Où en est-on de l’influence digitale ?

Ce matin étaient dévoilés les résultats de l’étude « Dérives et opportunités de l’Influence Marketing sur Instagram en France en 2019 » réalisée par Influence4You et HypeAuditor. L’intitulé m’a semblé suffisamment ouvert pour justifier le déplacement.

A-t-on réellement progressé au cours des derniers mois ?

Tout d’abord, l’étude propose un état des lieux complets, nourri par les datas puissantes de HypeAuditor, de la réalité des Instagrameurs en France et de leur relation aux marques. Elle refait le point sur les différentes catégories d’influenceurs (du « nano » au « méga ») et ce que chacune représente en nombre.

L’étude aborde aussi de front l’enjeu des « fraudeurs » qui ont utilisé de multiples moyens pour augmenter artificiellement leur communauté et démontre à juste titre que ceux qui sont honnêtes peuvent être impactés malgré eux par ces fraudes. On avait rarement lu un tour d’horizon aussi clair et précis des méthodes frauduleuses à surveiller, très utile. A consulter aussi par les influenceurs en herbe pour leur éviter de tomber dans les pièges du flou artistique répréhensible.

En revanche, de nombreux enjeux n’ont de mon point de vue toujours pas été résolus et fournissent des insights trompeurs aux marques.

L’engagement serait le metrix de référence de la pertinence d’un influenceur

D’abord, l’engagement et les interactions sont toujours considérés comme des mètres étalons, vendus aux marques comme la preuve d’un bon reach et d’un impact puissant dans leur relations aux consommateurs. C’est une contre-vérité, l’engagement mesurant celui de l’influenceur avec sa propre communauté, la marque n’étant qu’un tier qu’il faut mettre le mieux possible en scène aux côtés de l’influenceur. Il manque toujours la mesure de conversion, rendue difficile par la plateforme Instagram (en interdisant les liens dans les posts par exemple). Un post ou une story font-ils acheter, grâce à cette fameuse force de prescription ? Parfois oui, souvent non, c’est ce qu’il est intéressant de mesurer en tout cas.

C’est la conversion, plutôt que l’engagement, qui a réellement un sens pour les marques.

L’impression de trop de partenariats marques / influenceurs serait sans fondement

Là où l’étude démontre que seuls 21% des influenceurs ont mentionné une marque au cours des 180 derniers jours dans leurs posts, elle fait l’impasse sur la donnée la plus importante. Il est à ce jour impossible de plugger dans le système de data les stories, très exactement l’endroit où les partenariats avec les marques sont présents. Cette impression de trop plein est d’autant plus justifiée par la consommation des stories qui a explosé au détriment des posts pérennes.

Toujours surveiller les stories d’un influenceurs avec lequel on s’engage en tant que marque pour éviter de se retrouver noyé dans un océan de marques.

Le profil de l’influenceur serait l’incarnation de la cible pour la marque

Il est intéressant d’apprendre que le profil type de l’influenceur est une femme de 18 à 34 ans. Mais les conclusions tirées pour les marques laissent penser que l’influenceur sera choisi en fonction de son profil correspondant à la cible. S’il doit en effet par son profil s’affirmer comme un ambassadeur légitime pour la marque, le vrai point d’intérêt pour la marque est le profil de sa communauté, celle que l’on va toucher par son biais. Les fans d’un.e influenceur.euse n’en sont pas forcément une réplique. C’est d’autant plus dommage que c’est une valeur ajoutée de HypeAuditor que d’afficher de façon assez précise le profil de la communauté d’un individu, visiblement très bien relayé dans la plateforme d’Influence4You.

Il serait intéressant de profiler les communautés d’abonnés aux influenceurs plutôt que les influenceurs pour infuser les bons réflexes aux marques.

Si l’étude se limite à Instagram à ce stade, ce n’est pas pour laisser penser que l’Influence Marketing ne se joue que sur Instagram. On a aussi pu parler de YouTube, TikTok ou encore Twitch ce matin. Et une étude du même calibre serait en préparation pour YouTube.

Et enfin, l’étude se termine par un classement super intéressant des Méga influenceurs selon la « qualité de leur audience ». C’est parfois surprenant (notamment en pole position) et plein d’enseignements.

La réponse en téléchargeant l’étude ici : bit.ly/HypeInfluence4You2019

Les séries françaises entrent dans le game

Pendant des années, les séries françaises sont sorties de mon champ de vision. Je suis même passé à côté de jolis succès salués par la critique mais qui ne m’ont pas donné envie (« Le Bureau des Légendes », « Engrenage », « Maison Close »…). L’incapacité des acteurs de la SVOD (Netflix et Amazon en tête) à produire du français de qualité n’a pas aidé à créer l’étincelle.

Mais depuis quelques mois, les choses ont changé. TF1, France Televisions et Canal + ont produit des séries qui m’ont captivé ou plus simplement séduit. En faisant le compte aujourd’hui, je me suis rendu compte qu’on ne pouvait plus vraiment parler d’exception en dépassant les 10 coups de cœur.

Les bracelets rouges, Dix pour cent, Skam, Les grands, Hippocrate, Insoupçonnable, Calls, Baron Noir, Versailles, Working girls, Paris etc… Les quelques séries françaises que j’ai aimé depuis 2 ans.

A noter : j’aurais pu parler aussi de « A l’intérieur », la mini-série thriller de France 2 avec Béatrice Dalle que je dois terminer (merci le replay de France Télé). Je n’ai pas aimé quelques succès notables (« Plan cœur » de Netflix par exemple). Et je dois encore découvrir les séries d’Arte « Fiertés » (dispo en intégralité ici) et « Il était une seconde fois » ainsi que la série d’horreur de Netflix « Marianne ». J’ai fait l’impasse sur « Soupçons », le thriller amoureux de France 3 et « Le temps est assassin » sur TF1 dont les premières minutes ne m’ont pas donné envie.

