais nécessaire , lorsque le choc change notre environnement durablement, jusqu’à atteindre un stade de délivrance. Ce sont aussi, plus simplement, ces moments qu’on a tous connus : l’impression de quitter son corps pour s’observer ne rien ressentir. Alors que les larmes devraient couler, la peur devrait nous envahir, le bonheur devrait prendre le dessus…

C’est donc une protection totalement inverse à la sous-pape de sécurité dont la nature nous a doté : on attend d’être prêt pour vivre, à retardement, des émotions trop intenses.

Je dois me rendre à l’évidence : j’ai dû par mégarde atteindre l’âge de la sagesse ultime puisque mon cerveau semble super prêt à vivre toutes les émotions sur le moment, sans décalage et sans protection. Ces 3 dernières semaines se sont chargées de m’en informer.

 

 

Le crash test fin 2015

Presque instinctivement, j’ai pris la décision de rentrer chez moi, inquiet à l’idée de me retrouver enfermé dans le restaurant où je me trouvais pour un rendez-vous professionnel. J’avais juste entendu parler d’explosions étranges au Stade de France et d’une fusillade dans Paris. Il était 21h30 ce 13 novembre et alors que j’approchais de chez moi,  l’ambiance devenait vraiment étrange : de plus en plus de sirènes, des pas de plus en plus rapides autour de moi, j’ai senti monter ce sentiment irrationnel puisqu’il ne reposait alors presque sur rien. Et pourtant, ce battement de coeur qui s’accélère, cette attention décuplée au monde bizarre qui m’entourait, je les reconnaissais. Ce que j’ai ressenti, c’était bien de la peur.

Ce n’est pas l’envie qui m’en manquait, dans la nuit qui a suivi. Mais je ne pouvais décemment pas laisser couler les larmes, alors que j’étais entouré de ceux qui avaient vécu la terreur de beaucoup plus près que moi. Recueillir pour une nuit ceux qui s’étaient retrouvés dans ma rue, à proximité du Bataclan, à la recherche d’un refuge que j’avais signalé comme beaucoup sur Twitter #PorteOuverte avait un prix que je n’avais pas anticipé. Après avoir vérifié que mes proches étaient tous à sain et sauf, il ne me restait plus qu’à retenir mes larmes. Ce n’est que le lendemain matin que j’ai pu enfin pleurer devant ma télé. Et laisser aller toute ma tristesse.

Cette journée là, j’ai ressenti pour la première fois depuis vraiment très très longtemps  un sentiment que j’avais oublié. Que j’ai caché en déclarant mon amour à ceux que j’aime mais qui ne le savent pas toujours. En me disant que ces moments de douleur partagée avait au moins la vertu d’effacer une retenue qui ne sert à rien. Sans jamais être vraiment dupe. Ce sentiment ne ressemblait pas à du partage. J’ai pourtant eu la chance de passer cet après-midi là avec un ami qui est venu se prostrer avec moi devant les images en boucle des chaînes d’info continue, puis la soirée très entouré avec quelques-uns de mes très bons amis. Et pourtant, c’était incontrôlable et abyssal. Cette envie de sentir une tête sur mon épaule, des bras dans lesquels me blottir. C’était terrifiant. C’était tout simplement un extrême solitude.

Je crois dans les 3 semaines qui se sont écoulées avoir vécu en temps réel les 5 premières étapes émotionnelles du deuil telles que Elizabeth Kübler-Ross les a décrites : le déni, la douleur de l’ordre de la culpabilité, la colère, le marchandage, la douleur en attendant la reconstruction et l’acceptation. Le tout percuté par des moments de fierté (plutôt professionnels), de fatigue extrême (infligée par des nuits trop courtes), de bonheur d’être autant entouré, d’exaspération un soir d’élection. Un tourbillon que j’espère pouvoir continuer à gérer.

Moi qui m’inquiétais de ne pleurer que devant un mélo efficace au cinéma, je peux être rassuré. La mise à distance émotionnelle ne me concerne plus. Je ne suis pas complètement sûr à ce stade que ce soit une bonne nouvelle.