Encore plus réjouissant, au moment de la clôture du Festival de la Fiction de La Rochelle, il devient évident qu’il faudra désormais compter avec les productions françaises. En particulier du côté des mini-séries. Voici un tour d’horizon de ce que j’attends avec impatience avec une sélection de 10 nouveautés à venir qui offre une petite sur représentation à Arte :

  • « Une belle histoire » (France 2) : lauréat de la catégorie « Série de 52 et 90 minutes » à La Rochelle, ça éveille forcément la curiosité, la compétition étant de haut niveau. Il s’agirait d’une variation autour des difficultés de 3 jeunes couples.
  • « Pour Sarah » (TF1) : adaptation d’une série québécoise, une quête de vérité pleine d’émotion mais palpitante au rythme de cliffhangers implacables. On nous annonce le meilleur, réponse dès la fin du mois sur TF1.
  • « Une île » (Arte) : Laeticia Casta et Sergi Lopez, présenté comme une variation moderne sur le mythe des sirènes. Primée à Series Mania 2019.
  • « Le bazar de la charité » (TF1) : à la tête de cette super-production historique, première en partenariat avec Netflix pour TF1, Audrey Fleurot et Camille Lou. Les premiers retours sont mitigés mais les premières images vues m’ont donné envie donc j’essaierai quand même.
  • « Les sauvages » (Canal +) : thriller d’anticipation politique et chronique familiale, la nouvelle série de Canal s’inscrit dans la lignée du phénomène « Years & years ». Peut-être moins désespérée. Marina Foïs, Roschdy Zem et Amira Casar.
  • « Trauma » (13ème Rue) : première production pour 13ème Rue, le casting mené par Guillaume Labbé excelle dans un thriller moderne. Annoncé pour novembre.
  • « Mytho » (Arte) : primée à Series Mania, menée par Marina Hands, les 6 épisodes seront diffusés au mois d’octobre.
  • « Moloch » (Arte) : thriller franco-belge autour d’inconnus qui prennent feu. Il y a Olivier Gourmet, Marine Vacth et Arnaud Valois. Il nous tarde du coup…
  • « Fertile crescent » (Arte) : Felix Moati et Mélanie Thierry plongée dans le conflit syrien
  • « Amour fou » (Arte) : Clothilde Hesmes et Jérémie Renier dans un thriller domestique

C’est donc le thriller qui s’impose comme le genre de prédilection des productions françaises de qualité. Arte devrait devenir l’une des premières chaînes auxquelles on pense quand on parle de séries françaises.

Mais TF1, France Télévisions et M6 en gardent forcément sous le coude pour l’arrivée de Salto auquel je continue à croire malgré les railleries.

On fait le bilan en fin d’année ?

Quelles sont les séries été 2019 à ne pas manquer ?

La question qu’on me pose le plus souvent, c’est : « j’ai fini ma dernière série, je regarde quoi maintenant ? » Voici donc mon classement des 12 séries que j’ai préféré cet été (ok j’ai triché, y en a 14 en fait mais j’ai feinté). Pour cette session, de grandes tendances se dégagent : les mini-séries dominent désormais, on n’est pas là pour rigoler, l’histoire contemporaine est souvent au rendez-vous et en termes de diffuseurs, Netflix est sur-représenté en nombre mais OCS, Amazon Prime et Canal+ dominent le classement.

12. Dark

J’avais adoré la saison 1 pour sa complexité. J’ai été moins emballé par la saison 2 à cause de sa complexité. Trop de personnages, de timelines, d’ellipses. Mais je regarderai la saison 3, il doit donc y avoir encore une part de magie qui fonctionne.

Disponible sur Netflix

12 (ex æquo). Mindhunter

La saison 1 m’avait captivé, la saison 2 m’a également laissé un peu au bord de la route. Je n’ai pas d’explication. Peut-être que les exercices de lenteurs contemplatives ne correspondaient pas à mon mood du moment. J’ai adoré l’épisode avec Charles Manson vu juste après le dernier Tarantino, en complément parfait (et avec le même acteur dans le rôle !). Regardez, tout le monde a aimé !

11. Dead to me

Je n’en attendais pas grand chose. J’aime beaucoup Christina Applegate et Linda Cardellini, ce qui a suffit à me donner envie de regarder. C’est globalement une bonne surprise, les protagonistes sont attachantes en 10 mn. Ca tourne un peu en rond, une saison 2 devra se réinventer.

Disponible sur Netflix

10. Star Trek Discovery

On me l’avait beaucoup conseillée mais n’étant pas très fan de la mythologie Star Trek, je résistais. J’ai donc regardé les 2 saisons d’affilée, j’ai été absolument conquis. On nage en plein space soap opera. Des surprises, des twists, une crédibilité totalement optionnelle mais c’est addictif et l’argent investi par CBS apparaît clairement à l’écran. Vivement la saison 3 !

Disponible sur Netflix

9. Fleabag – saison 2

Plutôt que de découvrir le copié-collé assez inutile produit par Canal + en France (Mouche), j’ai foncé sur la saison 2 de l’originale, toujours aussi inventive et jubilatoire. J’adore !

Disponible sur Amazon Prime Video

8. The Handmaid’s Tale – saison 3

C’est sans doute la saison la plus inégale de l’une des séries majeures de ces dernières années, compensée par quelques moments très forts et un dernier épisode de haute volée. Il fallait avoir vu la saison en entier pour pouvoir la commenter, les critiques en ont fait les frais. En revanche, se renouveler en saison 4 n’est plus une option.

Disponible en France sur OCS

7. Big Little Lies – saison 2

Dans la lignée de The Handmaid’s Tale, Big Little Lies revient pour une saison 2 inégale, qui part dans tous les sens pendant plusieurs épisodes avant de trouver sa voix. Après une saison 1 s’arrêtant sur le rapport mari et femme, c’est au lien mère – enfant que s’intéresse cette saison dont les 2 derniers épisodes sont exceptionnels grâce à des scènes de tribunal parfaitement maîtrisée.

Disponible en France sur OCS

6. Pose – saison 2

La saison 1 était mon coup de coeur de l’année dernière : réussir à rendre une série sur les transgenres avec des transgenres au casting réellement tout public et addictive au casting était un pari impossible mais réussi. Cette saison est plus inégale, certains épisodes semblent bâclés, les limites d’actrices non professionnelles se voient. Mais ça reste un petit miracle de série qui réussit à rendre tous ses personnages attachants. Certaines scènes sont bouleversantes.

Disponible en France sur Canal +

5. Chernobyl – mini-série

C’est un petit miracle : transformer un fait historique que tout le monde a en mémoire en thriller politique plein de suspens teinté de body horror et moments de suffocation absolument incroyable, le tout avec un effet addictif immédiat. Un petit bijou.

4. Dans leur regard / when they see us – mini-série

Un fait divers qu’on n’a pas forcément en mémoire devient une oeuvre palpitante, bouleversante, dont on ne sort pas indemne. Le casting est parfait avec une mention pour Jharrel Jerome qui parvient à interpréter son personnage ado et adulte. Le plateau d’Oprah Winfrey qui suit avec l’ensemble des protagonistes (réels et acteurs) offre une conclusion parfait (où on pleure beaucoup, on ne refait pas Oprah).

Disponible sur Netflix

3. The loudest voice – Mini-série

L’histoire de l’homme qui a fait Fox News m’intéressait, j’ai donc plongé dès sa mise en ligne sur la série. Et c’est un régal. les coulisses politico-médiatiques sont passionnantes et Russel Crowe offre un numéro d’acteur bluffant (pour lequel il sera probablement multi-récompensé). A regarder d’urgence.

Disponible sur Canal +

2. Euphoria

Tout en faisant confiance à HBO pour réinventer intelligemment le genre teen drama, ce que j’avais entendu d’Euphoria me donnait envie de regarder pour pouvoir expliquer pourquoi je n’aimais pas. C’est donc la meilleure surprise inattendue de l’année : un coup de coeur énorme pour une série courageuse et frontale. Elle met en scène une frange à la dérive d’adolescents américains avec comme seul personnage solaire Jules, jeune adolescente en transition. Mais l’adaptation fait preuve d’une exigence rare, d’un regard sans concession (parfois frontal) où chaque plan est millimétré jusqu’à créer des moments d’exceptions, l’un d’eux clôt la saison 1 et restera gravé longtemps avec autre chose qu’un “simple” twist.

1. Years & Years – Mini-série

C’est LA série qu’il faut voir absolument. Elle nous entraîne dans les 10 prochaines années qu’on peut redouter en élaborant notre futur sur les peurs bien réelles d’aujourd’hui. Montée des extrêmes, nouvelles dynamiques géopolitiques (et nouveaux réfugiés qui vont avec), effondrement des systèmes financiers ou encore dérives de la technologie sont notamment au programme. La série de la BBC et HBO, découverte à Canneseries, réussit à insuffler de l’humour (très british) et des bulles festives dans une succession de prédictions aussi terrifiantes que crédibles. Et surtout, même en couvrant en accéléré 10 années en 6 épisodes, on s’attache aux personnages instantanément. L’amateur de séries est comblé, le citoyen est terrassé.

Disponible sur Canal+

Mention spéciale : The Boys

Pile au moment où on se disait que le trop plein de super-héros tuait notre envie de super-héros, Amazon a dégainé The Boys. Sur une idée géniale (et s’ils étaient tous des sales types ?), la série décortique cyniquement le marketing des grands studios, analyse la force de l’image, fait le tour des toutes les distorsions de relations. C’est à la fois jubilatoire et assez flippant mais on adore. S’il n’y avait pas eu « Years and years », c’était la tête du classement. Je ne me résous pas à le mettre en 2. C’est donc une mention spéciale comme au Festival de Cannes. Et pour clore le tout, HBO annonce Watchmen, on peut faire confiance à la prod pour réussir à réinventer encore le genre et nous embarquer…

Si « Killing Eve » saison 2 ne figure pas au classement, c’est que je ne l’ai pas encore vu mais je pense qu’il y trouvera une place de choix. Si « Stranger things », « Casa de papel » et « 13 reasons why » saison 3 ne figurent pas au classement, c’est que je les trouve extraordinairement surcotées.

Je n’ai pas mis au classement deux autres pépites découvertes cet été. « The wire », considérée comme beaucoup comme la meilleure série du monde, que j’aime beaucoup sans la faire surpasser mes vrais séries de coeur (« Breaking bad », « 6 feet under »…). Et « The good fight », que j’avais laissé de côté, pas assez passionné par « The good wife » dont elle est le spin-off et qui se révèle bien meilleure à mes yeux.

Bonne rentrée série à tous !

HBO, Love Brand

Avec Euphoria, mon dernier coup de cœur série, j’ai tout à coup réalisé pourquoi HBO était de loin ma chaîne préférée. Et peut-être la mieux positionnée pour gagner ses galons de Love Brand au coeur de la bataille de la SVOD qui s’annonce.

En réinventant le « Teen Drama » encore mieux que d’autres auparavant (je pense à « Skins »), quitte à trouver son inspiration ailleurs (ici une série israélienne), la série déstabilise, dérange avant de réussir à rendre ses personnages addictifs. Elle met en scène une frange à la dérive d’adolescents américains avec comme seul personnage solaire Jules, jeune adolescente en transition. Mais l’adaptation fait preuve d’une exigence rare, d’un regard sans concession (parfois frontal) où chaque plan est millimétré jusqu’à créer des moments d’exceptions, l’un d’eux clôt la saison 1 et restera gravé longtemps avec autre chose qu’un « simple » twist.

Et c’est bien la promesse de la marque HBO, celle sur laquelle elle n’a jamais déçu : s’approprier un genre (policier, drama, fantasy, sitcom, bientôt super-héros…) et le réinventer. Le faire basculer dans un âge adulte et lui donner un intérêt qui nous nous avait pas forcément capté jusque là (séries girly, l’univers carcéral, la mafia… dans mon cas). Elle a aussi créé au passage des tendances et de nouveaux formats. Le potentiel de la marque, Warner l’a d’ailleurs bien compris en renommant cette année sa future plateforme de SVOD « HBO Max ».

En France, c’est d’abord la chaîne « Canal Jimmy » devenue « Jimmy » avant de disparaître qui a fait découvrir les pépites de HBO et au passage mes premiers coups de coeur série adulte.

En 1992, j’ai ainsi été happé par un format de sitcom que je n’avais jamais vu : « Dream On » racontait les aventures d’un éditeur de livre New-Yorkais dont les pensées sont matérialisées avec des extraits de films et dessins-animés en noir et blanc des années 30 à 50. Jubilatoire et (déjà) métaphorique.

Dans les années 90, s’attaque à 3 autres genres. La série de filles trouve ses lettres de noblesse avec « Sex in the city » mais ce sont deux autres productions qui me marquent pour longtemps : « Oz » dans l’univers carcéral et les « Soprano » dans celui de la mafia inventent le principe des anti-héros, lorsque les méchants deviennent ceux qu’on aime. La métaphore s’invite pour l’occasion dans un nouvel espace, moins attendu. Leur succès à ouvert la voie à de nombreuses autres grandes séries, de « Breaking Bad » à « Dexter ».

Dans les années 2000, le surnaturel est à l’honneur avec les vampires de « True Blood » et l’univers étrange de fête foraine dans « Carnival ». Mais c’est l’histoire d’une famille de croque-mort qui réussit à séduire public, critique… et moi au point de la classer durablement en tête de mes séries préférées de tous les temps. J’avoue être passé à côté de « The Wire », policier sur fond de criminalité sans le manichéisme auquel la télévision nous avait habitué. En tête de liste de mes lacunes à rattraper un jour…

Au début des années 2010, c’est d’abord le succès sans précédent de « Game of Thrones » qui marque la chaîne. Mais mon coup de cœur va à « The Leftovers », série époustouflante sur le deuil qui pousse très loin la métaphore et j’aime la façon dont « Looking », dans un style plus brut, sort des clichés pour traiter de la communauté LGBT.

Parmi les séries toujours à l’affiche, si « Westworld » et « True Detective » nous ont un peu perdu en route, « Big Little Lies » offre une deuxième saison bien meilleure que ce que ceux qui ne l’ont pas regardée jusqu’au bout laisse entendre, en réorientant intelligemment le focus du rapport « mari et femme » au rapport « mère et enfants ».

Au fil du temps, ce sont aussi des mini-séries exceptionnelles qui ont fait de HBO la chaîne événementielle qu’elle est aujourd’hui. Si elle a commencé très fort avec « Angels in america » en 2003, c’est au cours de ces 3 dernières années que les meilleures « limited series » sont arrivées sur HBO, appliquant sont principe de « réinvention » aux univers de la dystopie (« Years and years ») ou du fait historique quasi documentaire (« Chernobyl »).

Pour la suite, la marque de fabrique HBO semble fonctionner à plein pour rendre de nouveau intéressant le genre usé jusqu’à la moelle des super-héros. Au moment où Amazon Prime vient de faire brillamment le boulot avec le sublime « The Boyz ». Le teaser de « Watchmen » réussit pourtant à nous y faire croire. Bon signe : l’homme qui a fait « The leftovers » est aux manettes. Verdict cet automne.

Au-delà des programmes, en annonçant une recommandation plus humaine et moins algorithmique, la plateforme semble en plus avoir compris avant ses concurrents l’importance de la dimension communautaire intégrée de la SVOD.

Mon bilan congé sabbatique

J’avais donné rendez-vous dans 7 mois à l’occasion de mon unique billet consacré à mon congé sabbatique. Et c’est sans doute la question qu’on me pose le plus souvent : c’était comment ce break ? On y est. L’heure du bilan a sonné.

Gagnons du temps, il est simple mon bilan :
Sans que je ne l’aie vraiment articulée, la seule vraie question qui motivait ce congé sabbatique était simple, basique, fondamentale : « Qu’est-ce qui me rend heureux dans la vie?  »
La bonne nouvelle est que j’ai trouvé la réponse et qu’elle tient en un mot : Liberté !

En 11 mois sans salaire, un peu (raisonnablement) déraciné et bousculé, j’ai découvert que rien ne me rendait plus heureux que la liberté de garder du temps pour ceux que j’aime et les sujets qui m’excitent dans mon métier.

Je reviens donc avec une énergie renouvelée, et des projets qui vont avec.

11 mois d’inactivité productive

J’ai d’abord voyagé pour le plaisir (Los Angelès, Biarritz, Toulouse, Gran Canaria…), je me suis engagé en tant que bénévole dans un événement sans rien en attendre en retour, me suis installé à Lisbonne pour rompre mon quotidien, j’ai eu la chance de participer à quelques événements auxquels j’ai été invité, en particulier le superbe Festival CANNESERIES au mois d’avril. Bénéfice collatéral non anticipé : j’ai arrêté de fumer !

Je voulais donner vie à une pièce de théâtre qui me tient à coeur : « The Normal Heart » est programmée au Théâtre du Rond Point l’année prochaine. C’est une immense joie. Qui va forcément un peu colorer mon année 2020.

Je voulais écrire un livre. Sur un concept autour du métier de la communication (une commande) mais j’avais envie d’autre chose. J’ai écrit un roman qui restera encore un peu dans les tiroirs le temps que l’auteur se détende complètement sur l’exposition qui va avec. On verra ça en 2021.

Et j’ai, sans vraiment y réfléchir activement, fait de mon futur une évidence.

Revenir différent

Côté professionnel, j’ai clairement eu envie d’explorer d’autre modèles et d’autres territoires professionnels, maîtriser mieux ce sur quoi je mets mon énergie, transmettre différemment, me laisser des bulles d’oxygène aussi… La liste des raisons qui me font revenir avec un statut d’indépendant est longue. 

C’est aussi forcément l’envie de créer quelque chose qui m’appartient, une marque nourrie par mes convictions et très différente de moi à la fois. Ainsi est né « Spin-Off Conseil« . S’intéresser à la narration d’une marque n’est pas se détourner de mes champs d’intervention historique (RP, influence, com de crise). On continuera à venir me chercher sur ces sujets, je le sais (et je n’hésite d’ailleurs pas à la ramener sur l’ « influence marketing », sans filtre cette fois). Mais j’ai aussi envie de prolonger la réflexion sur un territoire qui me semble pas complètement atterri dans les organisations.

J’ai décidé par ailleurs de m’investir davantage dans l’enseignement. C’est ainsi que je passerai plusieurs heures par semaine à l’INSEEC sur des modules liés aux médias sociaux et à la diffusion de contenus.

Ce qui va me manquer de ces 11 derniers mois ? : les voyages, bien sûr. Regarder des séries aussi. J’en ai vu beaucoup, qui ont parfois changé mon regard sur le monde et ont forcément nourri ma réflexion.

La suite sera forcément pleine de surprises inattendues. Je vais vous épargner les bilans de mes bilans tous les 8 mois. Mais il me tarde de voir !

Wake Up Call

Le mois qui vient de s’écouler avait tout pour être normal. Un début d’été parisien comme je les aime, les verres en terrasse avec les amis, des spectacles légers dont j’ai envie depuis longtemps, des albums que j’attends, des séries annoncées comme des événements. Tout était parfait.

Rien ne s’est passé comme prévu. Et je n’en ressors pas tout à fait le même.

Un monde très noir

Dans le passé, dans le présent et dans le futur, l’optimisme n’est pas de mise.

La série « Chernobyl » assure la première petite claque du mois. Tour à tour thriller politique, drame du quotidien oppressant, ambiance gore terrifiante, difficile de ne pas suffoquer. Le jeu en vaut la chandelle, la mini-série de HBO (diffusée en France sur OCS) est une véritable petite pépite.

Avant de basculer sur la saison 3 de « The Handmaid’s Tale », dont on connait déjà la noirceur stylisée de rouge, une nouvelle dystopie est annoncée pour combler les lacunes de « Black Mirror ».

Très vite, on comprend que « Years and Years » va nous balader dans les 10 prochaines années en faisant le pont sur le nucléaire du traumatisme précédent et en élaborant notre futur sur les peurs bien réelles d’aujourd’hui. Montée des extrêmes, nouvelles dynamiques géopolitiques (et nouveaux réfugiés qui vont avec), effondrement des systèmes financiers ou encore dérives de la technologie sont notamment au programme. La série de la BBC et HBO, découverte à Canneseries et diffusée en France sur Canal +, est à mon goût encore meilleure que « Chernobyl ». Elle réussit à insuffler de l’humour (très british) et des bulles festives dans une succession de prédictions aussi terrifiantes que crédibles. Et surtout, même en couvrant en accéléré 10 années en 6 épisodes, on s’attache aux personnages instantanément. L’amateur de séries est comblé, le citoyen est terrassé.

Heureusement, côté musique, on peut légitimement attendre un peu d’air. Je vois enfin le « Fashion Freak Show » de Jean-Paul Gaultier, je suis embarqué mais ne peux m’empêcher de voir de grands morceaux de ma vie de ces 40 dernières années défiler sur scène. Exactement au moment où Mylène Farmer décide de boucler une boucle très émouvante pour moi, avec un spectacle qui montre la dureté du monde d’aujourd’hui.

En annonçant un nouvel opus aux accents portugais, je comptais sur Madonna pour venir réenchanter ce monde. Las, elle sort l’un des albums les plus politiques de sa carrière, je l’aime tellement qu’il tourne en boucle. Elle attend les tous derniers jours du mois pour sortir un clip majeur, God Control, véritable court-métrage qui déstructure une ère de 40 ans de clips qu’elle avait contribué à inventer. Et créé un objet frontalement militant.

Le combat doit continuer

C’est donc sur fond d’un monde qui s’écroule et d’une canicule qui rappelle que l’horloge du temps est en marche que je découvre sur la chaîne Histoire l’excellent documentaire de Benoit Masocco (CAPA) « L’étincelles, 50 ans de luttes LGBT ». Les 50 ans de Stonewall permettent de revenir sur des combats pas si lointains et sur la nécessité de ne pas s’endormir sur des acquis bien fragiles. Tout le monde devrait voir ce reportage, historiquement passionnant, il a fait sur moi l’effet d’un électrochoc.

Pas particulièrement fan des communautarismes quels qu’ils soient, de l’identité sexuelle en bandoulière et encore moins des démonstrations outrancières qui vont énerver au 20h de TF1, je n’en avais pas compris l’utilité majeure. En me désignant de facto parmi les « Nantis de la liberté », Robert Badinter m’a bousculé dans la clôture de ce doc et fait réfléchir à la façon de contribuer à la lutte, prendre ma part. Assurer ma première Gay Pride parisienne sur un char n’était finalement pas si anecdotique et répondait à une première étape d’une ambition nouvelle : m’exposer plus pour mieux participer à la cause de ma communauté dont je suis forcément plus proche que je ne le pense moi-même.

C’est donc avec une énergie bâtie sur la colère que j’entreprends ce mois de juillet. Je compte bien en faire ressortir des projets utiles.

Ah oui, rien à voir. Il y a une semaine, j’ai eu 50 ans.

Madonna a l’épreuve du temps

« Madame X » a perturbé la presse, les fans, le monde de la pop. Ce qui est toujours mieux que l’indifférence, dirons-nous.

Si on met de côté ses productions très moyennes des années 2010 (« MDNA » et « Rebel Heart »), mes albums préférés de Madonna sont ses pires échecs. « American Life » (5 millions en 2003), « I’m breathless » (6,5 millions en 1990, tiré de « Dick Tracy ») et « Erotica » (7 millions en 1992) sont des albums que j’écoute encore aujourd’hui régulièrement alors que je n’écoute plus vraiment « True Blue » (25 millions en 1986), « Like a virgin » (21 millions en 1984) ni même ceux que j’ai tant aimé à leurs sorties « Ray of light » (20 millions en 1998) ou « Confessions on a dance floor » (12 millions en 2005).

J’ai donc une mauvaise nouvelle pour Madonna (qui me lit, j’en suis sûr, laissez-moi) : je sais déjà que « Madame X »  aura sa place parmi mes albums préférés. Peut-être même la première place, ce qui pourrait annoncer le pire échec de sa carrière.

Engagé, déroutant, fouillis, quasi expérimental… La presse n’a pas su gérer l’extrême modernité alors qu’elle avait pointé (à juste titre) le manque de renouvellement des 2 derniers opus. Elle salue l’engagement mais reproche le manque de tube évident, comme si un peu de facilité était en mesure de rassurer tout le monde. A la première écoute, j’aurais sans doute écrit la même chose. Deux semaines plus tard, l’album tourne en boucle et j’en aime chaque titre. Certains encore plus que d’autres.

La liste de mes préférés est longue. Elle va encore évoluer. Si je devais tenter TOP 10 à date :

  1. « God Control », la rencontre du fight d' »American Life » et du disco de « Confessions ». Inventif, puissant, somptueux.
  2. « Extreme Occident » : un des titres intégrant un mélange d’accords classiques et de sons hispaniques qui détonnent sur un album pop en 2019. Sans vraiment savoir pourquoi, « Extreme Occident » me touche particulièrement, plus que les autres.
  3. « Killers Who Are Partying » : l’inspiration portugaise y est bien évidente. La force du message fonctionne, peut-être aussi parce que la voix de Madonna n’est pas transformée. Enivrant.
  4. « Dark Ballet » : le titre qui aurait fait le tube le plus évident s’il n’était pas complètement twisté à mi-parcours (entre effets classiques et robotiques). En deuxième position de l’album, il provoque ce sentiment d’expérimentation sur les titres qui suivent, même si c’est ici qu’il se joue le plus fort. Culotté.
  5. « Looking For Mercy » : encore une fois des accords classiques (décidément très présents). Ca marche sur moi mais j’accepte qu’on me juge pour ça.
  6. « Future » : le reggaeton de l’album. Un titre qui me fait danser dans la cuisine le matin restera forcément un incontournable pour la vie.
  7. « Crave » : une ballade pop comme je les aime qui me fait retrouver du pur Madonna avec le petit featuring (Swae Lee) qui va bien . Et c’est pas mal non plus que la Queen rappelle au Monde qu’elle aussi, elle sait faire.
  8. « Faz Gostoso » : une autre inspiration portugaise, évidente dès le titre, qui fonctionne particulièrement bien sur moi sans doute aidé par mes quelques mois de vie à Lisbonne
  9. « I Don’t Search I Find » : un titre qui aurait complètement trouvé sa place dans l’album « Ray Of Light ». Pas forcément le plus inventif donc, mais efficace.
  10. « Medellin » : le premier extrait de l’album, qui m’a paru très faible à la première écoute ne figure toujours pas parmi mes coups de cœur mais a trouvé son sens au sein d’un album aussi inventif.

« Come alive », « Batuka », « Crazy » et « Bitch I’m Loca » ferment la marche, mais ça peut bouger, les derniers seront les premiers, un jour.

Pour tout le reste, l’imagerie et le look, les faussetés sur la scène de l’Eurovision, cette façon bizarre de bouger, le nouvel arrière-train, sa volonté de choquer avec des facilités (oulala, elle a léché l’orteil de Maluma…), Madonna m’a un peu perdu. Sur Instagram, elle a lâché la rampe il y a bien longtemps en prenant un malin plaisir à se montrer sous ses pires angles. Et pourtant, dès qu’elle « joue » les bitchs en interview, je retrouve la personnalité réjouissante, drôle, brillante, moderne et au-dessus du reste du Monde qu’elle restera pour toujours. Il n’y a qu’à voir (en entier) son interview chez le génial Graham Norton.

J’ai choisi de ne pas aller la voir au Grand Rex, par peur d’une performance vocale compliquée sans les renforts d’un grand show. Et je pense malheureusement qu’elle ne chantera pas en playback. Ahah. Je sais déjà que je vais le regretter et que, là aussi, elle va inventer. Mais comme pour tout le reste, j’ai le droit de changer d’avis, hein.

L’horloge

Mylène Farmer et moi, c’est une relation compliquée à expliquer. Du choc de 1989 aux larmes de 2019, il faut plus que quelques mots pour raconter comment les 7 concerts d’une chanteuse que j’apprécie assez modérément ont marqué ma vie.

Le 22 novembre 1989, dans ma province natale, j’ai 20 ans. Depuis quelques mois, je dépense l’argent de poche gagné en jobs d’étudiant dans les concerts qui passent par le Palais des Sports de Besançon. Je ne fais pas le difficile, j’aime voir des artistes en live et profite sans rechigner de ceux qui acceptent de passer par la discrète capitale franc-comtoise. Du côté des français, j’ai la joie de profiter des performances de quelques artistes que j’aime : Daniel Balavoine, Etienne Daho, France Gall, Francis Cabrel… Je vais aussi voir sans grande conviction des français qui font partie du paysage et sont souvent des phénomènes du moment qui m’intéressent peu : Patricia Kaas, Indochine, Jeanne Mas… Peut-être un jour aurai-je une bonne surprise.

En 1989, Mylène Farmer est une des plus grosses vendeuses de disque en France. La mémoire étant bizarrement sélective, mes quelques souvenirs précédant cette période sont cabossés. Je n’ai quasiment pas vu passer son premier hit « Maman a tort », mais j’ai en tête « On est tous des imbéciles » découvert dans l’émission de Jacky « Platine 45 ». Très mauvais titre, échec cuisant, mais émission qui vaut le coup d’oeil 34 ans plus tard, tant il est impossible d’imaginer le phénomène à venir.

Personne n’a pu passer à côté du clip de « Libertine », avec des moyens inédits en France, je me souviens très exactement du jour où je l’ai découvert en intégralité dans le Top 50 de Marc Toesca. Pourtant, c’est le titre et son clip précédents qui m’avaient vraiment marqué : « Plus grandir » est mon premier coup de coeur pour la chanteuse, il regroupe tout l’univers qu’on retrouvera plus tard… et déjà le temps qui passe. Je danserai et chanterai comme tous le monde sur les tubes qui suivront.

J’arrive donc au concert ce 22 novembre 1989 avec quelques titres que j’aime bien, des clips qui m’ont marqué mais aussi avec un énorme doute sur la capacité scénique d’une jeune femme à la voix fragile. Je ne m’attends à rien.

Je n’oublierai jamais le début du spectacle, des bruits inquiétants mi-enfants, mi-animaux, couverts par celui d’une horloge lorsque les grilles sont ouvertes. Je reconnais le premier titre du premier de ses deux albums écoutés en boucle, sans qu’ils me passionnent, pour préparer le concert. A l’apparition en clair obscur de la chanteuse, je réalise autour de moi l’effet qu’elle a sur ses fans. Un effet que je vois en vrai pour la première fois et qui me sidère.

La suite voit se succéder tantôt des chorégraphies  inédites, tantôt et le plus souvent, l’univers (et les acteurs) des clips. Des clips qui ont continué à marquer : « Pouvu qu’elles soient douces », « Tristana », « Sans logique », « Sans contrefaçon », « Ainsi soit je »… Son énorme futur succès « Désenchantée » n’existe pas encore mais l’univers est déjà installé, populaire, puissant. Je suis transporté à chaque tableau. Les larmes coulent sur scène, tout est millimétré, le show est à l’américaine, l’émotion en plus. Elle est à son comble à la clôture du spectacle sur un titre de la chanteuse de mon enfance : « Je voudrais tant que tu comprennes » de Marie Laforêt se finit en sanglot sur scène et le sentiment d’avoir pris une grosse claque de mon côté.

Pendant 30 ans, je n’ai plus jamais raté un concert de Mylène Farmer. J’ai à chaque fois été cueilli par la créativité, les moyens mis au service de l’innovation (ah le fameux rideau d’eau pour « Avant que l’ombre…. »), la justesse d’une voix finalement pas si fragile que ça, cette façon de mêler grand show ‘à l’américaine » et proximité « so French ». Son incapacité à communiquer entre deux titres autre chose que de vagues « merci » murmurés et les larmes tellement systématiques qu’elles peuvent énerver n’ont jamais gâché le plaisir. Les albums sont passés à chaque fois avec un peu plus de distance avec mes goûts mais les révisions d’avant concert sont devenues de plus en plus simple tant la liste de classiques que tout le monde connait s’est allongée.

Dire que je n’aime aucun titre de Mylène Farmer serait mentir. « Je te rends ton amour », « Sans logique », « Comme j’ai mal » ou encore « California » font partie de mon panthéon.

Prétendre que le personnage n’a pas continué à m’intriguer n’aurait pas de sens. En cultivant sa face sombre tout en multipliant les sourire de plus en plus présents (voir même l’humour comme dans le clip de Besson « Que mon coeur lâche »), en nourrissant le mystère par la rareté, elle réussit à faire de chacune de ses sorties un événement.

Mais mon seul moment de communion véritable est celui des concerts, tous les 5 ou 6 ans. Le retour sur scène de 2019 s’annonçait donc comme des retrouvailles, une fois de plus. Le show s’annonçait gigantesque, je savais que j’allais encore être emporté.

Je ne pense pas avoir déjà vu autant de moyens sur un spectacle. La setlist est intelligente, les orchestrations des classiques et les chorégraphies sont modernisées intelligemment, les nombreuses références résonnent. Dans la salle, un public de tous les âges, tous les styles, loin des caricatures souvent montrées.

J’avais entendu parler de la fin du spectacle, j’ignorais son effet sur moi.

En jetant au feu son personnage de scène sur le titre qui débutait le premier spectacle, j’ai eu ce sentiment bizarre de voir 30 ans de ma vie partir en fumée. C’est excessif et ridicule mais c’est littéralement ce que j’ai ressenti. Le texte de Baudelaire sur la puissance inexorable du temps devient une boucle qui semble avoir été pensée il y a 30 ans, abyssale. Pour la première fois, les larmes n’étaient pas sur scène mais sur mes joues.

Même si aucune annonce officielle n’est faite, il semble assez évident que ce spectacle sera le dernier grand show de Mylène Farmer. Elle fera d’autres choses, sortira des disques, confirmera son talent de comédienne, continuera le dessin, l’écriture… Je suis un peu jaloux des fans qui profiteront de leur idole autrement. Ca me concernera sans doute assez peu.

En assistant à la dernière représentation du 22 juin (je n’ai pas pu résister), j’aurai à l’issue forcément le sentiment d’être définitivement privé d’un moment que j’attendais et qui comptait finalement beaucoup plus que je ne le pensais.

Les Crevettes Pailletées : un succès réjouissant

Pas de suspens inutile : j’ai adoré « Les crevettes pailletées » ! Pourtant, ce n’était pas gagné, loin de là. Après avoir vu le film, on mesure à quel point le succès populaire, particulièrement réjouissant, n’en est qu’à ses débuts.

Une attente contrastée

La première fois que j’ai entendu parler des crevettes pailletées, j’étais un heureux bénévole aux Gay Games de Paris. C’était encore sous la forme d’une vague rumeur. Le 4 août 2018, en plein cérémonie d’ouverture, il se tournerait la scène d’un petit film français. Quelques mois plus tard, la participation du film au Festival de l’Alpes d’Huez permettait d’en savoir un peu plus sur une histoire qui frappe par sa ressemblance avec le dernier grand succès français sorti en octobre 2018. J’ai détesté « Le Grand Bain », ça n’augure rien de bon. Pourtant, on entend parler d’une salle enthousiaste avant même que le film remporte un joli Prix Spécial du Jury en janvier 2018.

Lorsque la promotion commence, ma plus grosse crainte n’est pas balayée. La presse « branchée » (Slate, Les Inrockuptibles…) évoque beauferie et clichés. Pour se rassurer, il faut aller du côté du Parisien ou du Figaro qui ne sont pas forcément mes références de prédilection en matière de goûts artistiques. La promotion se prend au passage une polémique stupide de mon point de vue (qui m’a valu de me faire déchirer sur Twitter toute une journée).

Mais surtout, la bande-annonce laisse cette impression désagréable d’en montrer beaucoup trop et de réunir l’intégralité des quelques blagues qui font comprendre la dimension clichés. Au mieux, ce sera un moment sympa, ce qui serait déjà pas si mal.

Le plaisir de multiples bonnes surprises

Je suis entré dans la salle de cinéma 3 jours après la sortie avec un niveau d’attente limité à un capital sympathie malgré le succès Paris ET Province du premier jour. Echaudé par des succès au box office qui n’ont pas marché sur moi (« Le Grand Bain » ou « Les Petits Mouchoirs » font partie de mes pires souvenirs cinématographiques), aucune de mes craintes n’avait disparu.

En 5 minutes, le problème était réglé : j’étais déjà dans le plaisir d’un film efficace, avec la meilleure mise en place de l’histoire des mises en place. En 3 scènes, le contexte est posé, l’enjeu est dessiné, on comprend déjà que la bande-annonce est loin de révéler tout le film. La suite le confirme largement. Dans la foulée, il est assez évident que la journaliste du Monde qui écrit que « le film ne revendique aucun réalisme » connait assez mal le sujet. Quand le curseur est poussé, ce n’est jamais caricatural, c’est seulement la facette la plus drôle et festive qui est montrée. Mais surtout, les scénaristes-réalisateurs Cédric Le Gallo (qui s’offre un cameo) et Maxime Govare nous offrent cette magie rare : quand on rit, c’est à gorge déployée, quand on pleure, c’est en mode torrent de larmes (on va encore dire que je suis sensible). Les autres qualités ne peuvent pas être dévoilées sans spoiler l’histoire mais il y en a beaucoup.

Les forces des « crevettes pailletées » sont parfois aussi à l’origine de ses quelques faiblesses : on s’attend à un film chorale, 3 personnages sont pourtant assez vite au centre des storylines les plus fortes. On s’en doutait dès la bande-annonce pour Matthias Le Goff / Nicolas Gob, c’est une belle surprise pour Jean / Alban Lenoir et Cédric / Michael Abitboul. Les autres membres de la bande apportent tous un élément de « diversité » nécessaire, de multiples beaux arcs courts, on aurait aimé qu’ils soient tous aussi dense que les 3 rôles de premier plan.

En intégrant une scène de « Club » sans doute utile au milieu du film mais bien trop longue, le film souffle d’un ventre mou facilement évitable en réduisant de 10 bonnes minutes la scène.

Si je suis sorti particulièrement réjoui (bien que les yeux rougis) de la salle de cinéma, c’est aussi parce que j’ai compris que le succès du premier jour (dans le Top 5 des meilleurs démarrages français) n’était que le début. Un vrai film sans prétention mais populaire, qui donne envie de dire merci et faire un hug à l’ensemble des acteurs auxquels on s’est attaché instantanément, qui va voir s’enchaîner applaudissements et standing ovations dans les salles partout en France. On peut prédire pour pas mal des acteurs une très jolie suite. C’est tout le mal qu’on peut leur souhaiter,  c’est déjà largement en route pour Albin et Mickaël (à qui j’ai plein de raisons de souhaiter toujours plus de succès).

Free

J’ai reçu mon badge des 1 mois. C’est quoi 30 jours dans une vie ? Un détail dans pas mal de domaines, une jolie victoire pour moi aujourd’hui.

1988 – 2018

Trente ans séparent ces 2 photos (je sais, j’ai pas bougé, lol). Trente années pendant lesquelles je n’ai pas passé une seule journée sans me réveiller le matin avec comme première tentation l’envie d’allumer une cigarette.

J’ai arrêté de fumer le 1er avril 2019. Je pourrais raconter que mon inimitable sens de l’humour m’avait amené à choisir cette date pleine de blagues potaches pour changer drastiquement ma vie. Mais comme je n’ai jamais menti ici, je vais pas commencer maintenant : rien de tout ça n’a été calculé. Pire, je suis incapable de donner le moindre conseil sur la meilleure façon d’arrêter. Je peux juste raconter mon expérience.

Le jour où tout a basculé

Je me lève à 8h et m’apprête à partir à la salle de sport. Un seul préalable : je n’ai plus de cigarettes, je file donc m’acheter 3 paquets que j’essaierai de faire tenir dans la semaine, histoire de ne pas gâcher tout ce sport quotidien.

En remontant chez moi, je regarde la vidéo d’une humoriste dont tout le monde parle suite à l’agression qu’elle a subie avec son ami. En laissant dérouler la vidéo suivante, j’entends Laura Calu raconter fièrement qu’elle a arrêté de fumer il y a 50 jours. Je me rappelle que cette victoire racontée par les autres est très contre-productive pour moi : elle me rappelle à quel point la démarche est lourde, compliquée, de l’ordre du sevrage d’une drogue reconnue comme plus addictive que l’héroïne.

Dans la vidéo, Laura mentionne une application qui l’a aidée.

Machinalement, je vais voir du côté de l’App Store. Il y a pas mal d’applis, celle que je repère s’appelle « Smoke Free » et coûte 5 euros. Et là, il se passe quelque chose que je suis absolument incapable d’expliquer. Moi qui n’ai jamais vraiment eu envie d’arrêter en 30 ans. Moi qui ai vaguement tenté toutes les solutions existantes (patch, hypnose, cigarette électronique, même le Champix qui m’avait rendu dingue sans calmer mon envie de fumer…), le tout sans aucun succès faute de motivation. Moi qui suis résigné à mourir un jour à cause du tabac. Je m’apprête tout à coup à arrêter de fumer alors que ce n’était même pas un plan 5 minutes plus tôt.

Dépenser 5 euros pendant cette période de congés sabbatiques où je fais un peu attention à tout ce que je dépense n’est pas une option si c’est pour ne rien en faire. Je ne pense pas aux 27 euros que je viens de claquer avec mes 3 paquets, juste aux 5 euros de l’appli. Si je clique, si je l’achète, il est absolument hors de question que je n’arrête pas de fumer. Je regarde les paquets de Winston Light sur la table, je soupire, et je clique. Je ne fumerai plus, je viens de le décider.

Vérifier tout ce qu’on sait déjà… et plus encore

S’occuper, penser à autre chose, ne pas trop provoquer le destin en évitant dans des situations « à risque »… Les 2 premiers jours auront été finalement assez simple. Je suis déterminé même si un peu triste de passer à côté de multiples petits moments de plaisirs dans la journée : boire un café, me poser à la terrasse d’une brasserie et de multiples autres petites choses n’ont plus le même sens sans allumer une cigarette. Je ferai le deuil de ces petits plaisirs, ce n’est pas grave. Je n’en parle à personne, j’ai retenu autre chose de la vidéo de Laura : les autres n’aident pas. Les anciens fumeurs rappellent qu’il leur arrive encore des années plus tard d’avoir envie d’une cigarette. Les fumeurs qui ont essayé racontent leur échec. Sans malice, plus par projection d’un enjeu personne. Mais ça n’aide pas.

Le 3ème jour, je me réveille après une bonne nuit en comprenant pour la toute première fois ce que l’état de manque veut dire. Rien à voir avec cette furieuse envie de cigarette après 12h d’avion. Non, ça c’était presque fun à côté. Ce serait plus de l’ordre du cerveau qui semble vouloir exploser dans sa tête, une incapacité absolue à réfléchir, un sentiment de violence qui fait un peu peur.

Arrêter sans aucun support était quelque peu présomptueux, j’avoue mon excès de confiance. C’est à ce moment précis que mon application « Smoke Free » s’est révélée utile. En mettant en avant une série de « quick win » bénéfices santé (pouls à la normal, taux d’oxygène dans le sang, expulsion totale du monoxyde de carbone…) dès les premières heures, remis à 0 à la première cigarette fumée. La tentation de se mentir en se disant « une cigarette, ce n’est pas grave » est combattue activement. J’oublie donc immédiatement d’ouvrir le tiroir dans lequel j’ai rangé mes 3 paquets de Winston.

Je cours plutôt chez ma buraliste qui me connait assez bien, forcément, et lui demande la cigarette électronique la plus simple d’usage possible. Je me retrouve équipé de my Blu, un indice de nicotine limité à 0,8%, avec la ferme intention de ne pas me mettre à vapoter mais de continuer à arrêter de fumer avec ce support en guise de rempart à la cigarette panique. En recréant le geste mais aussi une grande partie des sensations liées au fait de fumer, ça fait complètement le job. En attendant de pouvoir faire sans.

Parmi tous les autres désagréments connus, celui de la prise de poids aura été le plus immédiat chez moi : en une semaine, sans avoir l’impression de manger tellement différemment et sans arrêter le sport, j’ai gagné un début de jolie bouée au niveau de la taille. Faire un peu attention n’étant pas dans mon caractère, j’entame immédiatement un régime « Carb Cycling » qui consiste grossièrement à pratiquer des jours sans aucun glucide (mais un quasi open bar lipidique bien sympa qui permet de vérifier que « le gras, c’est la vie »). L’impact est quasiment immédiat, la bouée diminue jusqu’à s’effacer, je peux continuer tranquillement.

Le bénéfice auquel on n’avait pas pensé

Un mois sans cigarette, c’est le retour du goût et de l’odorat, une respiration claire (après quelques jours de toux et mal de gorge), une  haleine plus sympathique au réveil, une peau qui se détend, des dents plus saines (après quelques jours de saignement de gencives), des longueurs à la piscine enchaînées sans devoir reprendre son souffle toutes les 10 minutes…

Mais le vrai bénéfice ressenti est ailleurs.

C’est pendant le Festival CANNESERIES et ses projections de plusieurs heures qu’un sentiment est apparu : celui de la liberté absolue. Finies les stratégies pour pouvoir sortir fumer une cigarette discrètement, oubliée la nervosité liée à l’impossibilité de fumer pendant un long moment (dans les transports, chez des amis…). Et soudain, on réalise à quel point la cigarette était une prison.

Ce badge du premier mois est un joli symbole de liberté.

J’ai décidé assez vite de mentionner mon arrêt de la cigarette à mes amis au fur et à mesure que je les croisais. Plus pour expliquer le vapotage probable que pour rendre visible un « combat » ou attendre une motivation. J’ai continué à profiter des bénéfices en y ajoutant la disparition de l’odeur de la cigarette dans mes vêtements et les économies réalisées avec lesquelles je m’autorise quelques « cadeaux plaisir ».

Je ne sais pas combien de temps je continuerai à compter les « jours sans cigarette », je garde le sentiment que j’aurai vraiment gagné le jour où je ne compterai plus. Mais je commence à comprendre qu’on compte peut-être les jours sans cigarette comme on compterait des jours de liberté. Et en attendant, on est le 1er mai 2019, ça fait un mois que je ne fume plus !